Transports - Ferroviaire : la réforme sur les rails
"Cette réforme a pour ambition de moderniser le service public ferroviaire français en bâtissant, avec l'ensemble des parties prenantes, un modèle qui réponde aux besoins des usagers et à l'aménagement du territoire, qui rétablisse l'équilibre économique du système et qui permette la création d'un groupe public industriel intégré, pleinement inséré dans l'Europe du rail", a déclaré Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des Transports, en présentant en Conseil des ministres ce 29 mai les grands axes de la réforme ferroviaire.
Un peu plus d'un mois après la remise des rapports de Jean-Louis Bianco et de Jacques Auxiette qui lui ont servi de base, la réforme entend d'abord améliorer l'efficacité du système ferroviaire en réunissant dans une seule entité les métiers qui concourent à l'entretien, au maintien et à l'exploitation de l'infrastructure. Ce gestionnaire d'infrastructures unifié (GIU) va donc rassembler RFF, SNCF Infrastructure et la direction des circulations ferroviaires. Le dialogue entre le GIU et l'exploitant sera renforcé par l'intégration des deux entités au sein d'un même groupe public, a insisté Frédéric Cuvillier. Deuxième objectif de la réforme : le rétablissement de l'équilibre économique du système ferroviaire. Pour maîtriser sa dette abyssale (près de 32 milliards d'euros pour RFF, avec un rythme de croissance annuelle d'1,5 milliard d'euros), le gouvernement mise sur les "synergies" au sein du nouveau groupe public intégré.
Trois établissements publics
Concrètement, celui-ci sera constitué de trois établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic) : un Epic de tête "mère" qui assurera le contrôle et le pilotage stratégiques, la cohérence économique, l'intégration industrielle et l'unité sociale de l'ensemble du groupe public et deux Epic "filles" – le gestionnaire d'infrastructures précédemment décrit, qui reprendra l'intégralité des engagements financiers de RFF, et l'exploitant ferroviaire. Côté gouvernance, la direction de l'Epic de tête sera assurée par un directoire constitué par le président du gestionnaire d'infrastructure et par le président de l'exploitant ferroviaire, sans dépendance entre eux, sous l'autorité d'un conseil de surveillance. L'Epic "mère" aura aussi une part prépondérante dans la désignation des administrateurs des Epic "filles".
L'Etat "stratège", selon les termes de Frédéric Cuvillier, veut aussi renforcer sa présence au sein du système ferroviaire. Il sera ainsi majoritaire au sein du conseil de surveillance de l'Epic de tête où seront également représentés le Parlement, les salariés et les régions, conformément aux préconisations du rapport Auxiette. Sur proposition du conseil de surveillance, l'Etat nommera en Conseil des ministres les deux membres du directoire de l'établissement "mère" qu'il désignera également en tant que président du gestionnaire d'infrastructure et président de l'exploitation ferroviaire. A l'exception des représentants des salariés, l'Etat nommera aussi tous les administrateurs des deux Epic "filles", y compris ceux proposés par le conseil de surveillance de l'Epic "mère".
Des prérogatives renforcées par l'Araf
Pour garantir "l'accès transparent et non discriminatoire" au réseau des entreprises ferroviaires et "le fonctionnement impartial du gestionnaire du réseau", Frédéric Cuvillier a annoncé un renforcement des prérogatives de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf). Conformément à une recommandation du rapport Bianco, un Haut Comité des parties prenantes sera aussi créé, constitué de tous les acteurs du ferroviaire. Lieu de débat sur le fonctionnement et les évolutions du système, il sera notamment chargé d'approuver un nouveau "code du réseau".
La pérennité économique du secteur passera par l'instauration d'une règle de "rétablissement des équilibres" dont le principe sera fixé par le législateur, et dont les modalités seront mises en œuvre par un contrat de performance entre l'Etat et le gestionnaire d'infrastructure, dont l'exécution sera contrôlée par l'Araf, ainsi qu'entre l'Etat et l'exploitant, a encore indiqué le ministre.
Sur le volet social, l'idée est de bâtir un cadre commun à l'ensemble des entreprises ferroviaires dans lequel le statut des agents de la SNCF sera préservé. Une convention collective nationale, qui pourra être complétée par des accords d'entreprises, aura vocation à s'appliquer à l'ensemble des entreprises de la branche ferroviaire (Epic du groupe public et autres opérateurs ferroviaires). Pour préparer la négociation de la convention collective puis l'accompagner dans le cadre d'une commission mixte paritaire, un représentant des pouvoirs publics sera missionné conjointement par le ministre chargé du Travail et le ministre chargé des Transports dans les prochaines semaines. Cette négociation pourra s'engager à l'issue de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, d'ici cet été.
Pour Frédéric Cuvillier, la réforme qui s'engage et qui devrait terminer son parcours législatif "avant la fin 2013" est aussi compatible avec les exigences actuelles de la Commission européenne en termes de concurrence. "La question essentielle est de savoir si les règles de fonctionnement du système sont assurées sans discrimination. La réponse est oui", assure le ministre qui défendra ces nouvelles orientations dans le cadre des négociations sur le "4e paquet ferroviaire" qui vise à libéraliser le transport national de voyageurs d'ici à 2019.
Satisfecit des régions
Du côté des régions, qui ont contribué à son élaboration, la réforme est bien accueillie. Pour Jacques Auxiette, président de la région des Pays de la Loire et de la commission Transports de l'Association des régions de France (ARF), "les axes présentés marquent une ambition retrouvée pour une véritable politique du rail au service des voyageurs".
"Au-delà de quelques nuances entre les propositions transmises ces dernières semaines au gouvernement, le projet qui sera retenu définitivement devra présenter des dispositions très précises en matière de pilotage politique, de gouvernance et d'identification des responsabilités pour tout acteur évoluant au sein du système ferroviaire : il faut impérativement que la confusion des rôles cesse et que les doublons ou dysfonctionnements disparaissent", insiste l'élu dans un communiqué.
Jacques Auxiette insiste pour que la notion d'autorité organisatrice, "essentielle pour les régions", soit clairement affichée et reconnue et que "la question pour les régions des ressources financières nouvelles et dynamiques propres au développement du rail sur les territoires ne soit pas oubliée".