Loi Santé : ce qui change pour les territoires
Publiée le 26 juillet au JO, la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé inclut nombre de dispositions intéressant, au moins indirectement, les collectivités. Réforme des études en santé, meilleure répartition des médecins sur le territoire, fluidité renforcée entre ville et hôpital, léger élargissement des missions des pharmaciens et infirmiers, régularisation des médecins étrangers, stage obligatoire en zone sous-dense, "télésoin", reconnaissance du rôle des collectivités, projet territorial de santé, consultation des élus par l'ARS, dispositifs d'appui pour les "parcours complexes", définition des hôpitaux de proximité et de leurs missions, renforcement de la gouvernance des groupements hospitaliers de territoire, allègements pour les établissements et services médicosociaux... Tout cela devant permettre de "répondre aux enjeux des territoires". Panorama.
Au terme d'un parcours rapide (le texte a été présenté au conseil des ministres en février) et sans encombre (voir nos articles ci-dessous), la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé est publiée au Journal officiel. Elle met en œuvre une partie des mesures annoncées dans le plan "Ma santé 2022", présenté par Emmanuel Macron le 18 septembre 2018 (voir notre article ci-dessous du même jour).
Elle constitue ainsi la sixième loi d'ampleur en matière de santé depuis le début des années 2000, après la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (loi Kouchner), la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale, la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi HPST ou loi Bachelot) et la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (loi Touraine). A ce titre, elle comporte de nombreuses dispositions intéressant directement ou indirectement les collectivités territoriales.
Numerus clausus : une suppression très partielle
Le titre Ier est ainsi consacré à "Décloisonner les parcours de formation et les carrières de professionnels de santé". Son premier chapitre intitulé "Réformer les études en santé et renforcer la formation tout au long de la vie" procède à une réforme en profondeur des études médicales. La mesure la plus emblématique est bien sûr la suppression du numerus clausus, un dispositif instauré en 1971 et qualifié de "gâchis" et d'"absurdité visible par tous les concitoyens" par Emmanuel Macron dans sa présentation du plan "Ma santé 2022".
Quoique bien réelle, cette suppression est toutefois quelque peu survendue, puisqu'il n'est pas question pour autant d'ouvrir les vannes des études médicales. Le texte prévoit en effet que "les capacités d'accueil des formations en deuxième et troisième années de premier cycle sont déterminées annuellement par les universités. Pour déterminer ces capacités d'accueil, chaque université prend en compte les objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle de ces formations. Ces objectifs pluriannuels, qui tiennent compte des capacités de formation et des besoins de santé du territoire, sont arrêtés par l'université sur avis conforme de l'agence régionale de santé [...]". En outre l'État établit des "objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels à former", afin de "répondre aux besoins du système de santé, réduire les inégalités territoriales d'accès aux soins et permettre l'insertion professionnelle des étudiants". Des objectifs nationaux – et leur inévitable déclinaison régionale dans chaque ressort universitaire – qui ne devraient pas manquer de rappeler... le numerus clausus, mais avec des effectifs élargis. L'objectif affiché par Agnès Buzyn est en effet d'accroître de 20% le nombre de médecins formés, mais la réforme ne fera sentir ses effets sur les territoires qu'à l'issue d'un cycle complet de formation, donc pas avant huit ans.
Réforme des études médicales et "recertification" des professions de santé
Dans le même esprit, la loi Santé transforme profondément la première année commune aux études de santé (Paces) – afin de favoriser les changements d'orientation – et supprime les épreuves classantes nationales (ECN) au profit d'une rénovation du second cycle et d'une nouvelle procédure pour l'admission en troisième cycle. Des réformes très bien accueillies par les doyens comme par les étudiants et qui s'appliqueront à la rentrée 2020. Il est également prévu, à titre expérimental, et pour une durée de six ans à compter de la rentrée universitaire 2020, de mettre en place des formations communes aux étudiants de santé.
Par ailleurs, la loi habilite le gouvernement à prendre des ordonnances en vue notamment de "créer une procédure de certification indépendante de tout lien d'intérêt permettant, à échéances régulières au cours de la vie professionnelle, de garantir le maintien des compétences, la qualité des pratiques professionnelles, l'actualisation et le niveau des connaissances". Cette procédure de "re-certification" s'applique à la profession de médecin, mais aussi à celles de chirurgien-dentiste, de sage-femme, de pharmacien, d'infirmier, de masseur-kinésithérapeute et de pédicure-podologue. On notera au passage que les nombreux articles d'habilitation autorisant le gouvernement à recourir à des ordonnances pour des dispositions importantes ont été l'un des principaux points de friction entre l'opposition et la majorité au cours des débats.
Un autre article habilite d'ailleurs le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure permettant la création d'un statut unique des praticiens hospitaliers (PH). Ceci permettra de clarifier une situation aujourd'hui peu lisible et complexe à gérer, avec pas moins de cinq statuts différents. La future ordonnance devra également "faciliter la diversification des activités entre l'activité hospitalière publique, des activités partagées entre structures de santé ou médicosociales et un exercice libéral, dans leur établissement ou non, pour décloisonner les parcours professionnels et renforcer l'attractivité des carrières hospitalières", mais aussi "simplifier et adapter les conditions et les motifs de recrutement par contrat pour mieux répondre aux besoins des établissements, notamment dans les spécialités où ces derniers rencontrent le plus de difficultés à recruter, et pour faciliter l'intervention des professionnels libéraux à l'hôpital".
Déserts médicaux : le verre à moitié plein
Le second point de friction n'a rien d'inattendu, puisqu'il concerne le débat récurrent – qui transcende parfois les oppositions partisanes – entre ceux qui prônent des mesures incitatives pour lutter contre les déserts médicaux et assurer une meilleure répartition des médecins sur le territoire et ceux qui préconisent au contraire des mesures plus coercitives, en particulier à travers un conventionnement sélectif. En l'espèce les premiers, suivant en cela la position de la ministre de la Santé et de ses prédécesseurs, l'ont emporté sur les seconds, qui ont toutefois obtenu une concession de dernière minute lors du passage du texte en commission mixte paritaire (CMP).
Même si les mesures des chapitres "Faciliter les débuts de carrière et répondre aux enjeux des territoires" et "Fluidifier les carrières entre la ville et l'hôpital pour davantage d'attractivité" sont de portée relativement limitée, elles n'en contribuent pas moins au renforcement de la lutte contre les déserts médicaux. Parmi les dispositions prévues à ce titre figure notamment la sécurisation du bénéfice du contrat d’engagement de service public (CESP) en cas d’évolution du zonage. De même, le statut de médecin adjoint, jusqu'alors limité aux zones touristiques confrontées à un afflux saisonnier, sera étendu aux territoires, touristiques ou non, confrontés à un manque de praticiens.
Compétences accrues, mais encadrées, pour les pharmaciens et les infirmiers
Dans cette même optique de lutte contre les déserts médicaux, les pharmaciens – qui ont déjà obtenu de pouvoir participer à la vaccination contre la grippe – pourront "délivrer pour certaines pathologies, et dans le respect des recommandations de la Haute autorité de santé, des médicaments dont la liste est fixée par arrêté, pris après avis de la Haute autorité de santé" (HAS). Les cystites et les angines ont été citées comme exemples de pathologies bénignes pouvant donner lieu à une telle dérogation. Un décret viendra préciser notamment les conditions de formation préalable des pharmaciens et les modalités d'information du médecin traitant.
De même, les infirmiers libéraux pourront "adapter la posologie de certains traitements pour une pathologie donnée". La liste de ces pathologies et de ces traitements sera fixée par arrêté du ministre de la Santé après avis de la HAS. Cette adaptation ne pourra intervenir que sur la base d'un protocole inscrit dans le cadre d'un exercice coordonné et "sur la base des résultats d'analyses de biologie médicale, sauf en cas d'indication contraire du médecin, et sous réserve d'une information du médecin traitant désigné par le patient".
Deux autres professions paramédicales bénéficient également d'une extension de leur champs d'intervention. Les sages-femmes pourront ainsi prescrire et réaliser les vaccinations, non plus seulement du nouveau-né comme aujourd'hui, mais désormais de tout enfant, selon des modalités qui seront fixées par décret. Pour leur part, les orthoptistes pourront adapter, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions médicales initiales des verres correcteurs et des lentilles de contact oculaire. Cette possibilité leur est ouverte sauf opposition du médecin, et à nouveau selon des modalités qui seront déterminées par décret.
Le sort des Padhue enfin réglé et un stage obligatoire pour les futurs médecins généralistes
Plus marginal, mais important pour certains hôpitaux : la loi Santé règle définitivement - en principe - la situation des Padhue (praticiens à diplômes hors Union européenne). Théoriquement interdits d'exercice faute de base juridique, ils devraient bénéficier d'une régularisation, sur la base de leur dossier, d'ici à la fin de 2021. Pour sa part, le recrutement de nouveaux Padhue, indispensable pour pallier le manque de candidats dans certains territoires, devrait être revu.
La principale avancée obtenue par les tenants d'une approche plus coercitive réside toutefois dans l'instauration, au cours de la dernière année du troisième cycle des études médicales, d'un stage obligatoire pour les étudiants en médecine général, d'une durée d’un semestre et en pratique ambulatoire. Ce stage se déroulera dans des lieux agréés – et notamment auprès de médecins généralistes –, en priorité dans les zones sous-denses définies par les ARS, sous un régime dit "d’autonomie supervisée". A terme, cette obligation pourrait être étendue par décret à d'autres spécialités à exercice majoritairement ambulatoire.
A noter également, même si elle n'accroît pas l'offre globale de soins : une mesure – pour le coup coercitive – permet d'interdire à un médecin qui quitte un établissement public de santé dans lequel il exerçait à titre principal "d'exercer une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à but lucratif, un cabinet libéral, un laboratoire de biologie médicale privé ou une officine de pharmacie". Cette "clause de non concurrence" est toutefois limitée à 24 mois et s'applique dans un rayon maximal de dix kilomètres autour de l'ancien établissement. Sur un plan juridique, cet article est assez paradoxal car une disposition similaire existe dans la loi HPST de juillet 2009, mais n'a jamais été appliquée faute de décrets. Elle est donc "reprise" dans la nouvelle loi.
Nouvelles modalités pour le zonage de l'offre de soins et naissance du "télésoin"
La loi du 24 juillet 2019 revoit également les modalités d'établissement, par les ARS, du zonage en matière de santé. Les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins devront désormais être déterminées non plus globalement, mais par professions de santé et par spécialités ou groupes de spécialités médicales.
Une autre disposition devrait contribuer à réduire une difficulté à laquelle sont confrontés de nombreux maires de communes petites ou isolées. La loi prévoit en effet d'étendre l'autorisation d'établir des certificats de décès aux médecins retraités, aux étudiants de troisième cycle des études médicales ainsi qu’aux Padhue autorisés à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine.
Enfin – et toujours pour renforcer l'offre sur les territoires – la loi introduit la notion de "télésoin", qui constitue le pendant de la télémédecine chez les pharmaciens, les infirmiers et d'autres professions paramédicales. Les infirmiers pourront, par exemple, assurer à distance le suivi des effets secondaires de chimiothérapies orales, tandis que pourront être assurées des séances d'orthophonie et d'orthoptie à distance.
Collectivités territoriales : des compétences officiellement reconnues
Le second titre de la loi affiche l'ambition de "Créer un collectif de soins au service des patients". Il modifie l'article L.1111-2 du Code général des collectivités territoriales pour ajouter "la promotion de la santé" parmi les missions auxquelles ces dernières concourent avec l'État. Une reconnaissance qui entérine une évolution déjà largement engagée sur le terrain. Dans le même esprit, un article à la fois déclamatoire et tautologique, mais sans grands effets pratiques, proclame que "l'ensemble des acteurs de santé d'un territoire est responsable de l'amélioration de la santé de la population de ce territoire ainsi que de la prise en charge optimale des patients de ce territoire"...
De façon plus concrète, la loi Santé prévoit que l'actuel diagnostic territorial de santé, qui prélude à l'élaboration du projet régional de santé, donnera lieu "à l'établissement de projets territoriaux de santé, élaborés et mis en œuvre par des communautés professionnelles territoriales de santé [...], ainsi que par des établissements et services de santé, sociaux et médicosociaux, afin de coordonner leurs actions". Ce projet territorial de santé – transmis au directeur général de l'ARS qui peut s'y opposer dans un délai de deux mois" – décrit les modalités d'amélioration de l'accès aux soins, de la continuité des soins et de la coordination des parcours de santé, notamment l'organisation de l'accès à la prévention, au dépistage, aux soins de proximité, aux soins non programmés et aux soins spécialisés, sur tout le territoire. Il peut également décrire les modalités de coopération interprofessionnelle relatives aux pratiques médicales ou de soins".
Enfin, afin d'améliorer les relations parfois tendues entre les élus locaux et les ARS, la loi du 24 juillet 2019 prévoit que, dans chaque département, "les élus sont concertés sur l'organisation territoriale des soins au moins une fois par an par le directeur général ou le directeur de la délégation départementale de l'agence régionale de santé". Les élus peuvent demander l'inscription d'une question à l'ordre du jour, mais aussi solliciter l'organisation d'une réunion spécifique "lorsque les circonstances le justifient". Cette concertation avec les élus intervient en présence du délégué territorial de la toute nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou de son représentant.
Parcours de santé complexes : des dispositifs d'appui à la population et aux professionnels
Vis-à-vis des patients, la loi met en place des "dispositifs d'appui à la population et aux professionnels pour la coordination des parcours de santé complexes. Ces dispositifs d'appui, qui interviennent en lien avec le médecin traitant, assurent notamment une "réponse globale aux demandes d'appui des professionnels qui comprend notamment l'accueil, l'analyse de la situation de la personne, l'orientation et la mise en relation, l'accès aux ressources spécialisées, le suivi et l'accompagnement renforcé des situations, ainsi que la planification des prises en charge". Ils contribuent aussi "avec d'autres acteurs et de façon coordonnée à la réponse aux besoins des personnes et de leurs aidants en matière d'accueil, de repérage des situations à risque, d'information, de conseils, d'orientation, de mise en relation et d'accompagnement".
La loi précise que les CCAS peuvent participer au dispositif, de même que les Clic (centres locaux d'information et de coordination) et les services d'HAD (hospitalisation à domicile). La gouvernance de ces dispositifs doit assurer une "représentation équilibrée des acteurs des secteurs sociaux, médicosociaux et sanitaires, intégrant notamment des représentants des usagers, du conseil départemental et des communautés professionnelles territoriales de santé". Il faudra toutefois attendre les décrets d'application pour avoir une vision plus précise du déploiement et du fonctionnement de ces dispositifs d'appui.
Hôpitaux de proximité : des précisions dans la loi...
L'un des articles les plus attendus de la loi était celui sur les hôpitaux de proximité. A l'origine, il s'agissait uniquement et à nouveau d'un article d'habilitation autorisant le gouvernement à agir par ordonnance. Mais, devant les réactions des élus locaux et nationaux sur ce sujet très sensible, le gouvernement a lui-même introduit, par amendement, un article définissant les grandes lignes de ces établissements.
Les hôpitaux de proximité sont ainsi "des établissements de santé publics ou privés, ou des sites identifiés de ces établissements. Ils assurent le premier niveau de la gradation des soins hospitaliers et orientent les patients qui le nécessitent, conformément au principe de pertinence des soins, vers les établissements de santé de recours et de référence ou vers les autres structures adaptées à leurs besoins. Les missions des hôpitaux de proximité sont exercées avec la participation conjointe des structures et des professionnels de la médecine ambulatoire avec lesquels ils partagent une responsabilité territoriale".
Ce même article précise également les missions de ces établissements. Celles-ci comprennent l'appui aux professionnels de santé de ville et aux autres acteurs de l'offre de soins (y compris avec la poursuite de la prise en charge de leur patient au sein de l'hôpital), la contribution à la prise en charge des personnes en situation de vulnérabilité et à leur maintien dans leur lieu de vie, la participation à la prévention et à la mise en place d'actions de promotion de la santé sur le territoire, ainsi que la contribution à la permanence des soins et à la continuité des prises en charge, en complémentarité avec les structures et les professionnels de la médecine ambulatoire.
… mais il faudra attendre l'ordonnance
Sans surprise, les hôpitaux de proximité sont dévolus à des activités de médecine - excluant donc la chirurgie et l'obstétrique -, mais peuvent proposer, "en complémentarité avec l'offre libérale disponible au niveau du territoire", des consultations de plusieurs spécialités et disposent ou donnent accès à des plateaux techniques d'imagerie, de biologie médicale et à des équipements de télésanté. Certains actes chirurgicaux pourront toutefois être pratiqués, à titre dérogatoire, sur décision du directeur général de l'ARS et ce afin de favoriser l'accès aux soins au regard des besoins de la population et de l'offre présente sur le territoire concerné. Un arrêté du ministre de la Santé fixera la liste limitative des actes pouvant donner lieu à ces dérogations, après avis conforme de la HAS.
De même, et toujours en fonction des besoins de la population et de l'offre de soins locale, ces hôpitaux pourront exercer d'autres activités, notamment la médecine d'urgence, les activités prénatales et postnatales, les soins de suite et de réadaptation, ainsi que les activités de soins palliatifs. Ils pourront également apporter leur expertise aux autres acteurs par le biais d'équipes mobiles.
Au-delà de ces précisions contenues dans la loi – et comme prévu à l'origine –, une ordonnance viendra notamment déterminer les modalités d'établissement de la liste des établissements de santé de proximité et définir les modalités d'organisation, de fonctionnement et de gouvernance de ces établissements, notamment en ouvrant leur gouvernance aux acteurs du système de santé du territoire concerné.
L'objectif affiché est de labelliser 500 à 600 hôpitaux de proximité pour une mise en place à une date qui reste à définir par décret, mais qui devra intervenir avant le 1er janvier 2021.
A nouveau une ordonnance à venir sur les autorisations d'activités et d'équipements
Autre ordonnance prévue par la loi : celle autorisant le gouvernement à prendre toute mesure "pour renforcer la prise en compte des exigences de qualité et de technicité des soins dans les conditions d'autorisation des différentes activités, pour organiser une meilleure répartition territoriale de l'offre de soins selon une logique de gradation des soins, et pour étendre le champ des activités de soins soumises à autorisation".
L'article d'habilitation autorise notamment le gouvernement à modifier le régime d'autorisation des activités de soins, des équipements matériels lourds, des alternatives à l'hospitalisation et de l'hospitalisation à domicile. L'objectif est de favoriser le développement des alternatives à l'hospitalisation, de prévoir de nouveaux modes d'organisation des acteurs de santé et d'adapter ce régime aux particularités de certaines activités rares ou à haut risque.
La future ordonnance pourra aussi adapter le régime des autorisations aux activités réalisées dans le cadre des dispositifs de coopération et de coordination des acteurs de santé, mais également simplifier les procédures et les conditions de délivrance des autorisations d'activités de soin.
Gouvernance et mutualisation renforcées pour les GHT
Le dernier chapitre intéressant directement les collectivités territoriales en matière de santé prévoit de "renforcer la stratégie et la gouvernance médicales au niveau du groupement hospitalier de territoire, et d'accompagner les établissements volontaires pour davantage d'intégration". Ce renforcement de la gouvernance passe notamment par l'obligation de créer une "commission médicale de groupement" (CMG) au sein de chaque GHT. Son président sera, de droit, vice-président du comité stratégique du GHT.
De la même façon, la loi prévoit une mutualisation obligatoire, au sein du GHT, de la gestion des ressources humaines médicales, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques. D'autres fonctions pourront également être mutualisées, mais sur une base optionnelle et avec l'accord du directeur général de l'ARS. C'est le cas de la mise en commun des disponibilités financières déposées auprès de l’État, de l'élaboration d'un programme d’investissement et d'un plan global de financement pluriannuel unique, ou encore de la conclusion d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) unique avec l’ARS.
A nouveau, une ordonnance viendra apporter diverses mesures de simplification du fonctionnement des GHT, notamment dans leur dimension médicale et en matière de gouvernance.
Le médicosocial n'est pas oublié
Bien qu'assez peu évoqué lors de la présentation et de la discussion du projet de loi, le secteur des établissements et services médicosociaux (ESMS) n'est pas oublié. La loi réorganise en effet les procédures d'autorisations en clarifiant les différents cas d'exonération de la procédure d'appel à projets et en les rassemblant dans le seul article L.313-1-1 du Code de l'action sociale et des familles. En outre, elle élargit les cas d'exonération aux établissements de santé ayant des projets de reconversion dans le secteur social et médicosocial (cas des hôpitaux locaux reconvertis en moyen séjour ou en Ehpad).
En matière budgétaire, la loi élargit l'usage des états prévisionnels des recettes et des dépenses (EPRD) à l’ensemble des ESMS. Cette utilisation n'était jusqu'alors possible que pour les Ehpad ou pour les ESMS ayant conclu un CPOM.
Pour alléger une procédure très lourde au regard du nombre d'ESMS, la loi donne aussi la possibilité d'ajouter une année à la durée de validité des CPOM, soit six ans au total. De même, l'expérimentation des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad) – sorte de mixte entre un Saad et un Ssiad – est prolongée jusqu'en 2021.
La loi Santé lance également une refonte en profondeur des modalités de l’évaluation des ESMS, à l’horizon du 1er janvier 2021. Elle prévoit notamment la suppression de l’évaluation interne et l'engagement, à partir du 1er janvier 2020, d'une procédure d’habilitation des organismes d’évaluation externe sur la base d'un cahier des charges établi par la HAS. Cette dernière assurera par ailleurs la publication des résultats d’évaluation des ESMS.
Enfin, tous les ESMS ont désormais l'obligation d'intégrer un volet "situations sanitaires exceptionnelles" dans leur projet d'établissement. La concrétisation d'une démarche engagée de longue date et qui vient de faire ses preuves avec les canicules de 2019.
Numérique et santé
Le reste de la loi du 24 juillet 2019 comporte d'autres mesures importantes, mais qui n'ont pas de lien direct avec les collectivités territoriales. C'est le cas du titre consacré au développement de l'ambition numérique en santé, avec en particulier l'élargissement du champ du système national des données de santé à l’ensemble des données cliniques obtenues dans le cadre de soins remboursés par l’Assurance maladie (soit environ 1,2 milliard de feuilles de soin chaque année, 500 millions d’actes médicaux, 11 millions d’hospitalisations...). L'objectif est de favoriser la production et l’utilisation (anonymisée et sécurisée) des données de santé et de créer une plateforme des données de santé, qui remplacera l'actuel Institut national des données de santé (INDS).
Par ailleurs, chaque assuré devrait être doté, d'ici au 1er janvier 2022, d'un "espace numérique de santé", qui donnera accès à des applications et à des "informations de santé référencées". Précision importante : les données enregistrées dans cet espace numérique ne pourront pas être exigées lors de la conclusion d'un contrat de complémentaire santé.
La loi s'achève par une longue liste d'articles de mise à jour, de simplification ou de sécurisation juridiques, dont plusieurs concernent les collectivités d'outre-mer.
Références : loi n°2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (Journal officiel du 26 juillet 2019). |