Archives

Habitat - Logement social : pour la Cour des comptes, le recentrage géographique laisse à désirer

En matière d'habitat - un autre thème récurrent du rapport annuel de la Cour des comptes -, l'édition 2012 aborde un sujet inédit : les priorités géographiques du logement social. La cour entend en effet prendre au pied de la lettre le discours sur le nécessaire recentrage géographique de la construction de logements sociaux mis en avant par le ministère chargé du Logement. Ce dernier estime que seuls 25% des logements sont construits dans les zones tendues, contre 75% sur des territoires où il n'existe pas de besoins manifestes.
La difficulté pointée par la cour est que ce recentrage se fait "à l'aveugle" ou, pour être plus précis, que les instruments utilisés ne sont pas adaptés aux objectifs d'un recentrage de l'offre de logement social. Le premier de ces instruments est le "zonage locatif social" (avec ses zones I, I bis, II et III), instauré en 1977 mais qui, en dépit de son intitulé, est utilisé uniquement pour le calcul des aides personnelles au logement. En outre, le prêt locatif social (PLS) fait l'objet d'un autre zonage (zones A, B et C), "ce qui ne favorise pas la cohérence du dispositif".
Le principal zonage utilisé dans le cadre du recentrage de l'offre locative sociale est toutefois, de façon paradoxale, celui du zonage locatif privé, mis en oeuvre par exemple dans le cadre du dispositif Scellier (zones A bis A, B1, B2 et C). Mais la cour estime que ce zonage - mis en place en 2003 (pour le dispositif Robien) et révisé en 2009 (pour le Scellier) - n'est pas adapté aux enjeux du logement social. Le rapport pointe notamment un découpage "sommaire" avec, au niveau national, des "sources d'information disponibles pour mesurer la tension, nombreuses mais dispersées, non exhaustives et souvent peu fiables". De plus, il manque "un outil prospectif" pour mesurer l'évolution des besoins en logements sociaux. Le rapport cite d'ailleurs plusieurs exemples, remontés par les préfets, de zonages locaux ne cadrant pas avec la réalité du marché et sous-évaluant les tensions immobilières. En outre, la cour estime que la coexistence de ces deux zonages a "des conséquences négatives". Elle relève en particulier une absence de recouvrement, ou un recouvrement très partiel, entre les deux approches, avec des difficultés encore aggravées par les effets de frontière entre zones.

Logement insuffisant dans les zones prioritaires

Au-delà de ce constat très mitigé sur les outils, le rapport observe également que le recentrage du logement social sur les zones prioritaires demeure encore insuffisant, même si la volonté de le mettre en oeuvre - affichée depuis 2006 - est indéniable et que de premiers résultats commencent à se manifester. Selon la cour, la réorientation des financements vers les zones les plus tendues a été tardive, puisqu'elle se manifeste surtout à partir de 2010 et 2011. De plus, les besoins prioritaires (PLAI et PLUS) sont mal pris en compte, d'autant plus que l'accroissement de la production de logements se révèle difficile à mettre en oeuvre dans les régions tendues, notamment en raison de la difficulté de mobilisation du foncier. En revanche, le rapport constate que "le parc social de certains départements s'est développé malgré l'absence de tension selon les critères de zonage".
La cour tire de ce constat d'ensemble la proposition d'adopter un zonage spécifique pour la programmation des logements sociaux, avec une révision tous les trois ans et une programmation glissante par région sur la même période.