Habitat - Les objectifs du Grenelle de l'environnement en matière de logement sont-ils atteignables ?
Dans sa série "Etudes et documents", le Commissariat général au développement durable publie une volumineuse livraison consacrée à l'"Evaluation des mesures du Grenelle de l'environnement sur le parc de logements". Quelque peu austère et très technique - le lecteur est vivement invité à se plonger dans l'annexe consacrée aux modélisations mathématiques des différentes hypothèses -, ce travail réalisé par le Cired (Centre international de recherche sur l'environnement et le développement) n'en apporte pas moins des enseignements intéressants. L'objectif de l'étude est en effet de mesurer le degré potentiel de réalisation et l'impact effectif des engagements pris dans le cadre du Grenelle et visant à réduire la consommation d'énergie du parc de bâtiments et les émissions de CO2.
Si les progrès sont indéniables, le rapport constate cependant, à partir des simulations réalisées, "que les politiques considérées, même celles cumulant l'ensemble des outils envisagés, ne suffisent pas à réduire la consommation d'énergie primaire dans les proportions fixées par le Grenelle (-38% en 2020 par rapport à 2008), ni à diviser par quatre les émissions de CO2 en 2050 par rapport à 1990 (objectif Facteur 4)". De façon plus précise, l'étude observe que les instruments incitatifs actuels - réglementation thermique (RT), éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) et crédit d'impôt développement durable (CIDD) - "n'ont qu'un effet mesuré en termes d'économie d'énergie et d'émissions de CO2 évitées", même dans l'hypothèse où ces dispositifs s'appliquent sans discontinuer sur toute la période 2008-2020. Les simulations montrent en effet que la mise en place de ces trois instruments fait diminuer la consommation unitaire d'énergie primaire de 8,5% entre 2008 et 2020. C'est très loin des -38% espérés et à peine mieux que dans le scénario de référence sans aucune politique énergétique (-7%). Les résultats ne sont guère meilleurs en matière d'émissions de CO2 : les trois outils mis en place laissent espérer une réduction de ces émissions de 25% entre 1990 et 2050, alors que l'objectif "facteur 4" correspond à une baisse de 75%.
Les méfaits de l'effet rebond
L'étude impute pour partie la faiblesse de ces impacts par ce qu'il appelle "l'effet rebond" : après une opération de rénovation thermique, les ménages augmentent leur confort thermique en accroissant le niveau moyen du chauffage... Selon les chercheurs, cet effet rebond effacerait "une part importante des économies d'énergie, de l'ordre de 5 à 50%", selon les diverses hypothèses retenues sur les prix de l'énergie, le coût des rénovations, la part des énergies renouvelables...
La partie est-elle perdue pour autant ? Pas sûr, selon le Cired. Une première piste consisterait à ressusciter la défunte taxe carbone, qui devait accompagner la mise en place du Grenelle. Mais celle-ci ne suffirait pas à atteindre les objectifs - très ambitieux - du Grenelle. En instaurant la taxe carbone et en l'augmentant progressivement jusqu'en 2050, la baisse serait ainsi de 15% pour les consommations énergétiques des bâtiments (à l'horizon 2020) et de 45% pour les émissions de CO2 (à l'horizon 2050). Mieux, mais pas encore assez pour tenir la feuille de route.
Reste évidemment ce que le Cired appelle des "hypothèses alternatives", qui permettraient d'"obtenir des résultats plus proches des objectifs du Grenelle, par exemple une baisse des émissions de CO2 de l'ordre de 70% à 90% en 2050 par rapport à 1990". Le Cired estime en effet que "les mesures visant à accélérer les rénovations (CIDD, éco-PTZ ou obligation de rénovation) ne sont réellement efficaces que si elles sont couplées avec un signal prix comme la CCE [contribution climat énergie, ndlr], qui agit sur le comportement des ménages et est donc de nature à limiter l'effet rebond". Plus simplement, la carotte des dispositifs incitatifs ne sera efficace que si elle se double du bâton de la CCE, autrement dit d'un effet prix annulant l'effet rebond. Reste à savoir - et l'étude se garde bien de se prononcer sur ce point - quelle serait l'acceptabilité économique, politique et sociale d'une hausse forcée des prix de l'énergie.