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Commande publique - Un guide pour savoir quand recourir au marché de partenariat

Souvent critiqué, le recours au partenariat public-privé se veut désormais mieux sécurisé depuis la réforme des contrats de partenariat, devenus "marchés de partenariat" fin juillet 2015. Une étude récente du Commissariat général au développement durable leur est consacrée. Elle propose des critères pour apprécier la pertinence d'un recours à ce type de marché.

Le Commissariat général au développement durable (CGDD) a mis en ligne le 22 février le numéro 139 de sa série "Etudes et documents", consacré aux marchés de partenariat, issus de la réforme récente des contrats de partenariat mis en place en 2004. Dans son introduction, Rémi Pochez, l'auteur, souligne que ces partenariats suscitent des critiques, dont les principales sont le recours à des financements privés coûteux et leur manque de flexibilité. A l'opposé, leurs défenseurs mettent en avant les incitations données au partenaire privé pour assurer la qualité du service et pour optimiser le coût du projet sur l'ensemble de son cycle de vie avec une bonne coordination des différentes phases.
Après un rappel du cadre juridique, cette étude analyse les différents avantages et inconvénients des marchés de partenariats. En s'appuyant sur une revue de littérature, elle se propose ensuite d'identifier les conditions dans lesquels le recours à un marché de partenariat peut être envisagé. Elle dresse enfin un premier bilan des contrats signés avant la réforme.

Critère du bilan favorable

Introduit par l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 (voir ci-contre notre article du 2 septembre 2015), le marché de partenariat est le successeur du contrat de partenariat qui constitue, avec le marché de concession, l'une des formes de partenariats public-privé (PPP) du droit des marchés publics. L'auteur rappelle que les partenariats public-privé sont un moyen pour la puissance publique de "mobiliser l'expertise du secteur privé dans la maîtrise d'ouvrage de ses équipements et d'utiliser des financements privés pour accélérer les investissements." La réforme de 2015, en remplaçant le contrat de partenariat par le marché de partenariat, vise à "simplifie[r] le cadre législatif de ces marchés, [à] sécurise[r] et rationalise[r] les conditions de recours, et les soumet aux règles générales du code des marchés publics."
La réforme a en particulier modifié les conditions de recours au marché de partenariat. Les critères de l'urgence et de la complexité sont supprimés, et seul reste le critère de l'efficacité économique transformé pour devenir le critère du bilan favorable. La condition du bilan favorable devra être justifiée par une évaluation qui sera soumise à l'avis d'un organisme expert. La complexité du projet peut cependant constituer un élément d'appréciation du bilan favorable, ainsi que le confirme le projet de décret d'application qui a fait récemment l'objet d'une consultation publique (voir ci-contre notre article du 29 janvier 2016).

Un "transfert de risques vers le secteur privé"

Une juste perception des avantages et inconvénients inhérents au marché de partenariat, en particulier de ses conséquences pour l'investissement public, peut permettre au décisionnaire - ou au responsable de la commande publique chargé de le conseiller - d'opter pour ce dernier, ou pour une alternative telle que la maîtrise d'oeuvre publique. Au chapitre des avantages, l'auteur relève tout d'abord une réponse en coût global (couvrant la totalité du projet) et une meilleure intégration des différentes étapes du projet, confiées à la même entité ; des délais de réalisation tenus et un cadre incitatif, du fait de clauses financières liées à l'atteinte de critère de qualité de service. Il relève également que le marché de partenariat permet un "transfert de risques vers le secteur privé", notamment en matière de coûts. Il constituerait à ce titre "un moyen pour la puissance publique de maîtriser son budget." La délégation de la maîtrise d'ouvrage  présente aussi un intérêt pour une personne publique dont les moyens seraient insuffisants, en termes quantitatifs (volume, délai) ou qualitatifs (complexité). Enfin, le recours au marché de partenariat est de nature à favoriser l'innovation dans les réponses aux appels d'offres, notamment dans le cas où une phase de "dialogue compétitif" est possible et prévue.

Une procédure dont "l'usage devrait rester exceptionnel"

Pour autant, ce type de marché comporte également des inconvénients. En tout premier lieu, le coût du financement privé, même s'il est rappelé que le le prix prévu par le contrat est un prix global intégrant les coûts de financement, d'entretien, de maintenance et d'exploitation, "qui est donc plus élevé que le prix d'un projet équivalent en maîtrise d'ouvrage publique ne comprenant que la construction". Du fait de sa longue durée, le marché de partenariat soulève également "la question de la gestion des modifications rendues nécessaires par l'évolution des besoins du service public", d'où la nécessité d'anticiper en précisant dans le contrat les mécanismes de modification. La complexité de la passation et du suivi du contrat peut générer des coûts importants (si ces services sont externalisés), ou mettre en difficulté une personne publique "peu expérimentée", avertit l'auteur. Du fait de cette complexité, elle favorise par ailleurs les grandes entreprises au détriment des PME. Pour l'auteur, il s'agit en définitive d'une procédure longue, complexe, propice au contentieux, dont "l'usage devrait rester exceptionnel".

"Partage des risques judicieux entre acteurs publics et acteurs privés"

Au total, la décision pour la personne publique d'utiliser ce mode d'achat semble se justifier dans les cas suivants : les "projets d'une importance suffisante, afin que les coûts de contractualisation ne soient pas rédhibitoires devant le coût total du projet ; [ceux] dont le caractère d'urgence nécessite des incitations fortes à tenir les délais ; [ceux] techniquement compliqués pour lesquels la puissance publique n'est pas certaine de pouvoir définir la solution la plus efficace ; lorsque la puissance publique ne dispose pas des moyens nécessaires pour réaliser la maîtrise d'ouvrage, que ce soit en termes de compétence ou de volume ; pour des projets appelant de fortes synergies entre phase de construction et phase d'exploitation, lorsque le niveau de service pour l'usager dépend directement de la qualité de l'infrastructure, notamment lorsque celle-ci est difficilement contrôlable."
L'auteur conclut sur ce thème en soulignant que la négociation d'un partenariat nécessite "un partage des risques judicieux entre acteurs publics et acteurs privés", chacun prenant à sa charge les risques sur lesquels il dispose du meilleur levier d'action. Ce partage doit néanmoins "respecter les intérêts de la personne publique."

Contrats de partenariat : des premiers retours positifs mais limités

Les rares études évaluant la performance des contrats de partenariat déjà publiées laissent à penser que leurs atouts concernant le respect des coûts et des délais de réalisation sont bien réels. Une comparaison portant sur des collèges du département du Loiret qui sur la même période ont été construits tantôt en maîtrise d'ouvrage publique, tantôt en contrat de partenariat, révèle ainsi que le coût d'investissement des collèges en contrat de partenariat s'est avéré in fine conforme aux prévisions, tandis que les coûts pour les projets en maîtrise d'ouvrage publique ont été supérieurs de 26%.
Toutefois, tempère Rémi Pochez, ces études s'appuient sur des échantillons plutôt restreints et reposent souvent sur la perception des personnes publiques en charge des contrats. Elles n'examinent pas les reproches généralement adressés aux contrats de partenariat, que ce soit "le manque de flexibilité des contrats ou le surcoût d'investissement lié à la rémunération du partenaire privé, ni les gains obtenus en échange de ces surcoûts". En outre, elles ne se prononcent pas sur ce que serait la performance de ces projets s'ils avaient été réalisés en maîtrise d'ouvrage traditionnelle.