Le projet de loi Santé : suppression du numerus clausus mais pas de stage en zone sous-dense
L'Assemblée a démarré son examen en séance du projet de loi santé, adoptant les trois premiers articles relatifs à la réforme des études médicales, dont la suppression du numerus clausus. 2.000 amendements ont été déposés sur l'ensemble du texte en séance publique mais le gouvernement n'entend pas se laisser déborder.
L'Assemblée nationale a entamé l'examen, en séance publique et en première lecture, du projet de loi "relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé" (sur le contenu du texte, voir notre article ci-dessous du 14 février 2019). Elle a déjà adopté les trois premiers articles consacrés à la réforme des études médicales, avec en particulier la suppression du numerus clausus, la diversification des voies d'accès, la suppression des épreuves classantes nationales du deuxième cycle d'études médicales et la réforme de l'accès au troisième cycle.
Pas d'obligation de stage en zone sous-dense pour les étudiants en médecine
Le gouvernement semble avoir soigneusement verrouillé le texte, afin d'éviter que le projet de loi connaisse le sort de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, pilotée par Marisol Touraine, qui comportait 57 articles lors de son passage en conseil des ministres pour terminer à 227 articles après le passage devant le Parlement...
Si 2.000 amendements ont été déposés sur l'ensemble du texte en séance publique (et 1.650 en commission), seule une quarantaine a été adoptée sur les trois premiers articles. Et encore s'agit-il d'amendements de portée secondaire et très souvent redondants, certains lobbies s'étant montrés très actifs pour faire passer leurs demandes auprès de plusieurs parlementaires. Les choses pourraient toutefois changer avec l'examen à venir des dispositions sur la lutte contre les déserts médicaux et sur les hôpitaux de proximité (voir notre article ci-dessous du 14 mars 2019).
En attendant, le principal amendement adopté jusqu'à présent est un amendement de suppression, porté par plusieurs parlementaires mais soutenu en sous-main par le gouvernement (n°430 et n°1734, sur l'article 2). Il supprime un amendement adopté en commission des affaires sociales et qui rendait obligatoire, pour les étudiants en médecine, "un stage situé dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l'accès aux soins". Le problème principal est que les médecins de ces zones sous-denses, déjà débordés, ne sont pas à même d'assurer les fonctions de maître de stage. En outre, Agnès Buzyn a fait valoir que pour des étudiants de deuxième cycle qui "ont des heures de cours tous les après-midi, ça n'est pas possible techniquement".
Certification élargie à sept professions de santé et formation spécifique sur la santé des aidants
Les députés de la majorité se sont donc rabattus sur un amendement moins contraignant (n°1891, après l'article 2) de la rapporteure Stéphanie Rist, députée (LREM) du Loiret, prévoyant une évaluation triennale du "déploiement tout au long des études de médecine d’une offre de formation et de stage répondant aux besoins des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins".
Autre modification significative : un amendement du gouvernement (n°2048, 2e rect, sur l'article 3) élargit le dispositif de certification des compétences, prévu pour les médecins, à d'autres professions comme chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien, infirmier, masseur-kinésithérapeute et pédicure-podologue. Plus précisément, l'amendement habilite le gouvernement à élargir ce dispositif par ordonnance.
Enfin, pas moins d'une dizaine d'amendements identiques (par exemple n°49, après l'article 3) prévoient d'introduire, dans la formation initiale et continue des professionnels de santé et du secteur médicosocial, une formation spécifique sur "l'annonce du handicap, le rôle des aidants et leur impact sur la santé".
Références : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé (examiné en première lecture à l'Assemblée nationale du 18 au 26 mars 2019). |
Installation des médecins : des amendements, des discussions… mais le gouvernement refuse toujours toute coercition
"Il serait intéressant de prévenir les étudiants en médecine, quand ils s'engagent dans ces études, qu'en cas d'échec des plans du gouvernement, il pourrait être porté atteinte à leur liberté d'installation de manière à pourvoir les territoires en difficulté", a expliqué ce jeudi 21 mars Bérengère Poletti, députée LR des Ardennes, qui défendait un amendement tendant à remettre en cause la liberté d'installation des futurs médecins afin de pallier le manque de professionnels dans certains départements.
"Madame la députée Poletti, je vais pouvoir vous rassurer. Tous les étudiants en médecine aujourd'hui regardent les débats et ils tweetent (...) Aujourd'hui, l'ensemble des étudiants en médecine de France et des internes de France sait que vous les considérez, comme un objet que l'on peut déplacer, comme un pylône électrique", lui a rétorqué la ministre Agnès Buzyn.
"On a compris qu'il ne fallait pas toucher aux médecins", a raillé le socialiste Joël Aviragnet, député de Haute-Garonne soutenant la proposition de Bérengère Poletti. "A un moment donné, les mesures incitatives, il va falloir en sortir", a-t-il estimé.
Julien Aubert (LR) a renchéri en jugeant les propos de la ministre "inacceptables". "Lorsqu'on vote la loi c'est pour imposer des choses. Mais faire la loi et expliquer que l'on est hostile à la coercition, c'est quelque chose qui est profondément et consubstantiellement contradictoire avec le métier d'un Parlement", a ajouté l'élu du Vaucluse.
L'amendement de Bérengère Poletti a été rejeté dans l'hémicycle comme ceux d'autres élus des oppositions et de certains de la majorité concernant la répartition territoriale des médecins. Le "marcheur" Yves Daniel par exemple a ainsi défendu en vain une disposition contraignante - un conventionnement sélectif - qui s'inspire d'un exemple en Allemagne pour réguler l'installation des médecins libéraux dans les zones où l'offre de soins est en "fort excédent".
C.M., avec AFP