Archives

Logement - Les propriétaires privés en appellent à Bruxelles pour démanteler les aides au logement social

L'Union nationale de la propriété immobilière estime que de très nombreuses familles aisées résident dans des HLM. Les chiffres annoncés sont contestés.

Un bras de fer s'engage entre les propriétaires privés et les bailleurs sociaux, les premiers accusant les seconds de se détourner de leur objectif premier, qui est de loger les plus modestes.
Selon l'Institut de recherches économiques et fiscales, le soutien financier accordé aux organismes HLM serait en bonne partie indu. "Les aides publiques sont le cadeau empoisonné fait aux acteurs du logement social", persifle cette organisation, dans une étude réalisée pour le compte de l'Union nationale de la propriété immobilière (Unpi). Pis, elles provoqueraient des distorsions de concurrence susceptibles d'être sanctionnées par Bruxelles. D'où la plainte déposée le 5 mai par l'Unpi auprès de la Commission européenne et largement relayée cette semaine dans les colonnes du journal Le Parisien.

"Campagne de dénigrement"

Les chiffres annoncés ont de quoi alarmer. Selon l'association de propriétaires, 380.000 foyers percevant plus de 4.000 euros mensuels vivraient dans une habitation à loyer modéré. "Ces chiffres ne correspondent à rien, mais ils font hurler l'opinion. L'Unpi lance une campagne de dénigrement contre les HLM car nous sommes dans une phase de négociations avec le nouveau gouvernement, qui est très favorable aux logements sociaux", réagit Laurent Ghekiere, représentant de l'Union sociale pour l'habitat (USH) à Bruxelles.
Dans les faits, la loi Boutin de mars 2009 vise à prévenir les abus qui pourraient survenir dans l'accès au parc social. Des augmentations de loyers sont ainsi appliquées dès que les ménages dépassent de 20% les plafonds de ressources prévus par les offices HLM.
200.000 ménages sont dans ce cas, selon les estimations de l'USH. Parmi eux, 10.000 dépassent d'au moins 100% le seuil de revenus toléré. Conformément à la loi, ils devront donc être amenés à quitter le logement qu'ils occupent en 2014. Les délais peuvent paraître longs, car la législation prévoit "d'observer pendant deux ans l'évolution du plafond des revenus. Une fois le constat fait, un délai de trois ans est prévu pour les préparer à partir", précise Laurent Ghekiere.

Diversité socio-économique

La diversité socio-économique des ménages occupant le parc HLM découle de la volonté d'assurer une forme de mixité sociale, évitant ainsi la ghettoïsation de populations pauvres. Contrairement à ce que dit l'Unpi, les immeubles HLM ne sont pas peuplés massivement par des ménages aisés. Selon les statistiques de l'Observatoire national de la pauvreté publiés publiées en février dernier, 55% des locataires de logements sociaux disposent d'un revenu médian imposable (par unité de consommation) de 14.700 euros par an. Les locataires les plus riches, dont les revenus imposables sont compris entre 32.000 et 62.000 euros représentent 8,7% des locataires, soit 331.000 ménages. Proportionnellement, leur nombre n'a cessé de décroître au fil du temps : selon l'Insee, les ménages les plus riches représentaient 19,6% du parc social en 1984 et 11,9% en 2002.
La démarche de l'Unpi est le résultat d'un "corporatisme d'un petit cercle de privilégiés, dénonce Catherine Trautmann, eurodéputée socialiste. Les mêmes s'opposent au décret d'encadrement des loyers dans le secteur privé que le gouvernement devrait publier fin juillet".

Plafonds de ressources contraignants

Contactés, les services en charge de la concurrence à la Commission européenne disent examiner la plainte envoyée par l'Unpi. "Je ne suis pas inquiet, indique Laurent Ghekiere, car je ne vois pas ce que la Commission européenne pourrait ajouter au dispositif français qui comprend déjà des plafonds de ressource contraignants."
Ces dernières années, le paysage du logement social aux Pays-Bas a été considérablement bouleversé par la Commission européenne. A la suite d'une décision de Bruxelles prise en 2009, le gouvernement néerlandais a dû restreindre l'accès aux logements aidés en introduisant un plafond de ressources de 33.000 euros annuels.
La Commission européenne a tendance à toujours plus étendre le domaine du marché, reconnaît l'eurodéputée écologiste Karima Delli, pour qui il est vain de "mettre en concurrence le droit au logement pour les plus pauvres et la mixité sociale". La solution ne consiste pas à "réduire la demande", poursuit-elle, mais à agir  "sur l'offre en encadrant les loyers sur le parc privé, en favorisant l'aide à la pierre pour la construction de logements, notamment pour les parcs social et intermédiaire, et en rénovant les critères pour permettre plus de transparence dans l'attribution des logements sociaux".