Finances - Le PLF définitivement adopté... et modifié in extremis sur la taxe professionnelle
Le Parlement a définitivement adopté vendredi 18 décembre en fin de journée le projet de loi de finances 2010 lors d'un ultime vote du Sénat (178 voix pour, 155 contre), après celui de l'Assemblée nationale en fin de matinée. Les deux chambres se prononçaient sur le texte de compromis élaboré par la commission mixte paritaire (CMP), au terme d'un débat nourri de pas moins de huit heures. Mais le gouvernement a ensuite en partie modifié ce texte, in extremis, par une grosse poignée d'amendements. Des amendements dont la plus grande partie concernent la mesure phare de ce texte... à savoir la suppression de la taxe professionnelle.
Vendredi, le ministre du Budget, Eric Woerth, est venu expliquer aux députés puis aux sénateurs que les 32 amendements gouvernementaux liés à la taxe professionnelle s'inscrivaient bien "dans le prolongement du travail de synthèse" réalisé par la CMP et étaient des "aménagements limités". "Concernant le volet relatif aux finances locales, les modifications que nous proposons sont un peu plus substantielles", a-t-il toutefois concédé.
La première retouche imposée par le gouvernement concerne le mode de calcul de la compensation relais pour 2010 : chaque collectivité bénéficiera de la compensation la plus favorable entre le produit 2009 et les bases 2010, multiplié par le taux 2009, dans la limite du taux 2008 majoré de 1% - et non pas de 1,2% comme cela avait été retenu en CMP. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, l'a regretté, lançant à l'adresse d'Eric Woerth : "C'est un peu gagne-petit, mais que voulez-vous... Nous avons essayé ensemble et nous avons reçu le petit coup de règle."
L'une des modifications les plus importantes concerne la répartition territoriale de la future cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE, qui avait au départ été baptisée "cotisation complémentaire") entre régions et départements, le gouvernement ayant souhaité, dit-il, obtenir "un équilibre entre la nécessaire territorialisation de l'impôt et l'objectif de mutualisation". Résultat : alors qu'en CMP, les parlementaires avaient finalement opté pour une territorialisation complète de la CVAE que toucheront les régions et les départements, le gouvernement a réintroduit un mécanisme de collecte nationale pour le quart de cette CVAE. Ceci, via la création de "deux fonds de péréquation – l'un régional, l'autre départemental – afin de répartir le quart du produit de la taxe en fonction des critères de mutualisation proposés par le Sénat, à savoir, pour les départements, les minima sociaux, la voirie et la population ; pour les régions, la population, le nombre de lycéens et la densité". Selon Eric Woerth, "l'adéquation des ressources aux besoins sera mieux assurée, notamment pour les territoires ruraux". En notant une différence par rapport à ce qu'avaient initialement envisagé les députés : "Seuls les départements et les régions dont le potentiel fiscal ou financier dépasse la moyenne nationale" seront "mis à contribution."
L'Association des régions de France (ARF) ne semble guère convaincue... Elle estime que "cette nouvelle modification vient aggraver un peu plus la situation financière des collectivités locales et notamment des régions", dans la mesure où "ne pas territorialiser l'impôt économique conduit à ne pas créer les conditions du dynamisme économique nécessaire à la croissance et à la défense de l'emploi". Et l'ARF de conclure, dans un communiqué diffusé ce lundi 21 décembre : "Pourquoi renationaliser un quart de la part de cette cotisation initialement destinée aux départements et aux régions ? C’est pour mieux asphyxier les collectivités puisqu'elles dépendront désormais du bon vouloir du gouvernement pour répartir cette recette fiscale." On sait par ailleurs que l'ADF s'était réjouie de la version adoptée en CMP... et devrait donc elle aussi regretter ce virage partiel.
Didier Migaud, président PS de la commission mixte paritaire, a estimé que "ce n’est jamais une bonne méthode que de présenter des amendements après une CMP". Côté Sénat, même pour Philippe Marini, "constater que le gouvernement revenait sur certaines dispositions que nous pensions avoir arbitrées nous a fait un peu mal au cœur". Mais les sénateurs savent qu'ils peuvent se rassurer grâce aux clauses de revoyure qu'ils ont inscrites dans le projet. Ce qui a permis à Philippe Marini de conclure en ces termes : "Ce n'est pas nécessairement très grave puisqu'une grande partie de la réforme n'est pas applicable en 2010. De nombreux rendez-vous et clauses de revoyure nous permettront de tirer au net ces différentes rédactions."
C.M.