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Finances locales - La réforme de la fiscalité locale et ses conséquences dessinent un nouveau paysage

La réforme de la fiscalité locale a fait basculer les collectivités dans un nouveau système de financement. La décision prise fin 2009 par le Parlement a des répercussions en chaîne sur les outils de mesure de la richesse locale ou encore sur la péréquation. Les collectivités abordent ainsi 2012 en tentant encore de trouver leurs repères.

Deux ans après la suppression de la taxe professionnelle, l'heure est au bilan. La réforme de la loi de finances pour 2010 a-t-elle atteint ses objectifs ? Affirmatif, répondait le ministère de l'Economie et des Finances par la voix de la directrice de la législation fiscale, Marie-Christine Lepetit, qui intervenait le 23 novembre dernier lors de la table-ronde du Congrès des maires sur les finances locales (lire notre article du 24 novembre 2011 : "Les finances locales : entre réformes et difficultés d'emprunt, un exercice d'équilibriste"). Dans un rapport sur les prélèvements obligatoires, la rapporteuse du budget au Sénat, Nicole Bricq, révélait un mois plus tôt que la réforme a réduit en moyenne de 30% l'impôt économique local des entreprises. Tous les secteurs étant gagnants - l'industrie en tête – sauf le secteur financier (qui enregistre une hausse de 6% de son imposition). Les PME dont le chiffre d'affaires est compris entre 152.500 euros et 3 millions d'euros tirent très bien leur épingle du jeu, puisque leur charge fiscale baisse au moins de moitié.
Du côté des collectivités locales, chacun peut à présent effectuer un bilan individuel de la réforme, puisque les services des impôts ont notifié en novembre les montants de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), c'est-à-dire, aujourd'hui, le principal impôt économique local. Tout élu local peut se rassurer en se souvenant que le gouvernement a garanti à chaque collectivité qu'elle obtiendrait après la réforme le même montant de ressources qu'avant. Mais, nombreux sont les élus qui s'inquiètent en réalité, en sachant que la garantie individuelle des ressources sera figée dans le temps et que la CVAE, très dépendante de la conjoncture économique, n'évoluera pas de manière très dynamique au cours des prochaines années.

Des interrogations sur la CVAE

De plus, sur la réalité de la répartition territoriale de cette fameuse CVAE, une ressource de 15 milliards d'euros, on sait encore peu de choses. Mais, on devine déjà qu'elle est très hétérogène. Du fait de la concentration de la valeur ajoutée à l'endroit des sièges sociaux des entreprises, certains territoires comme l'ouest de l'Ile-de-France se trouvent grandement favorisés (à ce sujet, lire notre article du 9 décembre 2011 : "CVAE : quelques réponses, encore beaucoup de questions"). A l'inverse, les territoires industriels craignent toujours d'être lésés, en dépit des corrections apportées aux règles de répartition de la CVAE dans la loi de finances pour 2011. Faudra-t-il encore revoir la clé de répartition du nouvel impôt ? A l'occasion de la discussion des lois de finances rectificatives de l'année 2011, des parlementaires ont fait des propositions. Elles ont été repoussées, faute de résultats chiffrés objectifs. Les parlementaires reviendront donc sur la question lorsqu'ils disposeront des données agrégées de la CVAE, que la ministre du Budget a promis de fournir d'ici au mois de juin prochain. Ce sujet est évidemment à l'ordre du jour de la mission d'information sénatoriale sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle qui a été créée en juin 2011.
Des modifications concernant la CVAE pourraient donc être inclues dans le projet de loi de finances pour 2013. Cette nouvelle étape de "revoyure" de la réforme de la fiscalité locale se profile alors que le Parlement vient tout juste de valider un ensemble d'ajustements et de compléments de cette réforme, en votant le dernier projet de loi de finances rectificative de 2011 (sur ce sujet, lire notre article du 18 novembre : "De nouveaux ajustements sont apportés à la réforme de la fiscalité locale").

Péréquation entre communes : 150 millions en 2012

"Nous ne pouvons pas considérer que la suppression de la taxe professionnelle et la création de nouveaux impôts représentent la réforme de la fiscalité locale", déclarait Philippe Laurent le 13 octobre lors du congrès de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) à Rennes. Il ajoutait que "cette réforme, elle est à venir" et qu'"elle devra concerner à la fois l'Etat et les collectivités locales". Si le séisme qui a bouleversé la fiscalité locale ne semble donc pas correspondre à la réforme rêvée par les élus locaux, il n'empêche que l'onde de choc qu'il a provoquée n'en finit pas de secouer les finances locales. Le projet de loi de finances pour 2012 tire ainsi les conséquences de cet événement en modifiant la définition des instruments de mesure de la richesse des collectivités. A commencer par le premier d'entre eux, le potentiel financier - une notion très importante qui est utilisée pour le calcul des dotations de péréquation, qu'elles soient de nature verticale (dotations de l'Etat) ou horizontale (redistribution entre les collectivités locales).
La mise en place en 2012 du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) va quant à elle "permettre d'accompagner la réforme de la fiscalité locale", indique le gouvernement dans le rapport qu'il a remis fin septembre sur le fonctionnement du nouvel outil (notre article du 28 septembre 2011 : "Le PLF 2012 lance le nouveau fonds de péréquation horizontale"). "Les inégalités de répartition des ressources fiscales demeurent globalement et se déplacent sur le territoire, ce qui justifie la poursuite de l'effort en faveur de la péréquation", ajoute-t-il. Un effort que les collectivités et groupements les plus riches devront assumer en faveur de ceux qui sont moins favorisés.
Cette redistribution atteindra 150 millions d'euros dès l'année prochaine... et un milliard en 2016. Une somme bien sûr non négligeable, mais qui demeure modeste à côté des 30 milliards d'euros de la taxe professionnelle supprimée il y a deux ans. La mesure de la loi de finances pour 2012 a quand même fait beaucoup de vagues chez les élus locaux (lire à ce sujet notre article du 7 octobre 2011: "Fonds de péréquation intercommunal : un consensus impossible ?") et au Parlement. Au Sénat en particulier, où l'on a été tenté de reporter la mise en oeuvre du FPIC à 2013 (notre article du 5 décembre 2011 : "Le Sénat approuve le lancement du fonds de péréquation intercommunal dès l'an prochain"). Finalement, les apports de la "maison des collectivités" au dispositif ont été majeurs. Demeurant en grande partie dans la version définitive du projet de loi adoptée le 21 décembre par l'Assemblée nationale, ils ont été salués y compris par des associations d'élus locaux dont les positions divergeaient fort, encore récemment (notre article du 20 décembre : "Fonds de péréquation : tout le monde content ?").

Les valeurs locatives seront-elles révisées ?

Après le chambardement qu'a représenté la suppression de la taxe professionnelle, il faut à présent porter son regard du côté de la révision des valeurs locatives, autre réforme qui, si elle était confirmée, aurait un retentissement considérable sur les finances locales. Mais cette réforme sera-t-elle effectivement engagée par le gouvernement ? Le fait que ce dernier n'ait pas remis au Parlement à la date du 30 septembre dernier, comme il aurait dû le faire, le rapport mesurant les conséquences d'une révision des valeurs locatives des locaux professionnels - à partir d'une expérimentation menée dans cinq départements - est peut-être le signe que celui-ci hésite. L'opposition farouche des milieux économiques à la modernisation des valeurs cadastrales ne l'encourage évidemment pas à franchir le pas. "On risque de reprendre à l'industrie une partie de l'avantage qu'elle a trouvé à la réforme de la taxe professionnelle", confiait récemment Marie-Christine Coisne, présidente de la commission Fiscalité des entreprises du Medef (table-ronde organisée le 13 décembre par la mission d'information du Sénat sur la taxe professionnelle). Nul doute que la réforme intervenue dans la loi de finances pour 2010 va laisser une empreinte durable sur les finances locales...

 

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