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Europe / Logement - Le logement social n'est-il pas une chose trop sérieuse pour être totalement confié à l'Europe ?

Le logement social serait-il réservé aux personnes défavorisées ou ouvert à tout le monde au même titre que le service public de la santé ? La question est fondamentale pour répondre à celle posée en intitulé du manifeste rédigé par l'Union sociale pour l'habitat "Quel logement social dans l'Union européenne en 2020 ?". Elle sera débattue, mercredi 21 mai, avec des députés sortants et des candidats aux élections européennes du 25 mai prochain, invités par l'USH.

C'est une "vraie bataille politique" qu'entend mener Jean-Louis-Dumont, président de l'Union sociale pour l'habitat (USH), espérant emmener les futurs députés européens dans son sillon. Car "l'Europe sociale est une conquête qui n'est pas faite", poursuit son bras droit, Frédéric Paul, délégué général de l'USH. Tous deux contestent cette Europe qui a "une vision qui reste libérale et qui cherche à renforcer son contrôle des aides d'Etat".
La bulle immobilière qui a éclaté en 2008 a été révélatrice à plus d'un titre. "La crise a révélé la résistance du modèle français de financement du logement social basé sur les fonds d'épargne", souligne Laurent Ghekiere, chef de la mission Affaires européennes à l'USH (voir à ce propos notre article ci-contre du jour). "Considéré comme ringard il y a quelques années, il s'est finalement révélé un facteur de stabilité face à ces chocs exogènes", poursuit-il. "Un modèle controversé mais unique, regardé par certains collègues avec envie", se félicite Jean-Louis Dumont.

"Le Parlement a été mis de côté"

Le satisfecit est toutefois de courte durée. L'USH est inquiète, et surtout "vigilante". Durant la mandature 2009-2014, qui a eu la lourde tâche de gérer la crise immobilière et financière de 2008, "le Parlement européen a été mis de côté", conteste l'USH, au profit d'une surveillance économique et budgétaire accrue des politiques des Etats membres, par "une armée de fonctionnaires européens de la DG Finance" dixit Laurent Ghekiere, au prétexte d'anticiper une surchauffe des marchés du logement. "Aujourd'hui, la Suède et les Pays-Bas sont obligés de remettre en cause leur politique de régulation des loyers, au motif de risque d'une bulle immobilière", illustre le représentant de l'USH à Bruxelles.
Pire, la Grèce, sur décision européenne a purement et simplement supprimé le logement social du jour au lendemain, dans le cadre de son "plan de sauvetage". En Italie, Espagne et Portugal, "on ne l'a pas supprimé d'un point de vue législatif, mais il n'y a plus de financements, plus d'opérations, les organismes sont dissous et les salariés réintégrés dans les administrations", témoigne Laurent Ghekiere, avant de lâcher : "C'est la première fois qu'on voit une telle rupture."
Le manifeste de l'USH propose de réformer la gouvernance économique de l'Union européenne aujourd'hui à l'œuvre. "Par un nouveau volet social de cette gouvernance, les investissements en matière de logement social et la régulation des marchés du logement doivent faire l'objet d'un traitement adapté", est-il exigé. Avec, en préalable, un Parlement européen "pleinement associé" à cette gouvernance.

Un bien "difficile équilibre"

Pour l'USH, le principal enjeu pour le logement social dans l'Union européenne, c'est d'établir "le difficile équilibre entre les règles du marché intérieur et de la concurrence d'une part, l'accomplissement des missions d'intérêt général des organismes HLM de l'autre et enfin l'intérêt général de l'Union européenne".
Aujourd'hui, il y a en effet de quoi devenir schizophrènes. En tant qu'entreprises fournissant des services sur un marché (en l'occurrence le marché du logement), les organismes HLM sont soumises aux règles du marché intérieur et de la concurrence. Mais en tant qu'entreprises chargés de la gestion d'un SIEG (en droit de l'Union européenne, le logement social est assimilé à un service d'intérêt économique général), l'accomplissement des missions d'intérêt général (données par le législateur de l'Etat membre) prime sur l'application de ces règles.
Pour l'USH, pas de doute, pour trouver l'équilibre, la balance doit pencher du côté de l'intérêt général. Elle propose ainsi dans son manifeste : "La définition du champ d'intervention du logement social en tant que service d'intérêt général doit relever explicitement de la compétence des Etats membres et non pas de la commission européenne". Et ajoute : "Le Parlement européen doit être le garant du respect de cette compétence."

Uniquement pour les personnes défavorisées ?

Un enjeu qui mène directement à la question centrale de la définition du logement social. Doit-il être réservé aux personnes défavorisées ou ouvert à tout le monde ?
Pour le moment, la Commission européenne pencherait pour une conception "résiduelle" du logement social, dans la mesure où, explique l'USH, ses décisions consistent à vérifier que le service public du logement social est défini "en lien direct avec les personnes défavorisées". De ce fait, elle nie les missions de mixité sociale et de diversité de l'habitat auxquelles tient l'USH, et risque de mettre en péril les mécanismes budgétaires sur lesquels reposent le mécanisme de financement et la gestion d'un parc de logement social.
Le recours déposé par les Pays-Bas, contraints de mettre en place un plafond de revenus, donnera lieu à un arrêt attendu à l'automne prochain par la Cour de justice de l'Union européenne. Si la Cour valide la conception de la commission, "cela remet en cause toute la politique sociale européenne", craint Laurent Ghekiere. Mais la Cour pourrait tout autant assoir définitivement qu'il revient aux Etats-membres de définir leur mission d'intérêt général.
Quoi qu'il en soit, pour les Grecs, dont la majorité ne peut pas être considérée comme particulièrement "favorisée", c'est trop tard.

 

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