Développement durable - Les députés ont bouclé l'examen du projet de loi Grenelle 1
Comme prévu, les députés ont achevé tard dans la nuit du 17 au 18 octobre l'examen du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dit Grenelle 1. Le vote solennel sur le texte doit intervenir mardi 21 octobre dans l'après-midi. "Après un an de travail, c'était le temps du parlement. Il a été à la hauteur du Grenelle", a déclaré le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, à l'issue des débats. "Ce texte, qui est absolument essentiel pour l'avenir, est un très grand texte", a-t-il ajouté, estimant qu'aucun amendement introduit par les députés "n'a été un recul par rapport au Grenelle d'il y a un an, tous ont été ou une précision ou une avancée".
Au cours des deux dernières séances du 17 octobre, les députés ont adopté les articles 19 à 48 du projet de loi, soit les dispositions relatives à la recherche, à la biodiversité, à l'eau, à l'agriculture, à la mer et au littoral, à la prévention des risques pour l'environnement et la santé, aux déchets, à l'"Etat exemplaire", à la gouvernance, à la formation et à l'information.
Dans le domaine de la recherche pour le développement durable, les députés ont ajouté aux priorités de l'"effort national de recherche" la "production d'énergie solaire photovoltaïque à partir de couches minces" et "l'énergie des mers et toutes les ressources de la géothermie à différentes profondeurs". La mise en réseaux des laboratoires de recherche concernera notamment "le stockage électrochimique de l'énergie et les batteries, les composants électroniques de puissance, les chaînes de traction hybrides et électriques, l'éco-construction, la réhabilitation des sols pollués et la modélisation de la ville".
En matière de formation, les députés ont ajouté que des "actions accrues" dans les différents cursus éducatifs et auprès des milieux professionnels viseront en particulier les métiers du recyclage. Les technologies du traitement des déchets et du recyclage ont en outre été incluses dans les domaines visés par le milliard d'euros supplémentaires que l'Etat s'engage à mobiliser d'ici à 2012 en matière de recherche sur le développement durable.
Une compensation des atteintes à la biodiversité
Les députés ont largement réécrit l'article 20 du projet de loi portant sur la biodiversité. Plutôt que d'"arrêter la perte de biodiversité", ils ont mis en avant la nécessité de la "maintenir" et de la "développer". Lorsqu'il n'existe pas d'autre solution que la réalisation d'un programme ou d'un projet susceptible de nuire à la biodiversité, ils on adopté le principe d'"une compensation visant à rétablir les effectifs des espèces ou variétés menacées et les superficies des milieux auxquels il a été porté atteinte". Au-delà des espaces protégés, cette mesure s'appliquera à la trame verte et bleue, nouvel outil d'aménagement du territoire qui permettra de créer des continuités territoriales, sur la base d'une contractualisation entre l'Etat, les collectivités territoriales et les parties concernées, prévoit le projet de loi. Dans un communiqué commun, les associations écologistes France Nature Environnement, la Ligue pour la protection des oiseaux et la Ligue ROC ont pris "acte avec satisfaction du vote par les députés" de ces objectifs "fondamentaux pour la protection de la nature".
Les députés ont aussi cherché à renforcer le caractère opposable de la future trame verte et bleue en faisant en sorte qu'elle soit "prise en compte" et non plus seulement "insérée" dans les documents d'urbanisme et les schémas d'infrastructure, de même que par la fiscalité locale. Six mois après la publication de la loi, les députés ont souhaité que sur la base d'un audit il soit fait état des mesures fiscales défavorables à la biodiversité et que l'Etat propose "de nouveaux outils permettant un basculement progressif vers une fiscalité mieux adaptée aux enjeux environnementaux".
Eau potable : mieux protéger les captages
Dans le domaine de l'eau (articles 24 à 27), un nouvel objectif a été voté, en plus de celui de "bon état écologique des eaux". Il s'agit de "garantir l'approvisionnement durable en eau de bonne qualité propre à satisfaire les besoins essentiels des citoyens" et de promouvoir "des actions visant à limiter les prélèvements et les consommations d'eau". A propos des phosphates dans les lessives, les députés ont supprimé l'exemption d'interdiction visant les produits destinés au lavage industriel de vaisselle. Une action spécifique sera lancée pour généraliser la détection des fuites dans les réseaux et programmer les travaux nécessaires, indique encore la nouvelle version du texte. Sur les périmètres de captage d'eau potable, il est aussi prévu de donner la priorité "aux surfaces d'agriculture biologique et d'agriculture faiblement utilisatrice d'intrants". Autre nouveauté introduite par les députés : l'instruction des demandes de permis de construire devra prendre en compte les modalités d'assainissement des eaux usées. "A cet effet, le service public d'assainissement non-collectif pourra être sollicité", précise le texte. L'Etat devra aussi s'engager à veiller "au maintien des fonctions hydrologiques, de la dynamique fluviale et des zones de mobilité naturelles des cours d'eau".
En matière agricole, les députés ont ajouté une disposition visant à ce que la restauration collective favorise, outre les produits issus de l'agriculture biologique, les "produits saisonniers à faible impact environnemental". Ils ont aussi complété l'article 29 concernant la filière sylvicole en préconisant notamment une augmentation du taux minimum d'incorporation de bois dans la construction et la mise en place d'un label.
Des panneaux publicitaires soumis à autorisation du maire
Concernant les dispositions touchant à la santé, les députés ont intégré les résidus médicamenteux au plan destiné à réduire les rejets des substances les plus préoccupantes dans l'environnement. Ils souhaitent que l'interdiction des produits phytopharmaceutiques et biocides contenant des substances "classées comme extrêmement préoccupantes pour la santé" pour les usages non-professionnels ainsi que dans les lieux publics soit effective dans les six mois suivant la publication de la loi. Pour diminuer la pollution visuelle due aux panneaux publicitaires, les députés ont proposé que leur installation, leur remplacement ou toute autre modification soient soumis à l'autorisation préalable du maire ou du président de l'établissement de coopération intercommunale compétent "dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat". Concernant les risques liés aux ondes électromagnétiques, les députés ont réclamé la mise en place de "dispositifs de surveillance" de ces ondes par les opérateurs de réseau. Pour lutter contre les sites illégaux de stockage de déchets, les députés ont demandé à l'Etat de renforcer ses actions ainsi que les sanctions administratives et pénales prévues par le code de l'environnement. Pour réduire l'exposition des populations au risque d'inondation, les députés ont préconisé "la création de zones enherbées ou plantées associées aux zones imperméabilisées".
Déchets : priorité à la réduction
Dans le domaine des déchets, la politique de réduction est la "priorité qui prévaut sur tous les modes de traitements", ont tenu à préciser les députés qui ont ajouté que "la réutilisation, le tri, la valorisation matière et le recyclage seront encouragés et facilités en tant que modes prioritaires de gestion des déchets". "Le traitement des déchets résiduels doit être réalisé prioritairement par la valorisation énergétique dans des installations dont les exigences environnementales seront renforcées et, à défaut, pour les déchets ultimes non valorisables, par l'enfouissement", ont-ils ajouté.
Un article additionnel défendu par le rapporteur du projet de loi, le député UMP de Seine-et-Marne, Christian Jacob, prévoit la possibilité pour les communes et les EPCI dotés d'une fiscalité propre d'exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties, pendant 5 ans, "les immeubles affectés à une activité entrant dans le champ d'application de la taxe professionnelle qui se raccordent à une unité de traitement des déchets pour couvrir tout ou partie de leurs besoins en énergie thermique". Les députés communistes, au premier rang desquels André Chassaigne, ont obtenu que la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (Reom) et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom) intègrent "dans un délai de dix ans une part variable pouvant prendre en compte le poids des déchets et leur nature".
Au chapitre gouvernance, les députés ont ajouté à l'article 44 concernant les collectivités territoriales la nécessité de mettre en place des formations au développement durable et à la protection de l'environnement pour les agents territoriaux. Pour les enquêtes publiques, le texte prévoit désormais que "les différentes procédures seront regroupées pour en harmoniser les règles" et que "le recours à une enquête unique ou conjointe sera favorisé en cas de pluralité des maîtres de l'ouvrage ou de réglementations distinctes". Enfin, en matière d'information des particuliers et des professionnels du bâtiment, les députés demandent à l'Etat d'"améliorer la qualité et le contenu du diagnostic de performance énergétique".
Anne Lenormand