Suppression de la taxe professionnelle - Le Sénat n'entend pas revenir sur la réforme fiscale
Sans attendre les conclusions assorties de propositions qu'elle remettra en juin prochain dans la perspective du débat sur la loi de finances pour 2013, la mission d'information sénatoriale sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle affirme qu'il n'est "ni envisageable, ni souhaitable" de revenir sur la réforme entrée en vigueur il y a deux ans. Celle-ci aurait en effet eu un certain nombre de mérites. Le premier étant d'alléger de 8,2 milliards d'euros par an la charge fiscale de 2 millions d'entreprises de tous les secteurs (tandis que 845.000 entreprises paient désormais plus d'impôts). Parmi les principaux bénéficiaires figurent les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 250.000 euros et 2 millions d'euros. Avec un gain de 2,2 milliards d'euros en 2010, l'industrie est l'un des secteurs qui a gagné le plus. Le coût pour l'Etat s'élèvera à 4,5 milliards d'euros en régime de croisière. Conforme aux prévisions, il sera un peu supérieur au coût de la suppression, en 2000, de la part salaires de la taxe professionnelle (entre 3 et 4 milliards d'euros par an).
Parmi les autres conséquences positives, la mission présidée par Anne-Marie Escoffier (RDSE) cite la simplification du "paysage" de la fiscalité locale par l'unification des taux, ainsi que le choix d'une assiette de remplacement, la valeur ajoutée, qui est "certainement plus adaptée aux réalités des entreprises et du cycle économique" que ne l'étaient les équipements et biens mobiliers constitutifs de l'assiette de la taxe professionnelle.
Fallait-il pour autant présenter la réforme comme le remède aux difficultés des entreprises françaises ? Les sénateurs en doutent. "Il apparaît clairement que la fiscalité, notamment locale, n'est pas déterminante pour les décisions d’implantation", indiquent-ils après avoir auditionné de nombreux représentants des entreprises. De plus, il n'a pas encore été démontré que la réforme a permis d'éviter des délocalisations, soulignent-ils.
Des ajustements sont nécessaires
A ces interrogations exprimées sur le bilan de la réforme pour le monde économique s'ajoutent des certitudes quant aux effets très mitigés du changement "brutal" vécu par les collectivités. Parmi ces conséquences, la mission évoque le climat d'incertitude suscité par la réforme, la forte réduction de l'autonomie fiscale des départements et des régions, la création de nouvelles inégalités de richesse du fait de la territorialisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la volatilité du produit de cet impôt, l'augmentation de la part des impôts payés par les ménages dans les ressources fiscales des communes et intercommunalités, ainsi que la moindre propension qu'ont celles-ci à accueillir des entreprises industrielles.
Cette situation nécessite en particulier, selon la mission, de renforcer l'efficacité des fonds départemental et régional de péréquation de la CVAE qui entreront en vigueur l'année prochaine. Par ailleurs, des "ajustements complémentaires" semblent souhaitables afin de corriger les hausses de taxe d'habitation générées, indépendamment des choix des élus locaux concernés, par le transfert de la part départementale au secteur communal. Il semble aux sénateurs qu'il faudra aussi mieux adapter la législation actuelle sur la répartition de la CVAE aux caractéristiques des groupes. Parmi les autres aménagements évoqués à ce stade par la mission, l'un vise les très petites entreprises assujetties à la base minimale de cotisation foncière des entreprises (CFE). Pour que cette taxe ne soit pas trop lourde, il faudrait que les communes et leurs groupements puissent moduler la cotisation minimale de CFE (probablement en fonction du chiffre d'affaires, même si la mission ne le dit pas explicitement). On sait en effet que sur le terrain, certains maires font des constats parfois surprenants. Tel cet élu qui évoque le cas d'un petit marchand de fruits et légumes ayant vu sa contribution tripler - et se retrouvant ainsi au même niveau d'imposition qu'un chirurgien-dentiste qui, lui, paye un montant trois fois moindre qu'avant la réforme.