Fiscalité locale - Réforme de la TP : au-delà d'un bilan plutôt optimiste, les parlementaires en mission proposent que la péréquation comprenne des critères de "bonne gestion"
Dans le cadre de la "clause de revoyure", qui doit finalement intervenir à la fin de l'année, la réforme de la taxe professionnelle ne doit pas faire l'objet de bouleversements majeurs. C'est la position que défendent les trois députés (Marc Laffineur, Olivier Carré, Michel Diefenbacher) et trois sénateurs (François-Noël Buffet, Alain Chatillon, Charles Guené) chargés début février par le Premier ministre de "préciser les conséquences de la réforme dans la durée et définir les aménagements nécessaires". Ceux-ci ont rendu le 30 juin leur rapport à la ministre de l'Economie, un mois après celui qu'ont remis les deux experts Bruno Durieux et Patrick Subremon. Des experts qui estimaient déjà que les aménagements au dispositif voté en décembre dernier par le Parlement doivent être limités.
Proches dans leur conclusions, les deux études le sont aussi sur le bilan de la réforme. Le rapport des parlementaires rappelle que les entreprises bénéficient d'un allègement de fiscalité de près de 5 milliards d'euros sans que les ressources des collectivités s'en trouvent affectées. Celles-ci seront en effet garanties pour chaque collectivité, grâce aux mécanismes de compensation, conformément aux engagements du gouvernement. Mieux encore, estiment-ils, les collectivités bénéficieront de ressources dynamiques : les bases des nouvelles recettes fiscales croîtront d'environ 3,5% par an, notamment grâce à la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Celle-ci devrait progresser de 4,2% sur la période 2011-2015, soit une évolution plus favorable que celle de la taxe professionnelle sur la période 2002-2009 (+ 3,3%). Repris directement du rapport Durieux-Subremon, ces chiffres devraient relancer les critiques des élus locaux, en particulier de l'opposition, qui considèrent que les hypothèses de croissance sur lesquelles reposent ces simulations sont très optimistes.
Modifier l'Ifer
Une des seules adaptations des ressources préconisées par les parlementaires concerne l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer). "Le dispositif relatif aux éoliennes mérite un examen dès la prochaine loi de finances", indiquent-ils en particulier. Par ailleurs, ils préconisent des aménagements dans les modalités de répartition de la CVAE au profit des communes accueillant majoritairement des entreprises industrielles.
Sur l'autonomie fiscale très affaiblie des départements et des régions, le rapport parlementaire n'est guère plus long que celui remis il y a un mois, qui éludait tout simplement le problème. Comme l'autre rapport, celui des parlementaires s'étend en revanche longuement sur la question de la péréquation des nouvelles ressources fiscales, jugée majeure par tous les élus. Là encore, le constat est le même : le dispositif voté en loi de finances pour les départements et les régions est très insuffisant. Du coup, selon les parlementaires, il doit être supprimé. A la place, ils proposent de prélever la moitié de la croissance cumulée de la CVAE des régions et départements dont le potentiel fiscal est supérieur à la moyenne, ce qui s'avérerait assez efficace.
"Gestion vertueuse"
Pour les communes et leurs groupements, les parlementaires proposent un dispositif de péréquation élargi sous tous ses aspects, puisque reposant d'une part sur l'ensemble constitué par les communes et l'intercommunalité et d'autre part sur les ressources fiscales des ménages et des entreprises. L'écrêtement des communes les plus riches alimenterait un fonds national contrôlé par le Comité des finances locales et d'autre part des fonds régionaux gérés soit par un "comité des finances régionales", soit par les départements ou les régions - ceci, "dans l'attente de la mise en place des conseillers territoriaux". Les parlementaires insistent pour que les principes de la péréquation communale soient "définis dès cette année" pour une mise en place "en 2012". Les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle et le fonds de solidarité pour les communes de la région Ile-de-France seraient donc prolongés en 2011.
Pour tous les échelons de collectivités, les sommes allouées à la péréquation seraient redistribuées en fonction de critères de richesses et de charges. En plus, s'ajouteraient des "critères de bonne gestion". Une mission, "notamment composée d'élus locaux", aurait la lourde et "difficile" tâche de définir ces critères. Il pourrait s'agir par exemple de critères de charges distinguant les charges obligatoires de celles qui sont à la discrétion des élus locaux. Ainsi, on verrait mieux que maintenant "si l'augmentation des taux d'imposition d'une collectivité locale résulte de l'accroissement de dépenses 'inévitables' ou traduit un manque de rigueur dans la gestion", soulignent les parlementaires. Nul doute que cette proposition va susciter l'opposition de nombreux élus locaux, qui ont déjà réagi vigoureusement lorsque le 20 mai, le président de la République a souhaité la mise en place de critères de bonne gestion pour l'attribution des dotations de l'Etat aux collectivités (lire notre article sur le sujet).
Les propositions des parlementaires, que le Comité des finances locales examinera le 6 juillet, "contribueront utilement à la préparation du projet de loi de finances pour 2011", a estimé la ministre de l'Economie dans un communiqué.
Thomas Beurey / Projets publics