Habitat - Logement social dans les DOM : du mieux depuis 2009, mais le compte n'y est pas encore
Dans un rapport fait au nom de la commission des finances du Sénat, Georges Patient, sénateur (PS) de la Guyane, et Eric Doligé, sénateur (UMP) du Loiret, dressent le bilan de l'effort fiscal en faveur du logement social dans les départements d'outre-mer. Il s'agit en l'occurrence de mesurer l'impact des dispositions relatives au logement qui figurent dans la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des Outre-Mer (Lodeom). Face à l'insuffisance criante du logement social dans les DOM - qualifiée alors par Nicolas Sarkozy de "gigantesque problème" -, la mesure principale de la réforme a consisté à faire basculer vers le logement social l'essentiel des mesures de défiscalisation dont bénéficiaient jusqu'alors les investissements immobiliers dans le logement libre et intermédiaire.
Les conclusions des deux sénateurs rejoignent très largement, avec davantage de recul historique, celles de leurs collègues de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone et Gaël Yanno, dans un rapport à l'objet similaire rendu il y a deux ans (voir notre article ci-contre du 6 octobre 2010). Georges Patient et Eric Doligé reconnaissent l'intérêt du dispositif, qui "offre aux contribuables une rentabilité très attractive", comprise entre 16 et 18% net d'impôts. A cette rentabilité s'ajoute une grande sécurité pour l'investisseur, la demande de logement social étant encore très loin d'être saturée.
Ces avantages, inhabituels pour le logement social, n'ont pas échappé aux investisseurs métropolitains aisés (90% appartiennent au dernier décile), qui représentent entre 95% et 97% des bénéficiaires de la défiscalisation et concentrent 99% de l'avantage fiscal. Ce dernier s'élève en moyenne à 29.000 euros par bénéficiaire en métropole, à 4.000 euros en Martinique et à 2.000 euros à la Réunion.
Hausse de 70% du nombre de logements sociaux financés
Mais le principal intérêt de la réforme est qu'elle "commence à atteindre ses objectifs". En 2011, le nombre de logements sociaux financés dépasse en effet de près de 70% la moyenne des années 2006 à 2009. Ainsi, 7.418 logements sociaux ont été financés l'an dernier - dont 2.487 logements locatifs très sociaux -, contre 3.829 en 2007. L'impact du dispositif se lit aussi dans le fait que 90% des logements sociaux financés ont bénéficié de l'aide fiscale. Seul bémol, mais de nature transitoire : compte tenu des délais administratifs et de construction, la plupart de ces logements ne sont pas encore livrés. Mais le bénéfice devrait se faire sentir concrètement dès l'an prochain pour la population des DOM.
En pleine période de chasse aux niches fiscales, le rapport du Sénat estime donc ce dispositif "légitime", malgré son coût budgétaire (68 millions d'euros en 2011 et 210 millions en 2012). En dépit de ces bons résultats, les rapporteurs jugent néanmoins le dispositif perfectible. Certes, ils rejettent les arguments de la Cour des comptes, qui suggère une budgétisation de la dépense, en arguant qu'il serait mal venu de remettre en cause un dispositif qui fait ses preuves et dont la finalité sociale (au moins pour les futurs bénéficiaires des logements sociaux) est indéniable. Mais ils plaident néanmoins en faveur de certains aménagements, comme l'accroissement de l'offre de logements très sociaux ou l'amélioration de la connaissance de la demande de logement outre-mer.
La principale recommandation va au-delà de la question de la défiscalisation et porte sur la mobilisation du foncier, un problème récurrent dans les DOM. Le rapport demande à nouveau la mise en place du GIP Indivision prévu par l'article 35 de la Lodeom. Cet organisme permettrait en effet de libérer du foncier, aujourd'hui gelé par le problème très complexe de l'indivision outre-mer, en rassemblant "tous les éléments propres à reconstituer les titres de propriété dans les départements d'outre-mer et à Saint-Martin pour les biens fonciers et immobiliers qui en sont dépourvus".