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Suppression de la taxe professionnelle - ADCF : "Une majorité de communautés sort gagnante de la réforme"

Selon les premières estimations, les grands gagnants de la suppression de la taxe professionnelle seraient les territoires essentiellement résidentiels. Mais attention, l'avantage qu'ils prennent sur les autres devra se confirmer, notamment après la révision des valeurs locatives. Une journée organisée par l'Assemblée des communautés de France et la Caisse d'épargne en a témoigné.

Le gouvernement garantit que la suppression de la taxe professionnelle ne fera "aucun perdant" parmi les collectivités territoriales, "ni en 2010, ni en 2011". "Photographiquement, il n'y a pas de perdants," acquiesce Nicolas Portier, délégué général de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), qui organisait avec la Caisse d'Epargne, le 13 janvier dans les locaux parisiens de BPCE-Caisses d'Epargne,  une journée sur la réforme et ses conséquences.
Après 2011, en revanche, la situation sera différente. En ce qui concerne les communautés - la remarque doit être valable pour les communes - certaines auront, à l'avenir, moins de recettes de nature fiscale qu'avant la réforme et, en plus, des ressources en principe moins dynamiques. Ces "perdants" sont essentiellement les territoires qui accueillent des industries lourdes. Comme la communauté urbaine de Dunkerque, qui "va perdre plus de 60% de sa masse fiscale et obtiendra en retour des compensations". Des communautés comme celles du Grand Lyon, de Grenoble, Salon-Étang de Berre Durance, où l'industrie représente une proportion importante des bases fiscales, vont également être très impactées.
D'autres communautés, majoritaires en nombre, vont tirer leur épingle du jeu, "parce que la taxe d'habitation et la future cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sont bien réparties géographiquement", explique-t-on à l'ADCF. Parmi ces intercommunalités, il y aura aussi des "supergagnants". Ce sont des territoires essentiellement résidentiels ou touristiques, comme la communauté de la Riviera française qui regroupe les communes de Menton et des environs. Celle-ci va voir ses recettes fiscales grimper de près de 50%, "bien sûr avant écrêtement" (au titre du Fonds national de garantie), précise Nicolas Portier.

"Variable d'ajustement"

Le gain de fiscalité enregistré par certaines communautés sera d'autant plus important que leurs valeurs locatives sont fortes, et qu'en plus une part départementale de taxe d'habitation au taux élevé leur sera transférée, précise le délégué général de l'ADCF.
Jean-Pierre Balligand, député-maire de Vervins (Aisne) s'inquiète, lui, du niveau des ressources fiscales dont bénéficiera sa commune "après 2012". Elle percevra certes, dans un premier temps, un montant de ressources équivalent à celui d'aujourd'hui (un peu plus de 2 millions d'euros), mais seulement grâce au fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), qui interviendra à hauteur de 136.000 euros. Une dotation budgétaire de 18.000 euros complétera le tout. Le problème ? "L'Etat n'a pas la capacité de garantir des dotations de compensation importantes. Je n'y crois pas", souligne-t-il. Sa crainte : que les dotations aux collectivités locales deviennent "la variable d'ajustement" du budget d'un Etat miné par les déficits. Les clauses de revoyure votées par le Sénat pour ajuster la réforme à la situation des collectivités ne vont rien changer à la donne, poursuit le député. "Ces clauses ne sont pas faites pour corriger les cadeaux faits aux entreprises", explique-t-il. "Elles sont prévues pour ajuster la ventilation des nouvelles ressources entre les collectivités." En clair : il n'y aura pas un centime de plus pour les collectivités locales dans leur ensemble.
Les élus dont les territoires sortent "gagnants" de la réforme ont des raisons de sourire. C'est le cas de Jean-Marc Nicole, président de la communauté d'agglomération Val-de-Bièvre. Les 45 millions d'euros de taxe professionnelle perçus par cette intercommunalité du sud de Paris vont être compensés en 2011 par 57 millions d'euros de ressources fiscales. Ce qui la conduira à reverser 12 millions d'euros au Fonds national de garantie.

Valeurs locatives

L'élu reste pourtant prudent. "Comment demain va être calculé le potentiel financier ? Comment la richesse va-t-elle être appréciée sur notre territoire ?", s'interroge-t-il, évoquant ainsi l'un des chantiers que lancera, cette année, le ministère de l'Intérieur. "Les communes membres de l'intercommunalité, qui sont éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU) et au fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France (FSRIF) continueront-elles à percevoir ces ressources ?", poursuit Jean-Marc Nicole. "Ne demanderont-elles pas à la communauté l'application d'un mécanisme de solidarité que celle-ci ne pourra mettre en place à cause de l'écrêtement de ses ressources ?", conclut-il.
Autre sujet d'inquiétude pour le Val-de-Bièvre : la révision des valeurs locatives, autre chantier de 2010, qui devrait se traduire, sur ce territoire, par un "moins bon rendement fiscal" qu'aujourd'hui. De nombreux immeubles - souvent des logements sociaux – ont en effet conservé des valeurs locatives élevées, bien supérieures à ce qu'elles devraient être.
"Nous devons avoir une interrogation sur le dynamisme futur des valeurs locatives, dans une période de chute de la construction", ajoute Nicolas Portier, qui insiste sur le caractère aujourd'hui fondamental de ces données et l'"enjeu déterminant" de leur modernisation. "Avec les quelque 5 milliards d'euros de la part départementale de taxe d'habitation transférés aux communes et communautés, les assiettes fiscales de celles-ci seront très massivement concentrées sur les valeurs locatives." Soulignons, au passage, qu'avec cette nouvelle ressource, la fiscalité mixte - reposant à la fois sur les entreprises et les ménages - va de facto se généraliser. Un profond séisme pour l'intercommunalité.
Les simulations sur les effets de la suppression de la taxe professionnelle mises en ligne en fin de semaine dernière sur le site de Bercy étonnent certains élus. Comme ce président d'une communauté de communes du Puy-de-Dôme témoignant qu'il a "de la peine à y croire". "J'étais inquiet sur l'évolution de nos rentrées fiscales et nos ressources vont finalement être écrêtées", déclare-t-il.
Les simulations sont "des estimations" effectuées à partir de données concernant l'année 2008, rappelle Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale au ministère de l'Economie. "Prenez ça comme un premier ordre de grandeur et pas comme le nec plus ultra", avertit-elle.

 

Thomas Beurey / Projets publics

 

Réforme des collectivités : l'ADCF regrette les "reculs" de la commission des lois du Sénat

La réforme de la taxe professionnelle "était une réforme nécessaire" - dans la mesure où cette taxe "ne pouvait demeurer en l'état" - et a bénéficié de certaines "avancées par rapport au texte d'origine", a estimé ce jeudi 14 janvier le président de l'ADCF, Daniel Delavaux, qui rencontrait la presse à l'occasion des vœux de l'association. Et ce, même si beaucoup de questions subsistent pour l'après 2011 et s'il ne faut pas sous-estimer l'impact du "changement de nature qui s'opère dans le financement des intercommunalités" passant du régime de la taxe professionnelle unique à une "fiscalité mixte généralisée".
L'ADCF comptant rester "très mobilisée" en 2010 sur les différents projets de réforme en cours, son attention se porte aujourd'hui évidemment en priorité sur la réforme des collectivités dont la discussion débute dans quelques jours au Sénat. "Si le projet de réforme se limite à imposer coûte que coûte le conseiller territorial, il n'est pas à la hauteur des enjeux", affirme Daniel Delavaux, sachant que le volet intercommunal, s'il fait moins parler de lui que l'article de quelques lignes consacré au conseiller territorial, occupe effectivement la majeure partie du texte. L'ADCF est d'autant plus sur ses gardes que la version du projet de loi issue des travaux de la commission des lois du Sénat marque selon elle des "reculs importants". Daniel Delavaux a évoqué quelques-uns de ces reculs et des points restant "difficiles" : la question des majorités (la commission des lois "propose d'en rester aux majorités qualifiées" actuellement en vigueur pour les transferts de compétences des communes à un EPCI, alors que le projet de loi initial introduisait des majorités simples), la modification relative à la répartition des sièges au sein du conseil communautaire, la composition de la commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI), la question de la rationalisation des périmètres, l'équilibre à trouver en matière de pouvoirs du préfet, le calendrier… Sans oublier un point jugé essentiel par l'ADCF : celui de l'urbanisme. Alors que la version de l'avant-projet de loi, dévoilée en juillet dernier, prévoyait le transfert des plans locaux d'urbanisme (PLU) aux intercommunalités de plus de 30.000 habitants, il y a finalement eu marche arrière sur cette disposition.
Quant aux métropoles… "Par rapport aux ambitions initiales, qu'est-ce qui reste ? Dans le texte de la commission des lois, ce qui reste, c'est une simple communauté urbaine améliorée de 450.000 habitants", regrette Daniel Delavaux. Sur tous ces sujets, l'ADCF a donc préparé et déjà déposé un certain nombre d'amendements et compte bien "peser sur les débats, auprès des parlementaires", pour retrouver le "souffle initial" du projet… et, au moins, pour s'assurer que la réforme n'était pas "guidée par le seul souci d'économies budgétaires ni par des préoccupations électoralistes".

Claire Mallet