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Développement durable - Le Sénat boucle l'examen du projet de loi Grenelle 1

Les sénateurs ont achevé le 6 février l'examen article par article du projet de loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dit Grenelle 1. Au total, ils ont adopté plus de 260 amendements. Le vote solennel sur le texte intervient ce 10 février. Les députés se saisiront ensuite du texte en deuxième lecture.

C'est finalement avec une semaine de retard que prend fin l'examen en première lecture du projet de loi Grenelle 1 au Sénat. Ce 10 février à partir de 16 heures, la séance publique sera consacrée aux explications de vote puis au vote solennel sur l'ensemble du texte. Le 6 février, les sénateurs ont achevé l'examen des différents articles. Sur un total de 830 amendements, ils en ont adopté quelque 260 dont un certain nombre défendus par l'opposition.
Le rythme des débats s'est accéléré le 5 février avec l'examen de chapitres importants : l'agriculture durable, la gestion intégrée de la mer et du littoral, la prévention des risques pour l'environnement et la santé et la prévention des déchets.

 

Limiter l'artificialisation des terres agricoles

A l'article 28 fixant les objectifs et les axes d'action de l'agriculture en matière environnementale, Daniel Soulage (Union centriste, Lot-et-Garonne) a obtenu l'ajout d'une phrase indiquant qu'"il est indispensable de préserver les surfaces agricoles, notamment en limitant leur consommation et leur artificialisation". Pour le sénateur, "il est urgent de mener une politique de protection des terres agricoles car chaque année 60.000 hectares de terres cultivables sont perdus" et "l'artificialisation est difficilement réversible". Le Sénat a par ailleurs voté un amendement de Didier Guillaume, sénateur socialiste de la Drôme, concernant l'agriculture biologique. Le texte indique désormais que "l'Etat favorisera la production et la structuration de cette filière pour que la surface agricole utile en agriculture biologique atteigne 6% en 2012 et 20% en 2020". Les sénateurs ont aussi ajouté un article 28 bis qui indique qu'"un plan d'urgence en faveur de la préservation des abeilles sera mis en place en 2009 et s'appuiera notamment sur une évaluation toxicologique indépendante relative aux effets, sur les abeilles, de l'ensemble des substances chimiques".
Concernant la gestion durable de la mer et du littoral (article 30), le Sénat a voté un amendement présenté par Roland Courteau (PS, Aude) précisant que "toutes les mesures seront mises en oeuvre pour renforcer la lutte contre les pratiques illégales et réduire à la source et prévenir les pollutions maritimes, y compris les macro déchets et déchets flottants, les dégazages et déballastages, et les espèces exotiques envahissantes, notamment dans les zones portuaires et les zones de protection écologique". Enfin, "des mesures seront également prises pour réduire l'impact sur la mer des activités humaines venant du continent", précise le texte.

 

Des conseillers en environnement intérieur

Au chapitre environnement et santé, le deuxième plan national Santé Environnement (article 32) devra comporter "un plan destiné à réduire les rejets des substances les plus préoccupantes, au sens du règlement (CE) 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 dit règlement Reach. Les sénateurs ont ajouté à la liste des substances les plus préoccupantes "le trichloroéthylène, les perturbateurs endocriniens, le perchloroéthylène", ce dernier étant notamment utilisé par les entreprises de nettoyage.
Pour lutter contre la pollution de l'air intérieur (article 35), le Sénat a adopté un amendement d'Esther Sittler (UMP, Bas-Rhin) proposant la création dans chaque département de postes de "conseillers en environnement intérieur chargés d'identifier les diverses sources d'allergènes et de polluants au domicile de personnes affectées".
Les sénateurs ont supprimé l'article 36 bis introduit par les députés. Ce texte proposait de remplacer le système de déclaration préalable par un régime d'autorisation par le maire ou le président de l'intercommunalité compétent lors de l'installation, du remplacement ou de la modification "des dispositifs ou matériels qui supportent de la publicité". Pour Bruno Sido, sénateur de la Haute-Marne et rapporteur du texte, ce système risquait "de poser problème aux maires sans régler les problèmes" liés aux nuisances des panneaux publicitaires.

 

Mise en place prochaine d'un bureau d'information sur les antennes relais

A propos de la surveillance des risques émergents (article 37), le Sénat a repoussé le débat public sur l'"utilisation des substances à l'état nanoparticulaire" à fin 2009 au lieu du 31 mars 2009. Le texte précise aussi que l'Agence française de sécurité sanitaire et de l'environnement et l'Agence nationale des fréquences rendront publics les résultats des mesures effectuées par les opérateurs de réseau émettant des ondes électromagnétiques. La secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Chantal Jouanno, a également précisé qu'un bureau d'information sur les antennes-relais sera mis en place " dès le deuxième semestre de 2009" à destination des collectivités locales. Elle a également évoqué l'organisation prochaine d'un "Grenelle des antennes", pour faire suite au récent arrêt de la cour d'appel  de Versailles condamnant Bouygues Télécom à démonter une antenne relais.
Dans le cadre du renforcement de la prévention des risques majeurs (article 39), les sénateurs ont ajouté la nécessité de réduire "l'exposition des populations au risque de tsunami par la mise en place d'un centre national d'alerte".
Les sénateurs ont aussi modifié le deuxième alinéa de l'article 40 consacré aux moyens budgétaires devant être alloués aux actions visant à améliorer l'environnement et la santé. Résultant d'un amendement des députés, ce texte indiquait que "l'Etat veillera à ce que les communes ou EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) touchés par les contraintes d'urbanisme engendrées par la présence de sites à fort impact environnemental puissent bénéficier, avec leurs exploitants, de relations partenariales étroites pour l'aménagement de ces territoires". Pour Bruno Sido, il était "peu compréhensible" et "satisfait par le droit en vigueur".

 

Ordures ménagères : une réduction de 7% par habitant sur 5 ans

Concernant la politique de réduction des déchets (article 41), les sénateurs ont réécrit la hiérarchie du traitement des déchets afin de faire référence à la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008. Ils ont également préféré fixer un objectif de réduction de production des ordures ménagères et assimilées exprimé en pourcentage plutôt qu'en valeur absolue. Au lieu de "5 kilogrammes par habitant et par an pendant les cinq prochaines années", le texte indique "7% par habitant pendant les cinq prochaines années". Le gouvernement devra aussi présenter dans un délai de trois mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi des propositions "visant à harmoniser les indicateurs français mesurant les performances en matière de traitement des déchets avec ceux des pays de l'Union européenne". Pour justifier cette mesure, Bruno Sido a indiqué que "le mode de calcul du recyclage est plus pénalisant en France qu'en Allemagne". 
Un amendement précise que "l'augmentation de la fiscalité sur les installations de stockage et d'incinération doit être modulée en fonction des performances environnementales et énergétiques des installations" et un autre indique que "le produit de cette fiscalité bénéficiera prioritairement au financement d'actions concourant à la mise en oeuvre de la nouvelle politique des déchets, en particulier en termes de prévention et de recyclage et devra, au plus tard fin 2015, avoir été intégralement affecté à cette politique". Le Sénat a ramené à 5 ans (au lieu de 10) le délai pour que la Reom (redevance d'enlèvement des ordures ménagères) et la Teom (taxe d'enlèvement des ordures ménagères) intègrent, dans l'habitat individuel, "une part variable pouvant prendre en compte la nature, le poids, le volume ou le nombre d'enlèvements des déchets". Pour l'habitat collectif, le délai reste de 10 ans. "Le recouvrement et le quittancement de la part variable de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères s'effectueront dans les conditions actuelles fixées par l'article 1641 du Code général des impôts", précise encore le texte.

 

Contrôle renforcé sur les éco-organismes

Le Sénat a voté en faveur de la création d'"une instance de médiation et d'harmonisation des filières agréées de collecte sélective et de traitement des déchets". Comme prévu suite à l'affaire des placements à risques d'Eco-Emballages, les sénateurs ont adopté un amendement précisant qu'"un censeur d'Etat assistera aux réunions du conseil d'administration des éco-organismes agréés et pourra demander communication de tout document lié à la gestion financière de l'éco-organisme". "Tout éco-organisme ne pourra procéder qu'à des placements financiers sécurisés dans des conditions validées par le conseil d'administration après information du censeur d'Etat", ajoute le texte.
Les "nouveaux outils de traitement thermique et les nouvelles installations de stockage situées en métropole" devront privilégier "une autonomie de gestion des déchets produits dans chaque département ou à défaut dans les départements contigus afin de respecter le principe de proximité en s'adaptant aux bassins de vie". Pour l'auteur de cet amendement, Dominique Braye (UMP, Yvelines), il s'agit de "privilégier le principe de proximité et le principe de responsabilité des territoires dans la gestion des déchets, en tenant compte des conditions locales afin d'optimiser le transport des déchets".
Les sénateurs ont réécrit le dernier alinéa de l'article 41 concernant le renforcement de la planification locale pour en préciser les dispositions. La nouvelle rédaction du texte prévoit ainsi un renforcement de la planification, notamment par "l'obligation de mettre en place des plans de gestion des déchets issus des chantiers des bâtiments et travaux publics et d'effectuer un diagnostic préalable aux chantiers de démolition ; un soutien aux collectivité territoriales pour l'élaboration des plans locaux de prévention de la production de déchets afin d'en favoriser la généralisation ; la révision des plans élaborés par les collectivités territoriales afin d'intégrer les objectifs du présent article et de définir les actions nécessaires pour les atteindre".
Pour clore le chapitre déchets, les sénateurs ont supprimé l'article 41 bis qui permettait aux collectivités territoriales d'exonérer de taxe foncière les entreprises raccordées à une unité de traitement des déchets pour couvrir leurs besoins en énergie thermique.Selon Bruno Sido, cette mesure introduite par l'Assemblée nationale n'avait pas vraiment sa place dans une loi de programme. En outre, a-t-il fait valoir, "je ne suis pas certain que ce soit un cadeau à faire aux collectivités dans la mesure où la disposition n'est pas compensée".

 

Un portail pour accéder aux informations environnementales des autorités publiques

Le 6 février, les sénateurs ont achevé l'examen du texte par les dispositions concernant l'Etat exemplaire, la gouvernance et l'outre-mer. A l'article 44 qui traite du rôle des collectivités en matière de développement durable, le groupe socialiste a obtenu que l'Etat étudie, "en accord avec le droit communautaire, le moyen de renforcer la possibilité offerte par le Code des marchés publics de prendre en compte l'impact environnemental des produits ou des services liés à leur transport". L'Etat devra par ailleurs permettre aux collectivités de "valoriser leurs certificats d'économie d'énergie".
Au sujet des informations et enquêtes publiques en matière environnementale (article 45), Marie-Christine Blandin (Les Verts, Nord) a obtenu, avec le soutien de Bruno Sido et du ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, la mise à l'étude "d'une instance propre à assurer la protection de l'alerte et de l'expertise afin de garantir la transparence, la méthodologie, la déontologie des expertises. Elle pourra constituer une instance d'appel en cas d'expertises contradictoires et pourra être garante de l'instruction des situations d'alerte". Le rapporteur du texte a de son côté ajouté que l'Etat "mobilisera ses services et ses établissements publics pour créer un portail aidant l'internaute à accéder aux informations environnementales détenues par les autorités publiques ou à participer, le cas échéant, à l'élaboration de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement".
Par ailleurs, l'alinéa de l'article 45 relatif au projet de rocade structurante par métro automatique en Ile-de-France a été supprimé. Le texte introduit par les députés prévoyait de limiter "à une durée maximale définie par décret" les procédures d'enquête publique et d'expropriation, les procédures liées à la sécurité des transports guidés ainsi que les procédures de recours. Mais pour Bruno Sido, il s'agissait là d'une mesure "inconstitutionnelle", le délai relevant de la loi. Jean-Louis Borloo a pris "acte de la difficulté juridique mais il s'agissait de faire face à une vraie difficulté sur les équipements structurants". "La concertation doit être faite intégralement : cette disposition répond à une inquiétude des élus des zones urbaines, des élus franciliens notamment ", a poursuivi le ministre, indiquant qu'il reviendra devant le Parlement "avec un texte ad hoc".

Anne Lenormand

 

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