Logement - Les aides de l'Anah ont progressé de près de 60% en 2013
L'Agence nationale de l'habitat (Anah) présente ses chiffres clés 2013. Comme Localtis le laissait entendre lors de la présentation des statistiques 2012 - qui étaient alors une nouvelle fois à la baisse (voir notre article ci-contre du 5 février 2013) -, l'année 2013 se révèle un bon cru pour l'Anah. La raison en est simple : la bonne tenue des ventes d'actifs carbone et des mises aux enchères de quotas d'émission de gaz à effet de serre, qui constituent désormais la principale ressource de l'agence (dans la limite d'un plafond de 590 millions d'euros par an, fixé par la loi de finances pour 2013). Une recette très porteuse en 2013, mais dont la Cour des comptes souligne la fragilité dans un référé sur l'Anah rendu public le 30 janvier 2014 (voir l'encadré ci-dessous).
540 millions d'euros pour améliorer l'habitat
L'effet de cette redistribution des financements se fait sentir de façon spectaculaire. Ainsi, le montant total des aides accordées par l'Anah en 2013 (y compris le fonds d'aide à la rénovation thermique) s'élève à 540,5 millions d'euros, contre 341 millions en 2012, soit une progression de 58%... Ces aides se répartissent en 483 millions d'euros d'aides aux propriétaires pour le financement de leurs travaux, 6,5 millions pour l'humanisation des structures d'hébergement, 39 millions pour l'ingénierie et 12 millions pour les opérations de résorption de l'habitat insalubre. Ces aides ont permis d'engager l'an dernier un volume de travaux éligibles de 1,15 milliard d'euros (contre 903 millions d'euros en 2012), "soit l'équivalent de 23.000 emplois créés ou préservés". Cette progression des moyens de l'Anah est certes impressionnante, mais le budget 2013 se situe encore nettement en dessous de celui de 2009 (619 millions d'euros).
La progression du nombre de logements aidés est nettement moins spectaculaire, puisque ce dernier passe de 60.772 logements en 2012 à 65.394 logements en 2013, soit une hausse de 7,6%. Un rapide calcul montre que l'aide moyenne par logement s'est fortement accrue, passant de 4.837 euros à 7.386 euros (+53%). C'est donc le montant moyen des aides qui a absorbé les dotations supplémentaires, davantage que le nombre de logements aidés. En 2013, ces derniers se répartissent en 41.244 logements bénéficiant d'une aide directe à leur propriétaire et 19.528 logements aidés par le biais de 378 syndicats de copropriétaires.
Priorité aux propriétaires occupants les plus modestes
En termes de typologie des propriétaires aidés, les financements vont en grande majorité aux propriétaires occupants (44.942 logements aidés à ce titre en 2013 pour 245,4 millions d'euros), loin devant les propriétaires bailleurs (6.565 logements, pour 102,8 millions d'euros) et les syndicats de copropriétaires (19.528 logements et 37,8 millions d'euros). Deux évolutions sont à relever en ce domaine. D'une part, la proportion des propriétaires très modestes parmi les propriétaires occupants aidés par l'Anah s'est fortement accrue, passant de 51% du nombre de logements aidés en 2012 à 80% en 2013. D'autre part, les propriétaires occupants représentent désormais 69% des logements concernés par les aides aux propriétaires, contre 57% en 2012.
Trois quarts des aides pour la lutte contre la précarité énergétique
En termes de priorités d'action, le principal champ d'intervention de l'Anah est la lutte contre la précarité énergétique dans le cadre du plan de rénovation énergétique de l'habitat (34.157 logements pour 383,4 millions d'euros). Ce secteur a très fortement progressé en 2013, puisque le nombre de logements aidés à ce titre n'était encore que de 12.378 en 2012, soit un quasi triplement en un an sous l'effet de la montée en charge du programme "Habiter Mieux". Désormais, la lutte contre la précarité énergétique représente 74% des aides aux travaux accordées par l'Anah.
Viennent ensuite le redressement des copropriétés en difficulté (16.108 logements et 44,6 millions d'euros), l'adaptation à la perte d'autonomie (13.393 logements et 44,4 millions) - en hausse de 29% par rapport à 2012 -, la lutte contre l'habitat indigne et très dégradé (12.150 logements et 132,1 millions) et - beaucoup plus marginal - le développement de l'offre à loyers maîtrisés (521 logements et 8,1 millions).
Le rural revient en force
En termes de répartition territoriale des aides, les comparaisons avec 2012 sont difficiles, car l'Anah distingue désormais trois types de territoire au lieu de deux : essentiellement rural (24.679 logements), intermédiaire (14.415 logements) et essentiellement urbain (26.042 logements). Malgré ce changement de classification, il apparaît néanmoins que la part du rural s'est nettement renforcée en 2013.
Et cela continuera en 2014, avec l'engagement de l'Anah dans la revitalisation des centres bourg. Un "enjeu sociétal", selon son président Dominique Braye et sur lequel l'Agence sera officiellement mandatée par la ministre de l'Egalité des territoires et du Logement dans le cadre du programme "contrats de bourgs" annoncé par Jean-Marc Ayrault au dernier congrès des maires (voir notre article-ci-contre du 19 novembre 2013). La lettre de mission est en cours d'écriture, les critères d'éligibilité n'étant pas encore totalement définis.
L'année dernière a vu également une légère progression du rôle des délégataires. L'Anah recense en effet 183 "territoires de gestion" (contre 180 en 2012), dont 109 collectivités délégataires de compétence (contre 104). L'ensemble des délégataires ont attribué près de la moitié (47%) des aides, contre 45% en 2012. Enfin, 63% des aides accordées par l'Anah en 2013 l'ont été dans le cadre de programmes locaux d'amélioration de l'habitat, contre 60,7% en 2012.
A noter : les chiffres clés de l'Anah proposent également une répartition par région des principaux types d'aides accordées par l'agence.
Dominique Braye, président sortant, confiant et satisfait
"Les excellents résultats de 2013 montrent que nous pouvons maintenant être confiants dans l'avenir", a déclaré Dominique Braye. "J'ai la satisfaction, au terme de mon mandat, de voir les missions de l'Anah confortées et l'Agence attendue sur de nombreux chantiers gouvernementaux dans lesquels l'amélioration du parc de logement existant est appelée à jouer un rôle majeur", a-t-il déclaré, citant la rénovation énergétique, l'égalité des territoires, le maintien à domicile des personnes âgées, la lutte contre la pauvreté…
Car l'actuel président de l'Anah passera la main au prochain conseil d'administration en mars 2014 (*). "Mon arrivée à l'Anah, en 2010, a coïncidé avec le lancement de la réforme du régime des aides. Elle marquait un tournant majeur pour l'Agence, la faisant passer d'une logique de guichet à une logique de projet dans son approche des aides aux particuliers", s'est-il félicité. Autre motif de satisfaction : l'influence du rapport qui porte son nom, sur les copropriétés dégradées, et dont 80% des recommandations ont été retenues dans la future loi Alur.
Quant à la fragilité budgétaire de l'Anah pour les années qui viennent, Isabelle Rougier, directrice générale, a répété que "ce n'était pas un sujet pour 2014", l'Agence pouvant encore puiser dans son fonds de roulement. Pour la suite, Dominique Braye considère que "le problème de la fluctuation des 'quotas carbone' n'est pas le problème de l'Agence", mais bien celui de l'Etat qui lui dicte ses objectifs et doit en conséquence lui donner les moyens de les appliquer…
(*) Mois où il se retirera d'ailleurs totalement de la vie politique, le président de la Communauté d'agglomération de Mantes en Yvelines ne se représentant pas aux prochaines élections municipales, après avoir renoncé à son siège de sénateur (UMP) en septembre 2011.
Jean-Noël Escudié / PCA et Valérie Liquet
Un référé de la Cour des comptes pointe la fragilité du financement de l'Anah
La Cour des comptes a rendu public, jeudi 30 janvier, un référé sur la gestion de l’Agence nationale de l’habitat pour les exercices 2006 à 2012, adressé le 22 novembre à Pierre Moscovici, ministre de l'Economie et des Finances, Cécile Duflot, ministre de l'Egalité des territoires et du Logement et à Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget.
La Cour s'interroge notamment sur la fragilité de sa principale source de financement, issue de la vente d’actifs carbone et de la mise aux enchères de quota de gaz à effet de serre. "Fragile, car particulièrement volatile", précise le référé.
Dans sa réponse du 22 janvier dernier, Cécile Duflot assure que la baisse des recettes due au marché des quotas n'empêcherait pas à l'Anah d' "assurer ses missions en 2014" (grâce à son fonds de roulement", avait précisé son président Dominique Braye, lors de ses vœux à la presse, le 29 janvier. Lesquels ne sont pas éternels…) "En revanche", reconnaît la ministre, "dans l'hypothèse où le cours d'échange des quotas carbone viendrait dans les prochains mois à ne pas évoluer significativement à la hausse, une réflexion sur la nécessité d'une évolution du mode de financement de l'agence sera nécessaire, afin de garantir à terme la pérennité des interventions de l'agence". Une hypothèse plus que probable.
La Cour des comptes s'interroge également sur le principe même d'affecter à un établissement public national administratif "aux missions pérennes et aux engagements pluriannuels" une ressource principale "exposée aux risques d'un marché particulièrement volatile". Mais là Cécile Duflot persiste et signe : elle demeure convaincue que cette affectation "répond à un souci de cohérence entre les finalités de cette mise aux enchères (la lutte contre le réchauffement climatique), et les politiques mises en œuvre par I'Anah".
Le référé de la Cour des comptes énonce deux autres griefs à la gestion de l'Anah. Il souligne ainsi "l’absence depuis 2010 de contrat d’objectifs et de performance", ce à quoi la ministre assure que "le nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'Anah devra être finalisé en 2014".
Troisième et dernier reproche : "l’insuffisante évaluation des politiques auxquelles l’Anah concourt". "La nécessité de conduire des évaluations sur la mise en oeuvre des actions de l'agence, notamment en matière d'amélioration de la performance énergétique des logements privés, est un objectif que je partage totalement", répond la ministre, sur le principe. Mais dans les faits, elle souligne que "eu égard à la durée des opérations programmées par l'Anah, une évaluation de l'efficacité de nouvelles orientations et de nouveaux régimes d'aides de l'agence ne peut se réaliser qu'après plusieurs années, lorsqu'ils ont atteint une maturité suffisante".
Le rapport d'évaluation du programme "Habiter mieux" engagé en 2010 est ainsi attendu à l'automne 2014. Et d'une manière générale, "des actions seront conduites pour améliorer la connaissance des plans de financement des travaux, tous enjeux confondus, aidés par l'Anah", a assuré la ministre, précisant que toutes les aides publiques mobilisées seront concernées par l'évaluation "y compris celles des collectivités locales".
Valérie Liquet