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Développement durable - Grenelle 1 : les sénateurs avancent sur les volets transports et énergie

Le Sénat a achevé le 30 janvier l'examen des volets transports et énergie du projet de loi Grenelle 1. Mais il reste encore aux sénateurs plus de 30 articles à examiner en séance à partir du 3 février. Le vote sur l'ensemble du texte, qui devait intervenir ce mardi, sera sans nul doute reporté.
Après le transport des marchandises, les sénateurs ont donc passé en revue l'ensemble des mesures concernant les transports de voyageurs. A l'article 11, posant les principes régissant les transports collectifs, ils ont adopté un amendement défendu par Rémy Pointereau (UMP, Cher) selon lequel les objectifs liés aux transports de personnes tels que la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) devaient être atteints "tout en limitant la consommation des espaces agricoles et naturels". Pour les déplacements interurbains et périurbains, le Sénat a précisé que la priorité sera donnée en matière d'infrastructures "aux investissements ferroviaires par rapport au développement de projets routiers ou aéroportuaires". De plus, pour "rendre plus attractif le transport ferroviaire pour les voyageurs, l'Etat encouragera le développement du service auto-train". Les sénateurs ont aussi ajouté qu'en Guyane, "la possibilité de mise en oeuvre d'une ligne ferroviaire desservant les communes du littoral sera étudiée dans une perspective à la fois de désenclavement et de développement durable".
A propos du programme supplémentaire de lignes ferroviaires à grande vitesse (LGV) déjà à l'étude ou sur le point de l'être, les sénateurs ont apporté plusieurs modifications par rapport au projet adopté par l'Assemblée nationale. Ils ont ainsi précisé que la ligne Paris-Clermont-Ferrand-Lyon passera par Orléans et demandé "un barreau améliorant la desserte du Béarn et de la Bigorre". Ils ont aussi souhaité assouplir la programmation. Ainsi, "si certains projets figurant dans la liste des premiers 2.000 kilomètres [de LGV, NDLR] prennent du retard par rapport à l'échéance 2020 et dès lors qu'un projet figurant dans la liste des 2.500 kilomètres supplémentaires est prêt, ce dernier pourra être avancé à l'horizon 2020 et les travaux correspondants engagés".

 

Une taxe sur la valorisation du foncier résultant des projets de transports

Concernant les transports urbains et périurbains (article 12), le Sénat demande à l'Etat d'étudier "la possibilité que les collectivités territoriales et les autorités organisatrices de transports urbains instituent une taxe sur la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis résultant d'un projet de réalisation d'infrastructures de transports collectifs". Le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, a indiqué que le Premier ministre avait demandé à Gilles Carrez, député UMP du Val-de-Marne et rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée, d'y réfléchir "avant le prochain budget". Il rendra un rapport à ce sujet "avant la fin de l'année", a ajouté le ministre.
Les sénateurs ont aussi voté un amendement du groupe socialiste pour que l'Etat apporte "la sécurité juridique nécessaire au développement du covoiturage". Pour Didier Guillaume, sénateur PS de la Drôme, ce mode de transport "ne pourra pas se développer autant qu'on l'espère si un cadre juridique ne définit pas le régime de responsabilité du conducteur et des passagers, non plus que le statut du tiers organisateur". Le Sénat souhaite également que les collectivités territoriales favorisent la mise en place du "disque vert" en stationnement payant. Cette mesure, défendue par Bruno Sido, sénateur UMP de la Haute-Marne et rapporteur du projet de loi, s'inspire de l'expérience de la ville de Bordeaux. La capitale girondine teste depuis le 1er octobre dernier ce disque vert qui favorise les utilisateurs de véhicules propres en leur accordant une heure et demie de stationnement gratuit. Les véhicules concernés sont ceux qui utilisent le gaz naturel, le gaz de pétrole liquéfié, l'énergie électrique ainsi que les voitures hybrides ou les véhicules d'auto-partage.
Bruno Sido a aussi obtenu que le désenclavement des quartiers prioritaires de la politique de la ville figure parmi les objectifs de développement des transports collectifs et que, de manière générale, l'Etat encourage les collectivités territoriales à "privilégier des projets économes en deniers publics". L'Etat pourra aussi apporter une aide sous forme de prêts bonifiés et "s'engage à accompagner les collectivités dans la mise en place de dispositifs de financements adaptés".
Les sénateurs ont modifié l'article 13 du projet de loi concernant les transports en commun d'Ile-de-France en précisant qu' "il conviendra de rénover le réseau RATP et SNCF francilien, de moderniser le matériel roulant, d'améliorer la ponctualité des trains et les conditions de transport des voyageurs" et qu'"il faudra permettre une information en temps réel, facilement accessible, sur les conditions de trafic sur l'ensemble du réseau, les retards et les suppressions de trains". De son côté l'Etat devra s'engager "à développer des dispositifs de financement spécifiques pour la région francilienne".

 

Suppression de l'allègement de la procédure d'autorisation pour les travaux en ZPPAUP

Bruno Sido a aussi obtenu à l'unanimité de ses pairs la suppression de l'article 13 bis du projet de loi. Introduit par les députés, il prévoyait d'alléger la procédure d'autorisation spéciale pour les travaux effectués dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP). Cet article "n'a pas sa place dans un projet de loi de programme aussi solennel que le Grenelle 1", a justifié le rapporteur du texte. Il a rappelé que les parlementaires avaient déjà supprimé l'avis conforme des architectes des bâtiments de France dans les zones protégées, dans le cadre du plan de relance définitivement adopté le 29 janvier. L'article 13 bis "tendait à assouplir encore plus les procédures et si nous laissons faire, l'exception culturelle à la française ne sera plus qu'un vague souvenir", a déclaré Odette Herviaux, sénatrice PS du Morbihan.
S'il a adopté tel quel l'article 14 qui renouvelle les principes de la politique des transports inscrits dans la Loti (loi d'orientation des transports intérieurs), le Sénat a réécrit intégralement les deux articles 15 et 15 bis relatif au schéma national des infrastructures de transport. Pour Bruno Sido, cette nouvelle rédaction "allège la formulation".

Au chapitre énergie, les sénateurs ont voulu rappeler à l'article 16 portant sur la réduction des consommations que "les objectifs d'efficacité et de sobriété énergétiques exigent la mise en place de mécanismes d'ajustement et d'effacement de consommation d'énergie de pointe". Cela passera notamment par "la pose de compteurs intelligents pour les particuliers, d'abonnement avec effacement des heures de pointe" et implique également "la généralisation des compteurs intelligents afin de permettre aux occupants de logements de mieux connaître leur consommation d'énergie en temps réel et ainsi de la maîtriser". L'Etat devra aussi établir une réglementation thermique spécifique applicable aux collectivités d'outre-mer et tenant compte, s'il y a lieu, des risques sismiques.
Bruno Sido a également obtenu une réécriture complète de l'article 17 consacré aux énergies renouvelables (ENR) "afin de mieux ordonner les dispositions ajoutées par l'Assemblée nationale". Dans cette nouvelle version, le texte précise par ailleurs que l'Etat encouragera également le développement des actions mises en œuvre par les "autorités organisatrices de la distribution d'énergie" qui facilitent la "valorisation des ressources énergétiques locales et de maîtrise des consommations d'énergie". Il indique aussi que "les aérogénérateurs d'une puissance installée inférieure ou égale à 36 kilowattheures" ne seront pas intégrés aux schémas régionaux des énergies renouvelables qui auront en particulier vocation à "déterminer des zones dans lesquelles les parcs éoliens seront préférentiellement construits".
L'article 17 intègre aussi désormais les dispositions de l'article 17 ter qui avait été ajouté par les députés. Il prévoit que "l'Etat étudiera la possibilité d'étendre aux départements et aux régions le bénéfice des tarifs d'achat de l'électricité produite à partir de sources renouvelables".
Par contre les sénateurs ont supprimé purement et simplement l'article 17 bis résultant lui aussi d'un amendement des députés. Il prévoyait de déplafonner la taxe sur le chiffre d'affaires des concessions hydroélectriques au-delà de 25%. Mais pour Bruno Sido, une telle mesure aurait induit "une confusion entre la redevance qui alimente les budgets de l'Etat et des départements et la redevance des comités de bassin sur les prélèvements en eau qui finance la protection des milieux aquatiques". Ce serait aussi selon lui "mettre aux enchères les concessions hydroélectriques lors de leur renouvellement au détriment de l'équilibre entre l'exploitation de la chute hydraulique, l'insertion environnementale, le développement durable..." Le risque serait alors d'"attirer des investisseurs à la recherche d'une rentabilité de court terme alors que la gestion des concessions hydroélectriques exige une vision de long terme".

 

Des carburants pas très bio

Enfin, les sénateurs ont amendé l'article 18 fixant la stratégie nationale en matière de développement des biocarburants en remplaçant ce mot par celui d'agrocarburants, à la demande des sénateurs Verts. Selon Marie-Christine Blandin, sénatrice Verte du Nord, le premier terme "entraîne les habitants dans la confusion" car "ils n'ont vraiment rien de biologique". "Si nous devions remplir nos voitures avec le bioéthanol appelé à tort bio, nous entrerions tellement d'engrais et de pesticides que toutes les nappes phréatiques du Nord et de Picardie deviendraient non-consommables", a-t-elle ajouté. "Cela a le mérite de la clarté", a estimé Charles Pasqua, sénateur UMP des Hauts-de-Seine, qui a voté l'amendement. "Pour l'instant, on a un terme unique et il vaut mieux le garder même si je le trouve effectivement un peu discutable", a répondu Jean-Louis Borloo en émettant un avis défavorable à l'amendement.

Anne Lenormand