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Transports - Réforme ferroviaire : les régions prêtes pour une nouvelle étape

A l'approche de la discussion au Parlement du projet de loi sur la réforme ferroviaire, les régions veulent réaffirmer leur rôle d'autorité organisatrice des TER et pressent le gouvernement de transposer le règlement européen OSP (Obligations de service public) qui leur donnerait la possibilité de choisir librement le mode d'attribution de leurs contrats.

Le projet de loi de réforme ferroviaire doit être discuté à partir de la mi-juin à l'Assemblée nationale et les régions comptent bien en profiter pour faire passer quelques mesures fortes pour le renouveau du transport ferroviaire. A l'issue d'une réunion ce 11 mars avec Alain Le Vern, ancien président de la région Haute-Normandie devenu en décembre dernier directeur général Régions et Intercités à la SNCF, elles ont présenté une version actualisée du manifeste qu'elles avaient publié lors des Etats généraux du transport ferroviaire régional qui s'étaient tenus à Nantes en septembre 2011 (lire ci-contre notre article du 29 septembre 2011). "Nous avons souhaité préciser la position des régions, poser les questions et apporter les réponses pour que la future loi les prenne en compte, souligne Jacques Auxiette, président de la région Pays de la Loire et de la commission Infrastructures et Transports de l'Association des régions de France (ARF), en reconnaissant une "relative exaspération dans les relations entre les régions et la SNCF".
"Les régions sont d'autant plus légitimes à être exigeantes avec la SNCF qu'elles portent les principales commandes de régénération des trains", appuie Alain Rousset, président de l'ARF. Depuis la régionalisation du TER en 2002, elles ont ainsi commandé 1.830 rames pour 8,8 milliards d'euros et 60% des TER circulant aujourd'hui sont neufs. Entre 2002 et 2012, l'offre TER a augmenté de 24% et la fréquentation des voyageurs de 55%.
Pour les régions, si le succès du TER est indéniable, il faut aujourd'hui franchir une nouvelle étape tant en termes de performance que de maîtrise des coûts. Avec 4,4% de hausse par an, soit quatre fois plus que la progression de l'offre, le coût du TER ne leur paraît plus soutenable. Elles comptent donc sur la réforme ferroviaire en cours pour faire valoir leurs positions.

L'Etat appelé à ses responsabilités

Elles en appellent d'abord à la Nation comme "pilote et stratège de la politique nationale". "L'Etat doit avec le Parlement définir la politique ferroviaire nationale et les moyens budgétaires alloués, en lien avec la politique d'aménagement du territoire", souligne le manifeste. Son rôle d'autorité organisatrice des services ferroviaires d'intérêt national a aussi besoin d'être confirmée car "on sent une volonté de désengagement de l'Etat de la politique d'aménagement du territoire", estime Jacques Auxiette. Les régions défendent aussi le principe d'un gestionnaire d'infrastructure unique "pour un réseau ferré national unique". "Il y a un véritable enjeu de cohérence et d'unicité du réseau au niveau national, qui relève de la responsabilité des instances de représentation nationales", font-elles valoir dans leur manifeste.
Concernant leur propre rôle, les régions estiment que depuis 2002, elles n'ont toujours pas été reconnues comme des autorités organisatrices de plein exercice dans leurs relations avec la SNCF. Elles réclament donc d'être considérées comme telles et veulent trouver toute leur place dans la gouvernance du système ferroviaire. Elles veulent être reconnues comme "chefs de files de l'intermodalité" et jouer un rôle de premier plan dans la coordination des gares.

Pour une meilleure performance financière de la SNCF

Autre revendication : obtenir de la SNCF une plus grande transparence financière. Les régions reconnaissent que des progrès ont été réalisés avec la communication aux régions de comptes par lignes. Mais elles jugent nécessaire d'aller beaucoup plus loin dans la transparence des coûts. "Il faudrait mettre en avant les frais de structure, note Jacques Auxiette. Le président de la SNCF a reconnu publiquement que sur ces frais, on pouvait gagner 500 millions d'euros. Il faut regarder de près les conditions dans lesquelles la maintenance est assurée, les coûts facturés aux régions pour l'accompagnement, c'est-à-dire les contrôleurs, comment on mesure la fraude. Il appartient à l'exploitant d'améliorer sa performance industrielle et économique et de la faire partager à ses salariés."
Les régions veulent aussi pouvoir disposer d'une plus grande maîtrise des recettes du TER pour fixer elles-mêmes les tarifs. Mais cette évolution doit se faire dans un cadre bien défini, précise le manifeste : "en imposant le maintien de tarifs réduits pour les personnes les plus fragiles économiquement au moins équivalents à ceux existants, et en garantissant l'accès pour tous les usagers à des billets combinés pour des trajets avec correspondances". Ce qui nécessite de conserver un prix de référence au niveau national. Les régions souhaitent aussi devenir pleinement responsables de l'acquisition du matériel ferroviaire. Aujourd'hui, "les régions sont appelées à payer des commandes faites par les services de la SNCF et la SNCF garde la propriété des trains", explique Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes et de la commission Développement durable de l'ARF. Avec huit autres régions, Rhône-Alpes a lancé une association d'études sur le matériel roulant qui tiendra son assemblée générale constitutive début avril (lire ci-contre notre article du 3 mars 2014). A l'issue de cette assemblée générale, un cahier des charges sera publié, "visant à étudier l'opportunité et la faisabilité technique, juridique, économique, financière des différentes solutions permettant aux régions de disposer de matériel ferroviaire et des prestations associées répondant aux fonctionnalités définies et à coût soutenable", indique l'ARF.
Sur le volet financier, les régions militent aussi pour la création d'une ressource fiscale dédiée au système ferroviaire. "Aujourd'hui, les régions ont un taux d'autonomie fiscale de seulement 12% (…) et cette dégradation va s'accélérer à l'avenir avec la baisse des dotations de l'Etat", souligne le manifeste. "Alors que le financement du réseau ferré repose de plus en plus sur les régions et que la forte dynamique des TER nécessite un développement de l'offre, il est indispensable de créer une ressource régionale dédiée au financement du système ferroviaire, qui représente 5,8 milliards d'euros de dépenses annuelles pour les autorités organisatrices", poursuit-il.

Liberté de choix

Enfin, les régions sont favorables à "une politique ferroviaire ouverte vers l'Europe". Si elles considèrent que l'ouverture à la concurrence "n'est pas la solution unique à la dérive des coûts du ferroviaire" et qu'elle "ne résoudra pas tout", elles sont favorables à ce qu'elle soit rendue "possible mais non obligatoire". Et pour éviter tout dumping social, elles veulent "un cadre social harmonisé". Dans l'immédiat, elles veulent que la réforme ferroviaire soit l'occasion de transposer dans le droit français le règlement "Obligations de service public" (OSP) de 2007 pour "permettre aux autorités organisatrices de choisir librement le mode d'attribution de leurs contrats, en attribution directe, en régie ou à travers une délégation de service public". En s'inscrivant dans cette logique et en intégrant une révision des dispositions du Code des transports relatives aux services publics ferroviaires d'intérêt régional, la réforme pourrait leur permettre de choisir librement le mode de contractualisation le plus adapté. "C'est ce qui permettra à la France de réaffirmer sa position dans les négociations sur le quatrième paquet ferroviaire et de s'opposer à la vision de la Commission européenne qui souhaite imposer les appels d'offres pour l'attribution des contrats de service public ferroviaire dès 2019", conclut le manifeste.
 

 

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