Archives

Vieillissement de la population - Congrès HLM 2013 : Michèle Delaunay annonce un prix sur l'habitat des âgés

Et si les organismes HLM concevaient des logements pour les "wifi-boomers", comme Michèle Delaunay appelle ces personnes âgées utilisatrices des technologies numériques ? En lançant un prix sur "la plus belle initiative en matière de logement portée par des bailleurs sociaux", la ministre déléguée aux Personnes âgées donne un petit coup de pouce à l'histoire de l'habitat social.

Invitée au congrès HLM de Lille, le 25 septembre, Michèle Delaunay a annoncé qu'elle lancerait un prix de "la plus belle initiative en matière de logement portée par des bailleurs sociaux". L'idée est là, les partenaires aussi : l'Union sociale pour l'habitat, la Cnav (Caisse nationale d'assurance vieillesse) et la Caisse des Dépôts. Reste à élaborer le cahier des charges, ce qui devrait prendre six mois. Mais les bailleurs sociaux sont prévenus et peuvent déjà préparer leur dossier de candidature, avec la perspective de se voir remettre la récompense dans un an, au prochain congrès HLM.
Les bailleurs auraient certainement aimé se voir annoncer des incitations financières pour leurs projets en faveur de l'adaptation de l'habitat au vieillissement. Sur ce sujet, Michèle Delaunay est très claire : "Aujourd'hui, 25% du parc HLM est occupé par des personnes âgées de plus de 60 ans. Demain, les baby-boomers arriveront et ils représenteront 30 à 35% du parc. Le parc social va prendre de plein fouet ce sujet, il n'a pas d'autre choix que d'innover et d'anticiper."  Et Michèle Delaunay d'ajouter en guise de consolation : "pour des coûts moins importants que ceux déployés pour les personnes lourdement handicapées".

Des logements pour vieux, mais qui n'en ont pas l'air

Les choses qui peuvent compter pour une personne âgée, c'est par exemple : un accueil personnalisé au téléphone ("C'est pas pareil quand on dit qu'on a un problème d'électricité ou de chauffage quand on a 30 ans et quand on en a 75"), un tapis anti-déparant, une douche à l'italienne, des volets roulants, un appartement en rez-de-jardin… Bref des logements "adaptés", mais pas "stigmatisants". "Il ne faut pas qu'on entre dans l'appartement en se disant voilà un appartement de vieux !", plaisante la ministre.
Elle croit aussi beaucoup au fameux habitat "intergénérationnel", la cohabitation entre une vieille dame et un étudiant par exemple, qui lui apporte des petits services, de la présence, de la sécurité "et de la vie tout simplement". Elle croit tellement aux bienfaits et à la réussite des liens intergénérationnels qu'elle prédit sans rire : "Les âgés seront un catalyseur de lien social entre les personnes". Et la ministre de citer l'exemple de cet étudiant chargé, en échange d'un loyer moindre, de rendre des visites régulières à plusieurs personnes âgées : "Il a totalement changé l'atmosphère de l'immeuble", assure-t-elle.

Vieillissement et révolution numérique

Mais que les candidats au prix se le disent, ce qui enthousiasme vraiment la ministre, c'est le numérique. "Le champ de l'âge, c'est le champ de la créativité, et elle va de paire avec la révolution numérique". D'ores et déjà, la tablette a "décoincé" les âgés dans l'usage du numérique, se félicite Michèle Delaunay : 1,5 million de personnes de plus de 60 ans seraient désormais utilisatrices. D'où son expression de "wifi-boomers".
Dans un logement, la tablette peut jouer le rôle de pilote pour savoir à distance, par exemple, qui sonne à la porte. Ou pour échanger avec son aide à domicile. Mais aussi consulter son album photo, converser avec ses petits-enfants sur Skype…
La clé numérique est également pour elle une belle avancée ("Une idée sublime", estime-t-elle). Imaginez, non plus une clé métallique, mais une carte à insérer dans la "serrure" de la porte d'entrée qui permet de savoir si la personne est sortie de son domicile (ou non) depuis 24 ou 48 heures. Cela remplace l'attention que se portent entre eux les voisins, dans les campagnes, qui alertent quand ils s'aperçoivent que les volets ne sont pas fermés (ou ouverts) à l'heure habituelle, commente la ministre...

Sous-occupation : "prudence"

C'est lorsqu'il s'agit d'évoquer la question de la sous-occupation des logements que la ministre prend un air grave. Sans nier le phénomène, et sans remettre en cause les relogements de personnes âgées, elle invite à la "prudence". "Il faut que cela se passe par de meilleurs aménagements, un attrait particulier comme un rez-de-jardin…", demande-t-elle. Il faut, en somme, que la personne ait le sentiment qu'elle gagne quelque chose à son déménagement, même si son nouveau logement est plus petit (et qu'elle craint de ne plus pouvoir accueillir ses enfants ou petits-enfants lorsqu'ils sont de passage pour quelques jours) et même s'il est plus cher que son ancien T5.
Michèle Delaunay a par ailleurs lancé le pari que "d'ici 10 ans, les logements regroupés auront totalement remplacé les maisons de retraite non médicalisées". "Je m'imagine totalement dans la peau d'une vieille dame grincheuse qui n'a pas envie de manger tous les soirs à 18h00 !", explique-t-elle en vantant les mérites de ces logements où les gens conservent leur autonomie tout en pouvant bénéficier des animations et des services d'un établissement collectif. Pour remporter son pari, il faudra d'abord qu'elle fasse passer certaines dispositions visant à assouplir le paysage actuel, ce qui est prévu dans son projet de loi "Autonomie", précise-t-elle. Visiblement, les propositions du rapport Broussy sur "L'adaptation de la société au vieillissement de sa population" qui lui a été remis en mars dernier ne sont pas loin ; par exemple sur la nécessité d'assouplir le carcan actuel du GMP (GIR moyen pondéré) dictant la catégorisation des établissements pour personnes âgées ou sur les atouts du "logement-foyer de demain". A ce propos, la ministre a confirmé que le projet de loi était prêt pour la concertation - mais "on laisse passer la réforme des retraites", a-t-elle ajouté.