Fonds européens - Collision entre le manque de concurrence et le financement européen du ferroviaire
Dans un entretien à l'Express publié le 21 octobre, le président de Midi-Pyrénées est revenu sur la mission confiée par le chef de l'Etat : repenser la dépense publique et proposer des réductions là où elles s'imposent. Le secteur ferroviaire est dans l'oeil du cyclone, tant les régions ont le sentiment de payer au prix fort le fonctionnement des trains TER.
Les exécutifs régionaux se plaignent de ne pas toujours comprendre ce que recouvrent les montants réglés et ils ne sont pas les seuls à vouloir faire la lumière.
"L'Union européenne a décidé de suspendre certaines aides aux régions françaises pour des investissements parce qu'elle juge qu'il n'y a pas assez de transparence entre les comptes de la SNCF et de RFF", signale Martin Malvy.
Un cas d'école en Auvergne
L'affaire débute à l'automne 2010. La Cour des comptes européenne inspecte un projet ferroviaire de modernisation de la ligne Clermont-Ferrand-Aurillac, cofinancé à hauteur de 7 millions d'euros par le Fonds européen de développement régional (Feder).
Pour réaliser les différents travaux, RFF fait légalement appel à SNCF infra, sans comparer l'offre de l'opérateur historique avec celle d'autres prestataires. En phase avec la loi française, cette pratique l'est beaucoup moins avec Bruxelles. "C'est de l'absence de mise en concurrence qu'ont découlé tous les problèmes", confie une source proche du dossier.
Si elle n'ose finalement pas remettre en cause l'attribution des marchés à SNCF infra, la Commission européenne ne désarme pas et braque ses feux sur les marchés passés entre l'opérateur historique et ses fournisseurs. En clair, SNCF infra respecte-t-elle les règles de la commande publique quand elle s'approvisionne en rails, ballasts ou traverses de chemins de fer ? Met-elle bien en concurrence les différents prestataires ? Ce qui est facturé à RFF rentre-t-il vraiment dans le champ d'action des fonds européens ?
La Commission européenne a une priorité : pouvoir tracer chaque dépense afin de s'assurer que les subventions communautaires interviennent réellement sur le projet agréé par Bruxelles.
Or, pour simplifier ses procédures, SNCF infra a l'habitude de passer des marchés globaux portant sur du matériel pouvant intervenir sur un grand nombre d'investissements ferroviaires. Elle facture de plus des frais financiers à RFF qui ne peuvent pas être remboursés par les fonds européens.
"Travail de fourmi"
Pendant deux ans, le ministère de l'Intérieur, la SNCF et RFF ont tenté de démêler cet écheveau comptable afin de fournir une méthode susceptible de convenir à Bruxelles. Des instructions ministérielles ont été publiées le 9 juillet pour donner la marche à suivre. "C'est un travail de fourmi qui porte sur des milliers de factures", soupire-t-on en préfecture.
En attendant que Bruxelles valide le fastidieux plan de reprise, 10% des investissements dans les projets ferroviaires sont suspendus, en guise de sanction temporaire et "prudentielle". Certaines régions sont particulièrement concernées, à l'image de l'Auvergne, Midi-Pyrénées, qui subit une suspension de 4,2 millions d'euros de dépenses, dont 2 millions d'euros de Feder, ou encore la Bretagne, qui redoute de perdre le bénéfice d'une partie de ses fonds européens s'ils ne sont pas dépensés à temps.
Dans cette dernière région, les enjeux financiers sont conséquents. Pour raccourcir les temps de trajets sur les tronçons Rennes-Brest et Rennes-Quimper, 263 millions d'euros sont investis, dont 100 millions d'euros de Feder.
Une fois que tout sera remis en ordre, l'UE sera en mesure de lever ses sanctions, tout en déduisant les postes de dépenses qui ne devaient pas être pris en charge par le Feder. Qui paiera ce manque à gagner ? La question reste posée.