Congrès ARF - La formation professionnelle : vers une révolution de velours ?
Les régions se retrouvent pour leur congrès annuel, jeudi et vendredi, en plein coeur de la réforme de la formation professionnelle. Ce devait d'ailleurs être la tête d'affiche de leur quatrième rencontre avant que les débats sur la réforme des collectivités territoriales ne viennent bousculer l'ordre du jour. La question ne pourra toutefois pas être éludée : les régions qui se plaignent de n'être pas suffisamment associées aux discussions, revendiquent d'être à la tête d'un véritable service public régional de la formation professionnelle. Une étude réalisée par le cabinet Mensia pour l'occasion souligne la place croissante prise par les régions à la faveur de plusieurs réformes couronnées par la loi du 13 août 2004 qui leur a confié une "compétence générale". Les effectifs en apprentissage ont ainsi plus que doublé entre 1992 et 2006, avec une hausse de 113% par an du nombre de nouveaux contrats enregistrés chaque année sur cette période. Le nombre de demandeurs d'emploi pris en charge par les régions a quintuplé entre 1983 et 2004. Avec pour conséquence directe un impact lourd sur les finances des régions. Les dépenses de fonctionnement engagées par les régions pour le financement direct des dispositifs de formation professionnelle (hors formation professionnelle initiale sous statut scolaire) ont doublé ces quatre dernières années, passant de 2,2 milliards d'euros à près de 4,4 milliards en 2008. Même constat pour les crédits d'investissement qui ont bondi de 120 à plus de 200 millions sur la même période, soit un accroissement de 67% (hors dépenses relatives aux lycées). Des chiffres à rapprocher toutefois des 27 milliards dépensés chaque année (voir encadré ci-dessous) pour la formation ; les principaux contributeurs restant les entreprises avec 11 milliards d'euros, dont la moitié des fonds des organismes paritaires collecteurs (OPCA).
Projet de loi en janvier
La question du financement des acteurs est au coeur de la réforme. Elle avait d'ailleurs donné lieu à une série de constats sévères (rapport du sénateur Jean-Claude Carle, Cour des comptes) appelant à une véritable refonte du système. Mais le ton a changé. Récemment, le Medef s'est porté au secours du système de formation dans un document de travail transmis aux partenaires sociaux dans le cadre de la négociation en cours, louant les progrès accomplis depuis l'accord national interprofessionnel (ANI) de 2003. Le taux d'accès des salariés des entreprises de dix salariés et plus est ainsi passé de 35,2% à 42,8% entre 2003 et 2006. "Le gouvernement a choisi de passer tout le champ social au tamis, or dans ce champ, il y a un secteur, la formation, qui avait déjà été réformé", analyse Joël Ruiz, le directeur général d'Agefos PME, le principal organisme collecteur de la formation. De fait, l'heure ne semble plus être à la thérapie de choc, plutôt à une révolution de velours avec des améliorations dans la gouvernance, l'accès à la formation ou le retour à l'emploi.
La réforme doit se faire en deux temps : d'abord la négociation entre les partenaires sociaux qui doit s'achever avant la fin de l'année. Or, sur fond de remontée du chômage, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a demandé aux syndicats de se "dépêcher" de parvenir à un accord, mais les syndicats ont fait savoir que la dernière date de réunion, fixée au 22 décembre, n'était pas pour eux "une fin en soi". Ensuite, un projet de loi, qui devrait être déposé en janvier, reprendra le fruit des négociations, mais en allant plus loin, notamment sur la question la gouvernance du retour à l'emploi. Deux enjeux devraient occuper les débats : quels financements supplémentaires ? qui doit assurer le leadership au niveau territorial ? "La mobilité géographique se fait en début de carrière et chez les personnes à forte qualification. Les autres restent dans leur bassin d'emploi et à proximité, on doit donc les traiter au plan local", souligne Joël Ruiz. "Cela peut se faire par déconcentration ou décentralisation. Peu importe. Mais il faut être capable de faire ces adaptations. Si la loi n'en parle pas, elle passera à côté d'un point essentiel." En attendant, une prochaine séance de travail des partenaires sociaux est prévue le 8 décembre.
Michel Tendil
La formation, un budget à 27 milliards d'euros
En 2006, 27,1 milliards d'euros ont été consacrés à la formation professionnelle continue et à l'apprentissage, soit une progression de 3,9% par rapport à 2005. C'est ce que révèle une étude de la Dares (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques) publiée en décembre 2008. Les entreprises restent le principal financeur de la formation professionnelle continue et de l'apprentissage. Elles ont dépensé 11,2 milliards d'euros en 2006, un budget en hausse de 6% par rapport à 2005. Dans le cadre de ce financement, "les organismes collecteurs (OPCA), prennent une place grandissante", indique l'étude. Ils gèrent ainsi 5,1 milliards d'euros pour le compte des entreprises, soit 46% de leur dépense. L'Etat est le deuxième financeur de la formation, avec une dépense de 4,4 milliards d'euros, identique à celle de 2005. Viennent ensuite les régions dont l'implication se confirme. En 2006, elles ont ainsi dépensé 3,8 milliards d'euros pour la formation professionnelle continue et l'apprentissage, soit 10% de plus qu'en 2005. Elles ont particulièrement accru leur dépense en direction de l'apprentissage (+7%), qui représente 1,7 milliard d'euros de budget, soit 44% de la dépense totale de formation des régions. Les crédits pour les stages financés par les régions ont aussi augmenté de 6%, atteignant 1,5 milliards d'euros.
L'étude de la Dares met aussi en avant aussi l'essor toujours difficile du droit individuel à la formation (DIF), deux ans après sa création : 3,6% seulement de salariés du privé en ont bénéficié en 2006, surtout dans les grandes entreprises. A l'inverse, la formation en alternance "repart à la hausse".
E.Z.