Economie - Réforme de la commande publique : Bercy détaille le contenu de sa "boîte à outils"
Représentant plus de 10% des PIB européen et national - elle a été estimée à 200 milliards d'euros en France en 2014 -, la commande publique est considérée par le gouvernement comme un levier économique majeur, en faveur notamment des PME et de l'innovation. En transposant les directives Marchés et Concessions (voir nos articles ci-contre), le ministère de l'Economie a donc souhaité moderniser la commande publique, en facilitant la tâche aux entreprises et en sécurisant la mission des acheteurs employés par les quelque 60.000 pouvoirs adjudicateurs, au premier rang desquels figurent les collectivités.
En prélude au colloque sur ce thème qui s'est tenu l'après-midi même à Bercy, Jean Maïa, directeur des affaires juridiques des ministères économiques et financiers, Salim Bensmail, directeur de la mission d'appui aux partenariats public-privé (MAPPP) et leurs collaborateurs ont échangé avec à la presse, vendredi 15 avril, sur le contenu de la nouvelle "boîte à outils" issue de cette réforme.
Un "exercice de reconstruction et de simplification"
Les collaborateurs du ministre ont tout d'abord rappelé l'esprit de cette refonte du droit de la commande publique : il s'agit non d'une simple transposition des directives, mais bien d'un "exercice de reconstruction et de simplification" du droit de la commande publique, avec cinq objectifs majeurs. Tout d'abord, donner un nouveau sens à la commande publique, en faire "un levier fort pour l'économie". Elle vise également à mieux "intégrer les PME dans la commande publique" : selon Bercy, ces dernières représentent aujourd'hui 99% des entreprises en France, mais seulement 30% des contrats publics en valeur. L'objectif du ministère de l'Economie est de faire passer cette part à 50% d'ici deux à trois ans. La réforme a par ailleurs pour objectifs de favoriser l'innovation et d'"optimiser" les politiques d'achats par l'insertion de clauses sociales et environnementales, de renforcer l'équité dans la commande publique, et enfin, de lutter contre les offres anormalement basses (OAB) (voir ci-contre notre article du 27 février).
Bercy a précisé que la rénovation du droit de la commande publique serait parachevée avec l'élaboration d'un code de la commande publique d'ici vingt-quatre mois, réalisé "à droit constant".
Marchés de partenariat : "Fin Infra" accompagnera les collectivités
L'entourage du ministre de l'Economie a ensuite annoncé la transformation de la MAPPP en mission d'appui au financement des infrastructures ("Fin Infra"). Selon les termes du dossier de présentation, cette mission constituera "un pôle d'expertise public de la structuration juridique et financière - et plus largement du financement - des opérations d'investissement dans les infrastructures", qui aura pour mission de "favoriser le financement des projets d'investissement décidés par les acteurs publics, d'optimiser la valeur et le coût global des projets, et de sécuriser les opérations."
Sachant que les "modalités de financement par les acteurs privés sont en train d'évoluer", Fin Infra pourra accompagner les collectivités dans les montages complexes et les aider à "sécuriser les projets, en partageant avec elles les points de vigilance et les facteurs clés de succès des opérations issus de l'expérience et des pratiques contractuelles française et européenne."
Souvent critiqué, le PPP est "un mode de marché qui a toute sa logique", a insisté pour sa part Salim Bensmail. Il s'inscrit désormais dans le cadre du "marché de partenariat", censé simplifier et sécuriser la passation du marché, et améliorer le dispositif de suivi, crucial pour prévenir les éventuelles dérives (voir ci-contre notre article du 9 mars).
Par ailleurs, pour mieux apprécier la pertinence du recours à ces contrats complexes, ces marchés seront désormais soumis à "une démarche d'évaluation préalable renforcée", confiée à Fin Infra, et un bilan détaillé devra démontrer la pertinence du recours à ce type de marché. De même, l'étude de soutenabilité budgétaire, qui détermine si un projet est viable pour les finances de l'acheteur sera également soumise à l'avis des services compétents.
Pas de soupçon sur le "sourçage"
Auparavant admis dans la pratique mais trop peu utilisé, le "sourçage" est dorénavant consacré. Il permettra à l'acheteur de mieux connaître les solutions disponibles sur le marché : afin de préparer la passation d'un marché public, les acheteurs pourront désormais réaliser des consultations ou des études de marché, solliciter des avis ou informer les opérateurs économiques de leur projet et de leurs exigences. Ils disposeront alors d'une connaissance plus approfondie des solutions techniques existantes, et notamment des innovations. Ce mécanisme devrait de ce fait favoriser les PME (voir ci-contre notre article du 24 mars).
Concernant le soupçon de de favoritisme qui pourrait entacher cette démarche, les experts de Bercy ont rappelé qu'il ne s'agit pas d'opérer une présélection, mais de faire "un point concret de ce qui est disponible avec les acteurs économiques du secteur." A cet égard, Jean Maïa, qui représente l'Etat devant les juridictions de l'ordre judiciaire, a souligné que lorsqu'un tel soupçon se faisait jour, le juge pénal vérifiait le respect de la lettre de la législation sur les marchés publics et que, de ce fait, inscrire le sourçage dans les textes était "sécurisant".
Un autre moyen de garantir l'égalité entre les candidats est le recours à l'open data : le ministère prévoit de rendre accessible d'ici à 2018, les données essentielles concernant les marchés publics, afin d'en assurer la transparence et d'opérer une cartographie des achats. Ces informations sont par ailleurs très attendues par les associations d'élus afin de mesurer les effets de la baisse des dotations sur l'investissement des collectivités.
Prise en compte des préoccupations sociales et environnementales
Le nouveau cadre vise à "faciliter l'intégration de considérations sociales et environnementales", encore trop peu utilisées dans la commande publique. Il ouvre la possibilité aux acheteurs et aux autorités concédantes d'insérer des critères et des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics ou dans les contrats de concession pour faire de la commande publique un "véritable levier de politiques publiques vertueuses et responsables." Par exemple, afin de favoriser l'emploi et l'intégration sociale des personnes handicapées et défavorisées, les acheteurs et les autorités concédantes pourront réserver leurs contrats aux opérateurs économiques employant au moins 50% de personnes handicapées ou défavorisées. Un dispositif similaire de réservation des marchés publics de services est prévu pour les entreprises de l'économie sociale et solidaire.
La DAJ a pour objectif de bâtir une base de données des clauses les plus pertinentes dans ces domaines, d'ici 3 ou 4 ans.