Formation, apprentissage, assurance-chômage : le détail de l'avant-projet de loi
La ministre du Travail a détaillé le 6 avril 2018 le contenu de son avant-projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Le texte, soumis au Conseil d'Etat, sera présenté le 27 avril en conseil des ministres.
"Choisir son avenir plutôt que le subir." Avec l'avant-projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel présenté le 6 avril 2018 lors d'une conférence de presse et transmis au Conseil d'Etat, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, souhaite poursuivre la rénovation du modèle social français amorcée avec les ordonnances réformant le code du travail. Les principales mesures, qui portent sur trois volets spécifiques (formation professionnelle, apprentissage et assurance-chômage), ont déjà été annoncées début mars 2018. Le texte vient de passer entre les mains du Conseil d'Etat et sera présenté en conseil des ministres le 27 avril 2018, avant la discussion parlementaire.
Parmi les mesures envisagées en matière de formation professionnelle : l'alimentation du compte personnel de formation (CPF) en euros dans des conditions fixées par décret, avec un total de 500 euros par an pour chaque salarié (800 euros pour les non qualifiés), dans la limite de 5.000 euros (8.000 euros pour les non qualifiés) et des droits identiques pour les salariés à mi-temps ; la fin du système de listes de formations éligibles, sélectionnées par les partenaires sociaux ; la création d'une agence, "France Compétences", gérée de manière quadripartite (Etat, syndicats, patronat, régions). Cette dernière remplacera les trois instances actuelles (Comité interprofessionnel pour l'emploi et la formation / Copanef, Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles / Cnefop, fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels / FPSPP), pour notamment réguler la qualité et le coût des formations. L'agence aura "un rôle de régulation collective", a insisté la ministre.
Autre grand changement côté formation : les nouveaux nom et rôle des organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), qui deviennent des "opérateurs de compétences". Ils ne collecteront plus les cotisations formation, mais seront chargés de financer l'apprentissage, d'accompagner les entreprises dans la définition de leurs besoins en formation et d'aider les branches à construire les certifications professionnelles. "Ils seront chargés de réfléchir aux métiers de demain, à l'évolution des métiers et d'accompagner les petites et moyennes entreprises, a détaillé Muriel Pénicaud. Les branches s'appuieront sur eux."
Un service dématérialisé sera également mis en place, permettant au titulaire d'un CPF de s'informer sur les formations, de s'inscrire et de payer en ligne.
Repositionnées sur l'orientation, les régions n'interviendront plus qu'à la marge dans le financement des CFA
En matière d'apprentissage, la question du financement est au premier plan : une aide unique va remplacer les trois aides et le crédit d'impôt existants. Elle sera destinée aux entreprises de moins de 250 salariés. Son montant sera fixé par décret. Les centres de formation d'apprentis (CFA) seront financés au contrat, soit en fonction du nombre d'apprentis qu'ils accueillent. Chaque année, ils devront signaler leur taux d'obtention des diplômes et d'insertion. Les modalités des contrats sont un peu modifiées : l'âge maximum est repoussé à 29 ans révolus, contre 25 ans actuellement, le temps de travail porté de 35 à 40 heures par semaine et le passage aux prud'hommes est supprimé en cas de licenciement d'un apprenti pour faute grave ou inaptitude. L'apprenti pourra aussi démissionner après une phase de médiation. Pour améliorer l'orientation, le gouvernement mise sur les régions : elles sont chargées d'organiser des actions d'information sur les métiers et les formations.
Les régions n'ont pas attendu pour réagir. "La réforme de l’apprentissage est dangereuse pour nos territoires et nos plus petites entreprises. Elle porte en elle des changements de modèle qui n’ont fait l’objet d’aucune étude d’impact sur le terrain et ne répondent pas aux enjeux de l’apprentissage", signale ainsi Régions de France dans un communiqué de presse publié ce 6 avril. Avec le transfert du pilotage aux branches professionnelles, la moitié des CFA seraient menacés de fermer ou de se restructurer. Des CFA qui devront en outre se passer des financements des régions. A l'issue de la réforme, ces dernières "ne disposeront, à l’issue de la réforme, que d’une enveloppe résiduelle de 250 millions d’euros destinée à financer les dépenses innovation et aménagement du territoire", alors qu'elles consacraient jusqu'à présent 1,6 milliard chaque année au fonctionnement des CFA.
Un semblant de chômage pour les indépendants sous plusieurs conditions
Le projet de loi couvre également la thématique de l'assurance-chômage, avec l'idée d'un chômage pour les démissionnaires et les indépendants. Une disposition qui sera largement encadrée pour ces derniers : les indépendants devront ainsi justifier d'un montant de chiffre d'affaires minimum (autour de 10.000 euros), qu'il s'agit de leur activité principale et d'une raison spécifique (liquidation judiciaire, départ dans le cadre d'un redressement judiciaire ou de départ d'un conjoint associé après un divorce ou une rupture de Pacs). Dans ce cas, ils recevront une indemnité de 800 euros par mois durant six mois.
Les règles d'indemnisation, si elles restent fixées par les partenaires sociaux, seront "régulées" par l'Etat qui fixera une trajectoire financière et un délai de négociation notamment.
Concernant le système de bonus-malus que le gouvernement souhaite mettre en place selon que les entreprises utilisent l'intérim, des contrats à durée déterminée ou indéterminée, le gouvernement laisse leur chance aux partenaires sociaux de se mettre d'accord d'ici le 1er janvier 2019. Dans le cas contraire, le projet de loi prévoit d'instaurer par décret un système de ce type sur les cotisations patronales, avec un taux minoré ou majoré selon le nombre de fins de contrat donnant lieu à une inscription à Pôle emploi.
Le projet instaure en outre la mise en place, à titre expérimental pendant un an, d'un "tableau de bord numérique" indiquant l'état d'avancement de la recherche d'emploi. Il supprime les sanctions pour refus d'une formation, d'un contrat aidé ou d'un contrat d'alternance.
Enfin, le texte aborde d'autres questions comme le travail des personnes handicapées, la mobilité des fonctionnaires et les travailleurs détachés.