Réforme de la TP - Le bloc local demande des "mécanismes d'atténuation"
A l'approche du premier rendez-vous législatif qui doit amener dès cet été le législateur à remettre la réforme de la taxe professionnelle (TP) sur le métier, l'unité du bloc communal ne faiblit pas. C'est avec une liste de propositions communes (document à télécharger ci-contre) que leurs représentants se sont présentés le 14 avril devant cinq des six parlementaires missionnés par le gouvernement. Le but de leurs revendications : corriger le tir de la réforme pour atténuer ses effets les plus brutaux et consolider les ressources accordées en compensation de la suppression de la TP.
Comme l'affirme le gouvernement, la réforme sera neutre en 2010 et 2011. Mais sur une période plus longue, elle fera des "perdants", qui seront les collectivités dont la part des produits de nature fiscale dans le total des ressources va être amoindrie. Ces collectivités se trouveront tout particulièrement dans les territoires majoritairement industriels. Certes, ceux-ci ont la garantie, grâce à un fonds national, que leurs ressources ne chuteront pas d'un coup. Les associations du bloc local (maires de France, communautés urbaines, petites villes, villes moyennes, grandes villes et Assemblée des communautés de France) estiment toutefois que cette mesure ne suffira pas et réclament par conséquent "des mécanismes d'atténuation complémentaires".
Parallèlement, elles demandent une révision des critères de répartition de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : le choix fait par le législateur de ne retenir comme base de cette répartition que les effectifs des entreprises tend à défavoriser là encore les territoires industriels. En plus des effectifs, d'autres critères pourraient ainsi être pris en compte, affirment les associations d'élus, qui donnent pour "exemple" les surfaces occupées ou les bases de la cotisation foncière des entreprises. "Les parlementaires vont revenir sur les critères", est-on persuadé du côté de l'Assemblée des communautés de France (ADCF). Philippe Laurent, président de la commission finances de l'AMF, en est moins sûr : "Les parlementaires jugent qu'il est plus simple de prendre en compte seulement les effectifs."
Péréquation : il y a "urgence"
Les dispositifs permettant de neutraliser à court terme les effets de la réforme ne peuvent tenir lieu de péréquation, insistent par ailleurs les associations du bloc local. Dans tous les cas, la péréquation doit faire l'objet d'un travail "urgent" de redéfinition, plaident-elles.
L'autre préoccupation majeure des représentants des communes et groupements est d'optimiser les ressources qui sont transférées à leurs collectivités. Sur ce plan, les inquiétudes ne manquent pas. Première difficulté : on ne sait toujours pas de quelle manière va être remplacé le dispositif d'imposition des titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC) de moins de 5 salariés qui a été censuré par le Conseil constitutionnel. Or, en l'absence de solution, le manque à gagner pour les communes et les intercommunalités se chiffre à au moins 800 millions d'euros. Les élus locaux plaident donc pour la mise en place d'un nouveau régime d'imposition des titulaires de BNC de moins de 5 salariés, qui permettra de dégager un produit fiscal équivalent à l'ancien.
Seconde difficulté, l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) génère, à assiette constante, un produit fixe. C'est-à-dire que seule une augmentation du nombre des équipements entrant dans l'assiette du nouvel impôt est de nature à procurer des recettes nouvelles. En raison de l'inflation, bien des collectivités pourraient donc, en l'état, voir leurs recettes décélérer. Il faut donc, a minima, indexer les tarifs de l'Ifer sur l'inflation, demandent les élus locaux.
Pierres d'achoppement
"Nos revendications sont légitimes. Souhaiter que les recettes futures soient évolutives, c'est la moindre des choses", confie-t-on à l'ADCF... où l'on reconnaît par ailleurs qu'il sera "difficile" de revenir sur le transfert au bloc local des 5 milliards d'euros de la part départementale de la taxe d'habitation - un transfert auquel les maires et présidents de communautés ont toujours été hostiles. En plus, du côté des départements, on pose certaines conditions à un éventuel retour de la taxe d'habitation. "Si nos dépenses sociales sont mieux compensées, on acceptera plus facilement", reconnaît l'Assemblée des départements de France (ADF), qui pointe un véritable problème : "Il n'appartient pas au contribuable local de financer par la taxe d'habitation des allocations qui devraient relever de la solidarité nationale et dont les montants sont croissants".
Si, comme sur la taxe d'habitation, il peut y avoir sur tel ou tel sujet des pierres d'achoppement, Philippe Laurent, président de la commission finances de l'AMF, considère que les présidents de régions et de départements - eux aussi étaient auditionnés le 14 avril par les parlementaires en mission - sont sur la même longueur d'ondes que les maires et présidents de communautés.
Les parlementaires rendront leur rapport dans le courant du mois de juin, afin que le législateur puisse procéder d'ici le 31 juillet aux ajustements jugés nécessaires, comme le prévoit la loi de finances pour 2010. Mais pour Philippe Laurent, il y a de fortes chances pour que la réforme de la taxe professionnelle soit réellement modifiée "dans la loi de finances pour 2011".
Thomas Beurey / projets publics
Les six parlementaires en mission
Désignés par le Premier ministre au début de l'année, les six parlementaires ont pour mission de faire le lien avec les élus locaux, de favoriser le dialogue entre le gouvernement et le Parlement et de préparer les ajustements nécessaires à une meilleure répartition des ressources entre collectivités territoriales. Il s'agit de trois députés (Marc Laffineur, Michel Diefenbacher, Olivier Carré) et de trois sénateurs (Charles Guené, François-Noël Buffet et Alain Chatillon).
Parallèlement, une mission interministérielle a été confiée conjointement à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale de l'administration par la ministre de l'Economie, le ministre de l'Intérieur et le ministre du Budget. La mission est coordonnée par Patrick Subremon, inspecteur général de l'administration, et Bruno Durieux, inspecteur général des finances, ancien ministre et maire de Grignan (Drôme). Elle est chargée de préparer le rapport qui, selon la loi de finances pour 2010, doit être remis au Parlement avant le 1er juin. Les associations de maires leur ont remis leurs propositions communes et doivent les rencontrer prochainement.