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Conférence des déficits - L'Etat va répartir ses dotations en fonction de la "bonne gestion" des collectivités

L'idée un temps envisagée d'instaurer une norme de dépense pour les collectivités est abandonnée. Mais les dotations seront réparties en fonction de "critères de bonne gestion", ce qui fera sans doute bondir les élus locaux soucieux du respect de la libre administration des collectivités. Le gel des dotations est confirmé.

Le gouvernement va associer les collectivités locales à l'effort qu'a engagé l'Etat pour réduire les déficits et la dette publique. Il va le faire essentiellement au travers de quelques mesures phares dévoilées par le président de la République à l'issue, le 20 mai, de la conférence des déficits publics qui a réuni au Palais de l'Elysée les représentants de l'Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales - à l'exception des représentants des départements et des régions, de même que du secrétaire général de l'Association des maires de France qui avaient décidé de boycotter la rencontre par refus de porter la responsabilité des déficits.
L'annonce du gel en valeur des dotations de l'Etat aux collectivités locales - quelque 51 milliards d'euros au total - est logique dans la mesure où l'Etat va appliquer une règle de stabilité en valeur à l'ensemble des composantes de son budget. En outre, elle était attendue, depuis que Gilles Carrez, président du groupe de travail sur la dépense locale, avait lui-même suggéré cette orientation, il y a déjà deux semaines. Le rapport final remis ce 20 mai par Gilles Carrez précise à ce sujet que le gel absolu des concours financiers de l'Etat aux collectivités ne devrait pas concerner "la compensation d'éventuels nouveaux transferts de compétences", de même qu'il ne devrait pas impacter le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), lequel s'apparente au "remboursement de la TVA payée par les collectivités sur leurs achats" et non à "une dotation de l'Etat stricto sensu". En ce qui concerne l'évolution des dégrèvements d'impôts payés par l'Etat, le rapport suggère une règle beaucoup moins favorable qu'aujourd'hui : les hausses de taux votées par les collectivités ne seraient plus prises en charge par l'Etat mais par la collectivité elle-même. En revanche, pour les bases fiscales, rien ne changerait.

 

"Effets pervers"

L'idée d'instaurer un objectif annuel de dépense locale, à l'instar de celui qui existe pour les dépenses de santé (l'Ondam) était au départ envisagée assez sérieusement par le gouvernement. Celui-ci ne l'a finalement pas retenue, ce qui satisfera les élus locaux, particulièrement hostiles à cette mesure. Le groupe de travail sur la dépense locale auquel ont participé les associations d'élus locaux avait banni toute disposition de ce genre, pointant leur inadaptation et leur inefficacité certaines. Mais le gouvernement a retenu le principe d'une "modulation" des dotations "selon des critères de bonne gestion". Pour le chef de l'Etat, le but est d'"encourager les collectivités locales à réduire leurs dépenses dans les mêmes proportions que l'Etat". Le gouvernement devra étudier les modalités de cette mesure "en lien avec le Parlement et les associations d'élus". Ce qui, en réalité, ne s'annonce pas simple. Très sceptique, le groupe de travail présidé par Gilles Carrez lance, dans son rapport, un avertissement : "Outre sa complexité, le dispositif suppose (…) que l'on établisse un critère valable de 'bonne gestion'. Or, de nombreux effets pervers peuvent se présenter, une baisse des dépenses pouvant fort bien résulter de facteurs exogènes étrangers à une amélioration de la gestion (…)."
Philippe Laurent, président de la commission finances de l'Association des maires de France, est lui aussi très sceptique : "Personne ne peut définir ce que sont vraiment les critères de bonne gestion en gestion publique locale. Pour ma part, je n'en connais que deux, poursuit le maire de Sceaux : le respect des textes législatifs régissant les équilibres budgétaires d'une part, et les résultats de l'élection au suffrage universel des assemblées locales d'autre part. Tout le reste est affaire de choix politiques, qui, en France, sont effectués par des responsables démocratiquement élus."
L'annonce par le président de la République d'un renforcement de la péréquation au sein de l'enveloppe des concours de l'Etat aux collectivités sera quant à elle sans doute bien accueillie par les élus locaux. "C'est un élément extrêmement important, qui fédère toutes les collectivités", a réagi Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France. La péréquation devra être renforcée en "particulier au niveau des communes et des intercommunalités", a précisé le chef de l'Etat. C'est à ce niveau que les écarts de richesses sont les plus grands. Le gouvernement compte encore sur le renforcement de la péréquation pour traiter les difficultés financières des "départements ruraux, dont la base fiscale est limitée et à forte proportion de personnes âgées". La question sera "examinée en priorité dans le cadre de la réforme de la dépendance". Le relevé de conclusions de la conférence ne dit rien de plus au sujet des finances des départements, alors que le rapport de Gilles Carrez insiste sur l'urgence à agir et prévient précisément que le seul renforcement de la péréquation ne suffira pas, des arbitrages nationaux devant être pris concernant le secteur social.

 

Moratoire sur les normes

Avec le renforcement de la péréquation, les élus locaux se féliciteront des annonces concernant l'encadrement des normes réglementaires imposées aux collectivités. "Un moratoire sera appliqué "immédiatement" et le rôle de la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) sera "renforcé". L'instance mise en place en 2008 aura notamment la possibilité d'examiner les normes existantes ("le stock"), alors que ses attributions actuelles limitent son intervention à l'expertise des nouvelles normes ("le flux").
"D'autres mesures permettront d'accompagner les collectivités dans la maîtrise de leurs dépenses", précise l'Elysée, qui évoque "en particulier, des outils de comparaison et d'étalonnage des dépenses et des coûts entre collectivités". Il ne faudrait pas que ces outils mettent à jour des "coûts standards", analyse le rapport de Gilles Carrez, mais plutôt qu'ils "permettent de comparer les coûts réels constatés" par types de services publics.
Les annonces du président de la République se fondent entre autres sur le rapport "sur la situation des finances publiques" remis par Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'Insee, et Paul Champsaur, président de l'Autorité de la statistique publique. Selon ce rapport, la croissance des dépenses locales a été "très rapide" et a été due ces dernières années "tout autant à une dynamique propre qu'à des transferts de compétences". Et le rapport de conclure : "L'essentiel du déficit, comme la hausse de la dette, est au niveau de l'Etat. Le dynamisme de la dépense relève en revanche plutôt de la sécurité sociale et des collectivités locales."

 

Thomas Beurey / Projets publics