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Logement - Le logement social attend l'Europe au tournant

Refonte du régime d'aides d'Etat, lutte contre les logements énergivores, promotion des entreprises sociales... les échéances européennes qui attendent les acteurs du logement social au cours des prochains mois sont multiples.

Politique locale par excellence, le logement social ne semble pas, a priori, avoir de liens évidents avec l'Europe. Le 2 septembre, les entreprises sociales de l'habitat (ESH) s'étaient pourtant donné rendez-vous à Strasbourg, dans le cadre d'une université d'été consacrée aux enjeux européens. Une première du genre.
"Le logement n'étant pas une compétence communautaire, on ne se préoccupe pas de sa dimension européenne, mais l'impact est majeur", a tenu à préciser le secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, qui s'exprimait en ouverture de la conférence. Sur la fiscalité immobilière, la Commission européenne s'apprête à adresser une lettre à la France au sujet de la loi Scellier, qui pourrait entrer en contradiction avec la libre circulation des capitaux. A travers une approche moins centrée sur le marché, l'UE finance par ailleurs la rénovation thermique de l'habitat et l'hébergement de personnes mal-logées ou sans-toit.

Cultures nationales

L'attention indirecte de Bruxelles pour le logement a été accentuée par les difficultés économiques que traverse l'Europe. "Depuis la crise de la dette, le logement est au centre du débat européen. Avec les bulles immobilières, comme en Irlande ou en Espagne, c'est l'entièreté des fondamentaux économiques du pays qui peut exploser", a détaillé Claire Roumet, secrétaire générale du Comité européen de coordination de l'habitat social.
Ces prochains mois, la Commission aura l'opportunité d'assouplir sa position sur le financement du logement social. Le principe retenu depuis 2005 repose sur une vision restrictive des habitations à loyer modéré, réservées selon Bruxelles aux plus démunis. Les gestionnaires de logements sociaux espèrent que la révision du paquet Monti-Kroes laisse place à une autre approche, plus respectueuse des cultures nationales. "En France, la loi nous demande de développer des missions de mixité sociale qui ne sont pas du tout prises en compte par la Commission européenne", explique Laurent Ghekiere, représentant de l'Union sociale pour l'habitat à Bruxelles, joint par EurActiv.fr.
Ces divergences sont d'ailleurs une source majeure de conflit. Actuellement, plus de cent organismes de logement social contestent auprès de la Cour de justice de l'UE une décision de Bruxelles visant les Pays-Bas. Depuis le mois de janvier, le gouvernement néerlandais doit se résoudre à attribuer 90% de son parc de logements sociaux aux citoyens ayant des revenus faibles ou moyens. Un changement de braquet important pour ce pays, dont la tradition historique était d'ouvrir la location bon marché à un très large public.
Sur ses gardes, le secteur du logement social compte aussi préserver son régime particulier, qui lui permet de recevoir des aides publiques sans être inquiété par les limites de chiffre d'affaires posées par Bruxelles, alors que d'autres services à vocation sociale y sont assujettis. La simplification attendue des procédures concerne en outre le contrôle des montants accordés. "La grille de la Commission européenne n'est pas adaptée. Elle raisonne en subvention dont elle exige un contrôle annuel, alors que le logement social repose sur des aides à l'investissement de long terme", insiste Laurent Ghekiere.

Sobriété énergétique

La méfiance de Bruxelles à l'égard des aides publiques, qui torpilleraient la concurrence en privilégiant certains acteurs, serait en décalage avec la raison d'être des logements sociaux. "Nos organismes sont locaux et ne peuvent pas par exemple aller travailler en Allemagne et concurrencer ses structures. Et dès qu'un organisme affiche un résultat positif, il ne peut que le réinvestir dans le logement social, mais en aucun cas l'utiliser pour développer une autre activité", poursuit le représentant de l'USH.
D'autres attentes, moins techniques cette fois, portent sur le développement de logements sobres en consommation d'énergie. Depuis 2009, le Fonds européen de développement économique régional (Feder) participe à la rénovation thermique de l'habitat à hauteur de 4% de l'enveloppe de subventions remise à chaque Etat. "Ce n'est qu'une première étape", a résumé l'eurodéputée écologiste Karima Delli, martelant la nécessité de monter en puissance dans le financement européen de ce domaine. L'argument fait sens dans la mesure où l'UE veut accélérer la rénovation des bâtiments publics afin d'éliminer le gaspillage d'énergie.
Selon les calculs de l'USH, le coût estimé des travaux pour les HLM serait de 2,7 milliards d'euros par an. L'échéance arrive à grands pas, avec la présentation début octobre de la nouvelle mouture des fonds structurels. "On aura de très jolies annonces du commissaire Hahn", a ironisé Karima Delli, tout en redoutant que l'efficacité énergétique ne serve les intérêts des industriels, "quitte à oublier le logement".

Relations plus sereines

Longtemps marquée par une fracture idéologique entre les tenants de l'intervention publique et ceux qui privilégient la logique de marché, la relation entretenue par Bruxelles et les services sociaux semble prendre un tour un peu plus serein. Beaucoup d'observateurs y voient la patte du commissaire Michel Barnier. "L'Europe n'est pas l'adversaire des services publics", avait-il déclaré devant les eurodéputés l'an dernier, qualifiant le rapport de Mario Monti de "très lucide" quant au "scepticisme croissant des Européens" sur le projet "économique et social de l'Union".
Mi-octobre, Michel Barnier doit justement soumettre une proposition visant à reconnaître le rôle joué par les "entreprises sociales" en Europe. Une réflexion est d'ailleurs menée sur l'opportunité de lancer un financement dédié pouvant mobiliser les fonds de pension. "On se sent bien dans ce statut et dans l'idée d'avoir un régime propre", a commenté Daniel Biard, président de la commission Europe des ESH. Mais pour quels effets concrets ? "Eviter par exemple la remise en cause des aides à la pierre dont bénéficient les HLM si une fédération de promoteurs immobiliers juge que ces aides ne sont pas légales."