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Fiscalité locale - Réforme de la TP : peu d'ajustements en vue, sauf sur la péréquation

Dans le rapport qu'elle vient de rendre à la ministre de l'Economie, la mission pilotée par Bruno Durieux conclut qu'il ne faut rien changer ou presque à la nouvelle architecture des ressources des collectivités. En revanche, de nouveaux mécanismes de péréquation devront être mis en place.

La répartition des ressources des collectivités, tout comme les dispositifs de compensation de ressources, n'appellent pas de modifications, mais les dispositifs de péréquation doivent, eux, être renforcés. Telle est en substance la conclusion de la mission d'experts conduite par Bruno Durieux, ancien ministre et maire de Grignan, qui vient de remettre son rapport à Christine Lagarde et François Baroin.
Le gouvernement avait commandé cette "évaluation des effets de la réforme de la taxe professionnelle sur la fiscalité des collectivités locales et sur les entreprises" en vue des ajustements législatifs qui doivent en principe intervenir cet été concernant la réforme de la taxe professionnelle. Selon cette étude d'une soixantaine de pages, il apparaît que les vives discussions des parlementaires à l'automne dernier, concernant notamment la part de la nouvelle contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui devait revenir à chaque niveau de collectivité, n'ont pas conduit à des choix déraisonnables. Au total, "les collectivités territoriales devraient avoir, en moyenne pour chacune des catégories, une dynamique de leurs nouvelles bases fiscales comparable, autour de 3,5 % par an", font remarquer l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration qui ont élaboré ce rapport. En outre, la croissance des nouvelles bases de fiscalité sera plus élevée que l'évolution des bases de taxe professionnelle au cours des dix dernières années. La contribution économique territoriale (CET) composée de la CVAE et de la contribution foncière des entreprises (CFE) progressera chaque année en moyenne de l'ordre de 3,9% à 4,2% alors que la TP a connu un rythme annuel de progression de 3,3%.
Autre point positif, qui incite la mission à choisir le statu quo : l'autonomie financière des collectivités est préservée, conformément aux exigences constitutionnelles – elle sera même légèrement accrue. Le rapport ne cache pas cependant que l'autonomie fiscale des départements et des régions sera mise à mal. Mais pour elle, cela n'appelle pas d'ajustement.

 

Ressources en progression

Rien, par ailleurs, ne doit changer concernant la garantie individuelle des ressources des collectivités qui repose principalement sur un fonds national dédié. En effet, ils assureront bien leur mission. "A l'horizon 2015, les mécanismes de garantie assurent à toutes les collectivités des ressources au moins aussi importantes qu'en 2010, toutes choses égales par ailleurs". A la suite de la réforme fiscale, les collectivités verront en réalité leurs ressources progresser. "Presque toutes les régions devraient disposer de ressources supérieures au moins de 10% à celles de l'année 2010". Quant aux départements, "presque tous" devraient disposer de ressources supérieures de 10% à 30% par rapport à celles de l'année 2010. Enfin, les deux tiers du "bloc communal" (représentant près de la moitié de la population) auraient des recettes supérieures au moins de 20%.
Les nouvelles ressources présentent toutefois deux inconvénients de taille : davantage que la défunte taxe professionnelle, elles sont dépendantes de la conjoncture économique. Surtout, elles progressent de manière très inégale sur le territoire, ce qui appelle la mise en place de mécanismes de péréquation. Dans ce domaine, des "ajustements" sont nécessaires, conclut d'ailleurs la mission. Il faudra d'abord renforcer les dispositifs de péréquation que la loi de finances pour 2010 a mis en place entre les départements et entre les régions, car s'ils restent en l'état, leur efficacité sera "faible".

 

Dans l'attente du rapport du gouvernement

Pour ce qui est de la péréquation entre les communes, la mission préconise de "fixer, pour une période donnée, un objectif de réduction des inégalités communales et [d']en déduire le dispositif de péréquation le plus adapté". Elle suggère aussi de "prendre en compte simultanément les critères de ressources et de charges". Pour la mission, le nouveau dispositif pourrait se rapprocher, dans son fonctionnement, du fonds de solidarité pour la région Ile-de-France (FSRIF) qui écrête les ressources des collectivités les plus riches afin de les distribuer aux communes les plus pauvres. Elle ne tranche pas entre une péréquation alimentée essentiellement par la croissance des ressources (les flux) et une péréquation assise sur l'ensemble des ressources des collectivités (le stock). Cette dernière serait "plus efficace", reconnaît la mission, mais la choisir remettrait en cause le principe de garantie des ressources promu par la réforme, ajoute-t-elle.
Le gouvernement s'appuie sur l'étude de la mission Durieux pour la préparation du rapport qu'il doit remettre au Parlement début juin, conformément à ce que prévoit l'article 76 de la loi de finances pour 2010, qui instaure des "clauses de revoyure". Selon ce texte, c'est "au vu" du rapport du gouvernement qu'une loi interviendra avant le 31 juillet 2010 pour "préciser et adapter le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales" et "mettre en place des mécanismes de péréquation". Beaucoup de parlementaires et d'élus parient cependant déjà que le principal rendez-vous aura lieu non pas cet été mais à l'automne à l'occasion du débat sur la loi de finances pour 2011.

 

Thomas Beurey / Projets publics