Développement durable - Grenelle 1 : urbanisme et transports de marchandises au programme du Sénat
Les sénateurs ont examiné le 29 janvier les dispositions du projet de loi Grenelle 1 en matière d'urbanisme et de transport de marchandises.
Dans le domaine de l'urbanisme, les sénateurs ont précisé à l'article 7 que les plans climat-énergie territoriaux des régions, des départements et des communes et groupements de plus de 50.000 habitants, qui doivent être réalisés avant 2012, soient élaborés "après concertation avec les autres autorités compétentes en matière d'énergie, de transports et de déchets". Pour lutter contre la régression des surfaces agricoles et naturelles, ils ont adopté un amendement défendu par Thierry Repentin, sénateur PS de Savoie, demandant que dans les six mois suivant la promulgation de la loi Grenelle 1, une étude "sur la réforme de la fiscalité et sur les incitations possibles pour limiter l'extension du foncier artificialisé" soit effectuée.
Ils ont par ailleurs supprimé l'article 8 bis, introduit par l'Assemblée nationale en première lecture. Ce texte prévoyait la possibilité pour les collectivités territoriales d'étendre la participation pour voirie et réseaux au financement des transports collectifs. Bruno Sido, sénateur UMP de Haute-Marne et rapporteur du texte, a jugé que la solution apportée par les députés n'était pas "pertinente" en raison d'un problème d'assiette. En effet, a-t-il expliqué, cette participation "s'applique aux terrains situés jusqu'à 80 mètres de l'axe de transport, soit ceux qui subissent les nuisances liées au bruit et à la fréquentation, et non aux biens situés entre 100 et 500 mètres de l'axe de transport, les plus valorisés par la présence de l'infrastructure".
Un rapport sur les nouvelles pistes de financement des infrastructures
Concernant les principes de la politique des transports (article 9), les sénateurs ont voté un amendement défendu par Bruno Sido précisant que le développement des voies routières doit avoir un impact limité sur l'environnement en général et pas seulement sur les riverains. Ils ont aussi adopté une autre proposition du rapporteur du texte demandant au gouvernement de présenter au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, un rapport traitant des différents dispositifs permettant de financer les grands projets d'infrastructures de transport. Le rapport devra porter non seulement sur le "fonds de capitalisation" souhaité par les députés, a insisté Bruno Sido, mais également sur "différentes mesures envisageables : lancer des emprunts populaires au niveau national pour des projets emblématiques ; transformer la Caisse nationale des autoroutes en Caisse nationale des infrastructures chargée d'émettre des obligations ; créer un livret ad hoc, défiscalisé et rémunéré au même taux que le livret A (...) ; asseoir les retraites des Français sur des obligations liées à des projets d'infrastructures de transport dont le taux d'intérêt serait faible mais garanti". Ce "patriotisme des retraites" éviterait selon Bruno Sido "une mainmise des fonds souverains étrangers sur nos infrastructures de transport". Le Sénat a aussi voté un amendement signé par une cinquantaine de députés UMP selon lequel "les projets permettant d'achever les grands itinéraires largement engagés seront menés à bonne fin dans les meilleurs délais et dans le respect de normes environnementales conformes au développement durable". Jacques Muller, sénateur Vert du Haut-Rhin s'est opposé à cette mesure "non grenello-compatible" à ses yeux. Mais d'autres élus ont fait part de leur attachement au mode routier comme moyen de désenclaver leurs territoires.
En matière de transport des marchandises (article 10), les sénateurs ont supprimé une disposition adoptée par l'Assemblée nationale prévoyant d'étudier "un dispositif d'avances remboursables sur crédits carbone (...) pour faciliter le démarrage des projets innovants". Pour éviter de détourner le fret non-routier vers l'aérien, les sénateurs ont souhaité préciser qu'il faudra faire évoluer la part de marché du non-routier "et non-aérien" de 14% à 25% à l'échéance 2022. L'objectif de croissance du marché du fret non-routier "et non aérien" sera calculée sur la base de l'activité fret enregistrée en 2006.
Priorité à la régénération du réseau ferroviaire
Selon un amendement défendu par Bruno Sido, la priorité de la politique en matière ferroviaire devra d'abord s'appuyer sur "la régénération du réseau puis sur sa modernisation". Dans cette optique, une "cartographie des points de saturation et de ralentissement du réseau ferroviaire, actuels et prévisibles à l'horizon 2020" devra être établie avant la fin 2009. Elle déterminera en outre les tronçons de lignes qui ne sont pas encore électrifiées. Les sénateurs ont aussi adopté un amendement présenté par Claude Biwer (Union centriste, Meuse) prévoyant que les 400 millions d'euros dédiés à la régénération ferroviaire "notamment" aux "dépenses d'investissement et de fonctionnement sur les lignes qui jouent un rôle réel de désenclavement".
Pour les autoroutes ferroviaires, les sénateurs visent un objectif de transfert de 2 millions de camions sur leurs itinéraires puis dans une dernière phase de "l'intégralité du trafic".
La conservation des emprises des lignes ferroviaires désaffectées sera aussi favorisée, "afin de permettre la mise en place ultérieure d'un système de transports de marchandises, de transports en commun ou de transports non motorisés, en concertation avec les autorités organisatrices de transports et les collectivités territoriales concernées". Le gouvernement devra aussi présenter un rapport au Parlement, au plus tard six mois après la promulgation de la loi, sur l'opportunité d'interdire à partir du 31 décembre 2015 la circulation sur les lignes électrifiées des trains utilisant un mode de propulsion autre qu'électrique.
Le Sénat a ajouté 2015 comme échéance à l'objectif de doubler la part de marché du fret non-routier pour les acheminements à destination et en provenance des ports. Il a ajouté que "la desserte fluviale des ports maritimes sera significativement accrue par un traitement efficace des flux de transports fluviaux, l'optimisation des coûts de manutention, la révision des pratiques fiscales pénalisantes et la réalisation d'infrastructures assurant l'interface entre les voies d'eau et les zones portuaires". En matière de transport fluvial, souhaitent que la poursuite des études nécessaires à la réalisation d'une liaison fluviale à grand gabarit "entre le bassin du Rhône et de la Saône, d'une part et celui du Rhin et de la Moselle d'autre part". Ils demandent aussi à ce que la modernisation des barrages s'accompagne, "lorsque cela est pertinent", de la construction de microcentrales hydro-électriques. Le texte prévoit en outre la remise d'un rapport au Parlement "sur la nécessité de rénovation des barrages manuels du réseau fluvial magistral (...) ainsi que sur la régénération du réseau fluvial à vocation de transport de marchandises et l'effort financier pluriannuel consenti à ce titre par l'Etat".
Modulation de l'éco-taxe sur les poids lourds
Enfin, concernant le transport routier, les sénateurs ont changé l'appellation de l'"éco-redevance" prélevée sur les poids lourds à partir de 2011. Elle devient une "éco-taxe" et à la demande de Didier Guillaume, sénateur socialiste de la Drôme, elle sera modulée sur certains tronçons congestionnés, à l'instar de la vallée du Rhône, afin de reporter le trafic sur des axes moins fréquentés. Des aménagements de la taxe seront prévus "pour éviter un impact économique excessif sur les différents départements au regard de leur éloignement des territoires de l'espace européen". Le projet de loi précise encore que "l'Etat rétrocédera aux collectivités territoriales le produit de la taxe correspondant aux sommes perçues pour l'usage du réseau routier dont elles sont propriétaires, déduction faite des coûts exposés y afférents".
Par ailleurs, le Sénat demande dans les trois mois suivant la promulgation de la loi "un rapport sur les enjeux et les impacts relatifs d'une part à l'autorisation de circulation des poids lourds de 44 tonnes et d'autre part à la réduction de la vitesse à 80 kilomètres/heure pour tous les poids lourds circulant sur autoroute et à leur interdiction de se dépasser sur ces axes ".
Anne Lenormand