Personnes âgées / Logement - Les logements foyers pourraient s'ouvrir - un peu - à la dépendance
Après l'adaptation de l'habitat au vieillissement, l'évolution de l'habitat collectif des personnes âgées autonomes... Le 11 décembre dernier, le directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) remettaient à Cécile Duflot et Michèle Delaunay leur rapport sur "L'adaptation des logements à l'autonomie des personnes âgées" (voir notre article ci-contre du même jour).
Un mois plus tard, le 7 janvier, le groupe de travail sur les formes d'habitat avec services, mis en place en mars dernier, a remis à Michèle Delaunay son rapport sur "L'habitat collectif des personnes âgées autonomes". Un travail qui s'inscrit dans le cadre de la préparation du projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, dit aussi projet de loi Autonomie. En l'occurrence, le terme d'habitat collectif recouvre principalement les logements foyers - "logements individuels assortis de services collectifs implantés dans un même immeuble ou, à défaut, à proximité immédiate", selon la définition du rapport Laroque de 1962 -, mais aussi d'autres structures comme les petites unités de vie (PUV) de moins de 25 lits.
Le logement foyer, une structure hybride
Le logement foyer constitue une structure hybride difficile à cerner. Il s'agit en effet juridiquement d'un établissement social - environ 70% des logements foyers sont gérés par des CCAS -, mais composé d'une agrégation de domiciles privés, puisque les personnes âgées y sont locataires de leur logement. Le cas échéant, celles-ci peuvent d'ailleurs bénéficier de l'APA à domicile. Si les logements foyers ne sont pas habilités à délivrer des soins, plus de la moitié d'entre eux (52%) sont en revanche habilités à l'aide sociale. Sur la question du statut de ces structures, le groupe de travail a, sans ambages, "réaffirmé l'inscription des logements foyers dans le champ du domicile".
Sur un plan quantitatif, le rapport relève que les logements foyers jouent un rôle important dans le logement des personnes âgées, même si l'offre a diminué depuis le début des années 2000. La capacité de ces structures a en effet reculé de 28,8% entre 2003 et 2011. Au nombre de 2.333 - dont 1.538 publics, 612 privés à but non lucratif et 83 privés lucratifs - les logements foyers offrent aujourd'hui une capacité de 108.920 places.
Vers une offre de services socles
Sur le fond, le rapport commence par passer en revue les prestations assurées - à des degrés variables - par les logements foyers (restauration, entretien du logement et du linge, vie sociale et prévention de la perte d'autonomie, coordination des interventions extérieures...). Il en tire la proposition d'une meilleure caractérisation de ces services, en distinguant prestations socles - obligatoirement proposées aux résidents dans tous les logements foyers et intégrées dans le coût de la redevance - et prestations optionnelles.
Les logements foyers disposeraient d'un délai de trois à cinq ans pour se mettre en mesure de proposer l'offre socle. Seuls les établissements offrant ce socle de services pourraient accéder au forfait autonomie - s'il est créé par le projet de loi -, ainsi qu'aux aides de la Cnav. La mesure est toutefois moins révolutionnaire qu'il y paraît, dans la mesure où le groupe de travail a fait le choix d'une proposition "volontairement minimale", qui "correspond à ce qu'une très large majorité de logements foyers offrent déjà à leurs résidents".
Quels publics pour les logements foyers ?
Mais le cœur des réflexions du groupe de travail porte, sans conteste, sur la question récurrente de l'évolution des publics accueillis par les logements foyers. Les textes prévoient en effet que ces structures accueillent des personnes âgées autonomes, au sens de l'article L.232-2 du Code de l'action sociale et des familles (Casf). Mais nombre d'entre elles accueillent des personnes relevant du GIR 4 - autrement dit susceptibles de bénéficier de l'APA -, "pratique relevée comme d'ores et déjà courante à la demande de collectivités locales".
Après un débat au sein du groupe - qui a longuement pesé le pour et le contre -, le rapport propose d'"inscrire dans la loi la possibilité d'admettre des personnes relevant de GIR 4 en logements foyers, lorsque le logement foyer a conclu une convention de partenariat avec un professionnel de santé, médical ou paramédical, ou un service proposant des soins infirmiers à domicile et un Ehpad et lorsque son projet d'établissement prévoit les modalités d'accueil et de vie des personnes dépendantes dans le logement foyer". Dans cette optique, le groupe de travail suggère également d'adapter en conséquence les dispositions législatives et réglementaires du Casf pour supprimer, dans le cas des logements foyers, l'obligation de calcul annuel d'un GIR moyen par le département et de la remplacer par des règles plus adaptées.
La question récurrente des normes
Par la même occasion, le rapport préconise aussi de clarifier la situation des logements foyers au regard des normes de sécurité, en précisant plus clairement que seuls les espaces de vie collectifs relèvent de la réglementation ERP (établissements recevant du public).
Cette question des normes de toute nature applicables aux logements foyers occupe d'ailleurs cinq des dix-sept propositions du rapport. Parmi les propositions du groupe de travail figurent ainsi l'harmonisation de la réglementation en matière de date de conclusion du contrat et de durée du contrat (afin de lever les contradictions sur ces différents points entre les dispositions du Casf et celles du Code de la construction et de l'habitat). Dans le même esprit de simplification et de clarification, le rapport recommande de fusionner le règlement de fonctionnement (Casf) et le règlement intérieur (CCH). Enfin, il propose de clarifier également la réglementation applicable en matière de résiliation des contrats dans les logements foyers.
Petites unités de vie et résidences services
Le rapport ne se limite pas aux seuls logements foyers, même si ceux-ci représentent la majeure partie de l'offre d'hébergement pour personnes âgées autonomes. Sur les petites unités de vie, le rapport propose ainsi deux mesures. D'une part, ouvrir à nouveau un droit d'option, pendant un an, au bénéfice des PUV (convention tripartite, forfait soins infirmiers ou partenariat avec un service de soins infirmiers à domicile). D'autre part, élaborer une convention-type de partenariat avec les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), à destination des gestionnaires de PUV comme de logement foyer.
Le troisième type d'hébergement s'éloigne quelque peu de la dimension sociale, puisqu'il s'agir des résidences services, qui font florès depuis plusieurs années sous divers intitulés (résidences retraite, résidences seniors, résidences avec services...). Les locataires de ces structures peuvent relever de différents statuts au regard de leur droit d'occupation des locaux (principalement copropriété ou location), mais les dépenses afférentes aux prestations individualisées (les services), ne constituent pas des charges de copropriété. Si l'encadrement des résidences services est peu contraignant, leurs syndics peuvent toutefois être agréés "services à la personne", même s'ils ne se consacrent pas exclusivement à cette activité. Dans ce cas, s'appliquent à la fois l'agrément et l'encadrement strict applicable aux services à la personne.
Cette situation très particulière, jointe à un certain flou juridique, suscite un certain nombre de difficultés, auxquelles le groupe de travail propose de remédier. Il recommande ainsi d'instituer un contrat de services, distinct des charges de copropriété, afin de garantir plus précisément l'individualisation des charges (ce que font d'ailleurs déjà certaines résidences services). La question se pose toutefois de savoir si une telle disposition devrait s'appliquer à toutes les résidences en fonctionnement ou se borner aux structures nouvellement créées.
Dans un même souci de protection des usagers et de clarification du fonctionnement, le groupe de travail préconise aussi d'interdire aux syndics de ces résidences la possibilité de prester eux-mêmes des services, hormis ceux qui sont rendus à une copropriété ordinaire. L'objectif est d'éviter les conflits d'intérêts, notamment dans le cas des services à la personne.
De nouvelles formes d'hébergement collectif à l'horizon
Au-delà de ces différentes structures bien documentées, le groupe de travail a également identifié "de multiples formes d'habitat avec services, dont le développement est engagé" : habitat intergénérationnel, partagé, adapté, autogéré… Sur ce point et face à une offre en pleine évolution, le rapport se contente de préconiser deux mesures. La première consiste à lancer, dès cette année, une étude sur les formes d'habitat avec services ne relevant pas de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médicosociale. La seconde consiste en la création d'un label national, avec définition d'un contrat de services socle, "qui permettrait d'identifier la qualité de l'offre d'habitat avec services et de la rendre plus visible pour les consommateurs".
Toutes les propositions du groupe de travail alimenteront la concertation sur le projet de loi Autonomie, lancée le 29 novembre dernier par le Premier ministre.