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Habitat - La fin du "Girardin", une chance pour le logement social outre-mer ?

La Cour des comptes porte un regarde très sévère sur les défiscalisations "Girardin" en faveur de l'Outre-Mer, qui concernent notamment l'investissement locatif dans le logement et a conduit à un effet "d'éviction" du logement social.

Dans son dernier rapport public annuel (voir nos articles ci-contre du 8 février 2012), la Cour des comptes consacre un chapitre très sévère aux défiscalisations "Girardin" en faveur de l'Outre-Mer, mises en place en 2003 pour relancer l'investissement dans les DOM. Celles-ci concernent notamment l'investissement locatif dans le logement. Malgré des mesures limitées de plafonnement en 2009 et le "coup de rabot" sur les niches fiscales en 2011, la cour y voit "une dépense fiscale non maîtrisée" - le coût de la réduction d'impôt pour le logement locatif (secteur libre et intermédiaire) est estimé à 360 millions d'euros pour 2011 -, "une forte exposition à la fraude, mais surtout une efficacité incertaine et des effets négatifs".
Le plus connu est l'effet "d'éviction" du logement social, au point que le chef de l'Etat évoquait en 2008 le "gigantesque problème" du logement social outre-mer (voir notre article ci-contre du 1er décembre 2008). Même si d'autres phénomènes jouent également (manque de foncier, engagement insuffisant de certaines collectivités...), la situation catastrophique du logement social dans les DOM tient en effet pour une bonne part au "détournement" des investissements vers le secteur libre ou intermédiaire, au détriment du secteur locatif social. Les avantages du Girardin sont tels que tous les acteurs - investisseurs, élus, entreprises du BTP... - sont incités à se désintéresser du secteur social.

Un virage à 180° vers le logement social

Dans sa réponse, le ministère de l'Intérieur et de l'Outre-Mer a beau jeu d'indiquer que la mise en accusation de la défiscalisation outre-mer "procède souvent de critiques datées". En effet, dans le prolongement de l'engagement du chef de l'Etat, la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des Outre-Mer (Lodeom) a prévu la fin de la défiscalisation dans le logement libre à compter du 1er janvier 2012 et dans le logement intermédiaire à partir du 1er janvier 2013 (voir nos articles ci-contre du 29 juillet et du 1er décembre 2008). A l'inverse, le gouvernement a mis en place une réduction d'impôt au titre de l'investissement dans le logement social outre-mer. Celle-ci a représenté un montant de 11 millions d'euros en 2010 et de 70 millions d'euros l'an dernier.
Un rapport d'information sur la mise en oeuvre de la Lodeom, présenté en octobre 2010 par les députés Claude Bartolone (PS) et Gaël Yanno (UMP), montrait des premiers résultats plutôt encourageants, même s'il demeurait encore d'importantes marges de progrès (voir notre article ci-contre du 6 octobre 2010). Pour 2011, le commissariat général au Développement durable indique ainsi que 7.900 logements sociaux ont été financés l'an dernier outre-mer (pour 116.128 en métropole), alors que les chiffres de la construction n'étaient encore que de 3.556 logements HLM en 2007 et de 4.500 en 2009.
La remise en cause de "l'effet d'éviction" de la défiscalisation Girardin a sans nul doute joué un rôle dans cette relance du logement social outre-mer, même si le gouvernement a également mis en oeuvre d'autres mesures : mobilisation du foncier public pour compenser la pénurie de foncier, augmentation dès 2009 de l'allocation logement avec un alignement du forfait charges sur le niveau métropolitain, création d'un groupement d'intérêt public visant à régler les questions d'indivision des logements vacants... Sans oublier l'inscription de près de 300 millions d'euros d'autorisations d'engagements au titre de la ligne budgétaire unique ou du plan de relance pour le logement outre-mer en 2009.
Ce mouvement de "budgétisation" de l'aide au logement, au détriment des aides fiscales, pourrait d'ailleurs se poursuivre. L'article 110 de la loi de finances pour 2012 prévoit en effet la remise au Parlement "avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2013, [d']un rapport étudiant l'opportunité et la possibilité de transformer en dotations budgétaires tout ou partie des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission Outre-Mer". Un rapport qui devrait donc traiter également d'une éventuelle transformation de la réduction d'impôt au titre de l'investissement dans le logement social outre-mer.

 

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