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Le projet de loi Santé entame un parcours agité au Sénat

Le Sénat s'est à son tour emparé du projet de loi santé, avec deux sujets en première ligne, la refonte des hôpitaux de proximité et la lutte contre les déserts médicaux. Les sénateurs ont adopté, contre l'avis du gouvernement, des dispositions prévoyant que la dernière année des études médecine générale soit réalisée en cabinet ou maison de santé, en priorité dans les zones déficitaires.

Après son adoption en première lecture le 26 mars, sans grande difficulté, par l'Assemblée nationale (voir nos articles ci-dessous), le projet de loi "relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé" a entamé son parcours au Sénat (sur le contenu initial du texte, voir notre article ci-dessous du 14 février 2019). Sans remettre en cause l'orientation générale du texte, les sénateurs entendent bien en aménager certains aspects et pas moins de 829 amendements ont donc été déposés sur le texte examiné en séance publique, après 384 amendements en commission des affaires sociales.

"Nous n'avons pas le choix, il faut répondre à l'urgence"

Débats et amendements devraient se focaliser sur deux sujets principaux. D'une part, la refonte des hôpitaux de proximité, sujet éminemment sensible pour les petites villes et les territoires ruraux et pour lequel le projet de loi habilite le gouvernement à prendre les mesures par ordonnance (voir nos articles ci-dessous des 14 mars et 14 février 2019). D'autre part, la lutte contre les déserts médicaux, sujet tout aussi sensible, mais qui est quasiment absent du projet de loi (sauf à travers les dispositions relatives à la suppression du numerus clausus et aux études médicales).

Lors de la discussion générale, le 3 juin, Agnès Buzyn a, une nouvelle fois, expliqué que "nous n'avons pas le choix, il faut répondre à l'urgence dans des territoires qui se sentent abandonnés". La question des déserts médicaux a en effet été très présente durant le Grand Débat. Le Sénat, comme sa commission des affaires sociales, a toutefois écarté les mesures coercitives sur l'installation des médecins. Pour sa part, le rapporteur et médecin Alain Milon (LR) - qui a contribué à écarter les amendements proposant des mesures coercitives – a relevé dans le texte "des inflexions positives", comme la "refonte attendue" des études de médecine, mais jugé que "son ambition pour l'heure ne me paraît pas à la hauteur des enjeux". Comme la plupart des groupes politiques, il a également regretté le recours "très large" aux ordonnances "sur des sujets majeurs pour les territoires comme les hôpitaux de proximité".

Études médicales ou lutte contre les déserts médicaux ?

En attendant d'examiner l'article relatif aux hôpitaux de proximité, les sénateurs ont adopté la suppression du numerus clausus et la réforme des études médicales. Les modifications apportées au texte voté par l'Assemblée – lui-même très proche de la rédaction initiale du gouvernement – sont minimes, à une exception près.

Les groupes PS, LR et Indépendants ont en effet fait adopter, à une très large majorité (311 voix contre 16, y compris des sénateurs LREM), des amendements prévoyant que la dernière année d'études du 3e cycle des études de médecine générale (et de certaines spécialités déficitaires comme l'ophtalmologie) soit une année de pratique "en autonomie", réalisée en cabinet ou en maison de santé, en priorité dans les zones déficitaires.

Corinne Imbert (LR) a estimé que la dernière année de médecine "deviendrait ainsi une année professionnalisante hors hôpital, dans les territoires", tandis qu'Yves Daudigny (PS) a affirmé que cette mesure "ne règle pas tous les problèmes, mais apporte une réponse efficace et rapide" à la pénurie de médecins. Il a fait valoir qu'"il y avait besoin d'un choc" et que cette disposition devrait permettre de "déployer plusieurs milliers de professionnels de santé sur l'ensemble du territoire très rapidement". Pour sa part, le rapporteur Alain Milon a expliqué que "c'est un honneur", pour le Sénat, de s'être mis d'accord "sur un texte aussi important".

Agnès Buzyn et Frédérique Vidal – la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation – ont au contraire émis un avis défavorable à cette mesure. La ministre des Solidarités et de la Santé considère en effet que "nous nous éloignons d'un processus de formation", la notion d'"autonomie" conduisant de fait à un "quasi exercice". De son côté, Frédérique Vidal n'a pas hésité à mettre les élus devant leur "responsabilité", leur laissant la tâche d'expliquer aux territoires que "des médecins dont la formation est amputée d'un an" sont "une solution suffisamment bonne" pour eux... La mesure ne devrait donc pas survivre au retour du texte devant l'Assemblée.

Références : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé (adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 26 mars 2019, examiné au Sénat du 3 au 11 juin 2019).

 

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