Le projet de loi Avenir professionnel adopté par les députés
Le projet de loi Avenir professionnel a été adopté le 19 juin 2018 en première lecture par l'Assemblée nationale. Plus de 200 amendements sur les 2.000 déposés ont été adoptés, notamment sur la réforme de l'apprentissage et la formation professionnelle. Le texte doit maintenant passer au Sénat, dès le 27 juin.
Le projet de loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel" a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 19 juin 2018 par 349 voix contre 171. Objectif du texte : réformer en profondeur les systèmes de formation professionnelle et d'apprentissage et, dans une moindre mesure, l'assurance-chômage. Plus de 2.000 amendements au projet avaient été déposés. 229 ont été adoptés, la plupart sur le titre I, qui porte sur la réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Les amendements adoptés sur l'article 1er apportent ainsi des précisions sur le fonctionnement du compte personnel de formation (CPF) et sur celui du futur CPF de transition, qui prendra le relais du congé individuel de formation (CIF). Ainsi, l'amendement (amendement 407 rectifié) précise les conditions de la majoration du CPF pour les personnes les moins qualifiées : le rythme d'alimentation du CPF pour ces personnes doit être "au moins égal à 1,6 fois celui défini pour l'alimentation de droit commun". Par ailleurs, l'existence du CPF et les conditions de son activation par le salarié devront être abordées lors de l'entretien professionnel (amendement 834).
Autre changement ajouté par les députés : le rôle de France Compétences, l'agence qui prend le relais des instances existant actuellement concernant l'emploi, la formation et l'orientation professionnelles. Ses missions sont renforcées en matière d'évaluation, de contrôle et de pilotage (amendement 1705) et ce afin de permettre à la nouvelle agence de disposer d'une vision d'ensemble, d'après les explications de la ministre du Travail. Un sous-amendement (2211) est également adopté, pour que l’agence nationale assume une mission publique d’information sur les besoins en compétences. L'agence sera aussi responsable du suivi des contrats de plan régionaux de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP), d'après un autre amendement gouvernemental (1587), pour "mieux accompagner les régions et encourager les bonnes pratiques", comme l'a expliqué Muriel Pénicaud.
France Compétences, une institution nationale publique comme Pôle emploi
Finalement, l'agence sera une institution nationale publique, à l'instar de Pôle emploi, et non pas un établissement public administratif comme initialement prévu (amendement gouvernemental 1592), pour "plus de souplesse de gestion et d'organisation", d'après Muriel Pénicaud. Le statut lui permettra notamment de recruter des personnes privées. Et son conseil d'administration sera limité à quinze membres, pour faciliter la prise de décision à la majorité. Certains parlementaires craignent une mainmise de l'État. "Après l’abandon du paritarisme de gestion, c’est l’abandon du quadripartisme de gestion", a ainsi estimé Gérard Cherpion, député LR des Vosges, allusion à la nomination du directeur général et des membres du collège des personnalités qualifiées par l'État.
Quant aux fonds versés aux régions au titre de la péréquation territoriale, les critères seront définis après une procédure de négociation menée avec les régions. Le sujet a fait largement débat au sein des régions, certains exécutifs régionaux estimant que les montants prévus ne seraient pas suffisants. Les régions devront adresser annuellement à France Compétences le montant des dépenses de fonctionnement et d'investissement et leur affectation (amendement 2102). "L’objet du présent amendement est de s’assurer de la qualité des informations transmises par les conseils régionaux à France compétences pour nourrir le débat quadripartite sur l’usage des fonds de l’apprentissage, précise l'exposé de l'amendement concerné, en effet, les précisions sur l’affectation des dépenses des régions en matière de fonctionnement et d’investissement au bénéfice des CFA sont susceptibles de permettre une plus grande clarté collective sur les engagements de chacun, de détecter d’éventuelles sous-évaluations de niveaux de prise en charge des opérateurs de compétence. Elles permettront aux autres régions, à l’État comme aux partenaires sociaux de connaitre les critères d’intervention financiers choisis."
Un dispositif d'"apprentis francs"
Concernant l'apprentissage, l'idée d'un dispositif d'"apprentis francs" a émergé durant les débats à l'Assemblée nationale. Il s'agirait d'une aide de l'État apportée aux CFA au sein desquels une personne résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville suit une formation par apprentissage et aux entreprises qui embauchent celle-ci en contrat d'apprentissage. Mais l'amendement sur le sujet (942) prévoit pour le moment uniquement l'élaboration d'un rapport qui étudie la possibilité de créer un tel dispositif.
D'autres amendements ont été adoptés en matière d'apprentissage. Ainsi, initialement, le projet de loi prévoyait que la durée du contrat pouvait être inférieure à celle du cycle de formation pour tenir compte d'une éventuelle mobilité à l'étranger. Deux amendements (1714 et 2227) ajoutent quatre types d'activités qui peuvent être prises en compte pour estimer le niveau de compétences du jeune : activités militaires, volontariat militaire, service civique et sapeur-pompier volontaire. Finalement les durées de travail maximales sont maintenues pour les apprentis mineurs : huit heures par jour et 35 heures par semaine (amendement 1812), avec toutefois des dérogations pour certaines activités, notamment le BTP, mais qui donneront lieu à des compensations spécifiques (périodes de repos par exemple).
Le principe d'ouvrir l'apprentissage aux jeunes au-delà de 25 ans fait son chemin : le gouvernement devra rendre un rapport au Parlement sur le sujet avant le 31 décembre 2021 et plus particulièrement sur les conditions de mise en œuvre de la mesure, son impact sur le nombre d'apprentis, leur bonne intégration et l'évolution des méthodes pédagogiques (amendement 1155). Deux amendements prévoient aussi que ce rapport étudie la possibilité d'ouvrir l'apprentissage aux actifs au chômage et aux bénéficiaires du RSA s'il s'agit d'une formation dans un secteur en tension, et cela, sans limite d'âge (amendements 2224 et 2225).
Plusieurs amendements s'intéressent aux ruptures de contrat, et les contrats d'apprentissage sont élargis aux Geiq (groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification), à titre expérimental et pour une durée de trois ans. Dans ce cas, la formation pratique pourra être dispensée chez deux des membres du Geiq (amendements 1737 et 2214). Un rapport d'évaluation de l'expérimentation sera présenté par le gouvernement au Parlement trois mois au plus tard avant sa fin.
Un cadre national de référence sur l'information sur les métiers et les formations
Le rôle des régions dans le domaine de l'information et de l'orientation a été précisé durant le passage du projet de loi à l'Assemblée nationale. "Pour garantir l'unité du service public de l'orientation et favoriser l'égalité d'accès de l'ensemble des élèves et des étudiants à cette information sur les métiers et les formations, un cadre national de référence est établi conjointement entre l'État et les régions, précise le projet de loi (amendement 945), il précise les rôles respectifs de l'État et des régions et les principes guidant l'intervention des régions dans les établissements".
Les campus des métiers et des qualifications, qui offrent sur un même territoire, formation initiale et continue, voie scolaire et apprentissage, enseignement secondaire et enseignement supérieur, ont aussi été inscrits dans la partie législative du code de l'éducation. Un décret fixera leurs modalités d'organisation. Objectif : leur donner une assise juridique fondatrice plus importante (amendement 1602).
Les députés ont enfin ajouté la possibilité pour les élèves des deux derniers niveaux du collège et de lycée d'effectuer une période d'observation d'un jour maximum par an en milieu professionnel sur leur temps scolaire (amendement 1185).
Le projet de loi doit être examiné à partir du 27 juin par le Sénat, le gouvernement souhaitant boucler le dossier avant la fin de l'été.
Référence : projet de loi pour la liberté de choisir de son avenir professionnel n°904