Projet de loi sur la formation - Les régions ne veulent pas jouer les "tiroirs-caisses"
Un projet de loi sur la formation professionnelle sera présenté au Parlement à la mi-avril 2009. C'est ce qu'a annoncé Nicolas Sarkozy le 3 mars 2009 lors d'un déplacement dans la Drôme. Les partenaires sociaux et l'Etat étaient arrivés à un compromis sur le sujet le 7 janvier 2009. Le texte de loi sera la traduction législative de cet accord, mais il ira plus loin en abordant notamment la question du financement. Objectif du projet de loi : corriger les "inégalités criantes d'accès" à la formation professionnelle et augmenter l'efficacité du système. "Moins vous êtes qualifiés, moins vous bénéficiez de la formation professionnelle, a indiqué le président de la République, plus votre entreprise est petite, moins vous bénéficiez de formation." Nicolas Sarkozy a également noté une des contradictions du système actuel. "Si vous êtes chômeur, vous avez moins d'accès à la formation que si vous avez du travail", a-t-il ainsi souligné. Parmi les points qui seront abordés dans le projet de loi, et qui étaient déjà inclus dans l'accord du 7 janvier 2009 : la formation de 700.000 personnes supplémentaires chaque année, dont 500.000 salariés parmi les moins qualifiés et 200.000 demandeurs d'emploi. Ces formations seront financées par le nouveau Fonds de sécurisation des parcours professionnels dont les partenaires sociaux et l'Etat ont souhaité la création. Un fonds qui sera doté de 900 millions d'euros, comme l'a confirmé Nicolas Sarkozy, et qui bénéficiera dès 2009 de 362 millions d'euros. Une somme issue des budgets non-utilisés du Fonds unique de péréquation pour 2008, abondée par l'Etat à hauteur de 162 millions d'euros. Autre disposition du projet de loi : la rationalisation de la collecte des fonds. Nicolas Sarkozy souhaite que le nombre d'OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) soit réduit, passant d'une centaine actuellement à "une dizaine ou une quinzaine" et collectant chacun au moins 100 millions d'euros. Cette idée avait été émise dans plusieurs rapports sur la formation professionnelle et finalement abandonnée en cours de route durant les négociations entre les partenaires sociaux et l'Etat. L'une des premières ébauches du rapport du groupe multipartite de Pierre Ferracci proposait ainsi de réduire le nombre d'OPCA à une vingtaine en relevant le seuil minimal de collecte à 50 ou 100 millions d'euros. De même, le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur l'évaluation du service rendu par les organismes collecteurs agréés considérait que les OPCA collectant moins de 100 millions d'euros n'étaient pas en mesure de satisfaire les missions qui leur incombent. Enfin, le rapport de la Cour des comptes sur la formation professionnelle faisait ressortir la nécessité de simplifier le système de collecte de fonds jugé "excessivement éclaté et largement incontrôlable", par Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes. "Une période de deux ans sera laissée aux OPCA pour préparer leur organisation, a indiqué Nicolas Sarkozy dans son discours du 3 mars, la loi prévoira que les OPCA puissent être contrôlés tous les trois ans."
Les régions prêtes à jouer le jeu de la concertation
Par ailleurs, le président souhaite que soit créé un "droit à l'information et à l'orientation" dans le cadre du projet de loi sur la formation. Il a également évoqué "la mise en place d'un centre d'appels téléphoniques et d'un portail internet dédiés pour expliquer les dispositifs, recenser l'offre de formation et orienter les interlocuteurs adéquats". Enfin, il a demandé au gouvernement de réfléchir "dans les meilleurs délais" à "un projet de charte constitutive" en vue de la création d'un fonds d'investissement social, destiné à la reconversion professionnelle. Un fonds qui sera doté de 2,5 à 3 milliards d'euros, dont plus de la moitié proviendra de l'Etat. Le contenu du projet de loi sur la formation professionnelle se précise donc.
Au-delà de ces aspects concrets, le président de la République a signalé avoir demandé à Christine Lagarde, ministre de l'Economie, et Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi de poursuivre "la concertation sur ce projet avec les signataires de l'accord, mais aussi les régions et bien entendu les parlementaires". Mais depuis le début des négociations, les régions se sentent mises à l'écart du dossier. Dans un courrier du 23 février 2009 adressé à Laurent Wauquiez, Alain Rousset, président de l'Association des régions de France (ARF), exprime ses critiques envers la réforme en cours. "La sécurisation des parcours professionnels ne pourra pas se concevoir dans des approches verticales de filières mais par le développement d'approches horizontales et de mobilité inter-branches sur les territoires", indique-t-il dans sa lettre, "il nous semble donc nécessaire de dépasser le cadre de l'ANI (accord national interprofessionnel), resté pour l'essentiel dans une logique de branche". Le président de l'ARF insiste sur le poids des régions dans la formation professionnelle. "Les régions dépensent en moyenne 16% de plus que les crédits qui leur ont été transférés", insiste-t-il, se disant prêt à jouer le jeu de la concertation qui va s'ouvrir avec les régions sur le projet de réforme de la formation professionnelle. Le président de la région Rhône-Alpes a été le premier à réagir, mardi, aux annonces du chef de l'Etat : "Si les régions sont disposées à jouer le jeu du partenariat, elles ne peuvent être considérées uniquement comme des tiroirs-caisses." Reste à savoir si les choses peuvent encore bouger d'ici la rédaction finale du projet de loi, qui doit aboutir dans à peine plus d'un mois.
Emilie Zapalski