Europe / Logement - Une comparaison à froid des modèles de financement du logement social de six pays européens
L'édition de mai 2014 de Conjoncture, le recto-verso publié par la direction du Fonds d'épargne de la Caisse des Dépôts, compare les modèles de financement du logement social de six pays européens. Le numéro a été réalisé à partir d'une étude de l'Observatoire du Cecodhas Housing Europe (Fédération du logement public, coopératif et social) confiée par l'Union sociale pour l'habitat. De quoi alimenter le débat à quelques jours des élections européennes et alors que l'Union sociale pour l'habitat organise, mercredi 21 mai, une journée sur le thème "Quel logement social dans l'Union européenne en 2020 ?" (voir notre article ci-contre du jour).
Premier constat, dans tous les pays observés, les aides publiques interviennent dans le financement de la construction de logement social... mais plus ou moins.
Les modèles reposant sur les financements publics
En Finlande et en France, le modèle financier repose presque entièrement sur des financements publics. La Finlande dispose d’un établissement spécialisé dans le financement du logement, l’ARA (Centre finlandais de développement et de financement du logement), qui octroyait directement des prêts au logement social jusqu’en 2004. Aujourd’hui, l’ARA fournit des garanties publiques et bonifie les prêts octroyés par le secteur privé, ce qui est considéré comme des emprunts publics. On considère ainsi qu'une opération finlandaise est financée à 100% par emprunts publics.
En Autriche, comme en France avec les prêts sur fonds d’épargne, le financement du logement social passe par un circuit financier spécifique qui permet d’obtenir des conditions adaptées aux spécificités du secteur (financements long terme, taux avantageux). Une opération française type est ainsi financée à 75% par emprunts publics, complété par 15% de subventions publiques et 10% de fonds propres. En Autriche, elle est financée à 35% par emprunts publics mais à 43% par emprunts bancaires (et 23% sur fonds propres).
En Autriche, comme en Allemagne, les régions fédérales ont la compétence logement et choisissent la forme et le degré de soutien au logement social. Si bien qu'en Allemagne, les modalités de financement varient tant en fonction des Länder et des opérations, que le Cecodhas a estimé que faire une moyenne n'avait pas de sens. A contrario, les systèmes français et finlandais sont plus centralisés, ce qui n'empêche pas les collectivités d'y jouer "un rôle important", relève la Caisse des Dépôts.
Les modèles fonctionnant par emprunts bancaires
Aux Pays-Bas, en Angleterre et dans une moindre mesure en Autriche, le modèle fonctionne principalement par emprunts sur les marchés privés. Une opération type aux Pays-Bas est financée à 75% par emprunts bancaires et à 25% sur fonds propres. En Angleterre, elle est financée à 53% par emprunts bancaires, 33% sur fonds propres et 14 % avec des subventions publiques.
Pour financer leurs activités – et d'autant plus depuis la crise - , les organismes de logements sociaux qui ont davantage recours à l’emprunt privé se restructurent et mettent en place des dispositifs spécifiques afin d’obtenir des taux d’intérêt plus avantageux sur les marchés. Par regroupement de plusieurs organismes, ils cherchent à mutualiser les risques et à gagner en autonomie vis-à-vis de l’autorité publique compétente.
En Angleterre, les plus petits organismes se sont ainsi regroupés au sein d’une organisation, "The Housing Finance Corporation", qui emprunte directement sur les marchés des capitaux, en fonction des besoins de financement de chacun.
Le système néerlandais représente également un cas de mutualisation des risques, mais à plus grande échelle, à travers le fonds de garantie du logement social, pilier d’un système de garantie à trois niveaux.
Les modèles dans la crise
Quel que soit le modèle, depuis le début de la crise, "les aides directes (et non remboursables) sous forme de subventions se raréfient au profit d’emprunts auprès d’établissements publics, privés ou spécialisés", relève l'article de Conjoncture, précisant que le soutien des pouvoirs publics s’est déplacé vers des aides indirectes (sécurisation des emprunts et la bonification des prêts, comme on l'a vu en Finlande) permettant d'obtenir des taux d’intérêt avantageux.
Par ailleurs, dans les six pays étudiés, des terrains à prix réduit ont été mis à disposition, permettant une diminution du prix de revient de certains projets. En Angleterre, cette mesure a été complétée par une exigence, pour les promoteurs privés, de vendre à prix réduit une partie des logements construits aux organismes de logement social.
Enfin, le secteur a bénéficié (sauf aux Pays-Bas), d’exonération ou de réduction du taux d’imposition en tant que bien de première nécessité, principalement sur la TVA, la taxe foncière ou l’impôt sur les sociétés.
Les auteurs de l'article soulignent également qu' "en Autriche et en France, les circuits financiers spécifiques ont été conservés durant la crise, protégeant ainsi le secteur des aléas des marchés financiers". Si bien que depuis le ralentissement économique, seuls ces deux pays "continuent à produire des logements à un rythme suffisamment soutenu pour renouveler, voire développer, le parc social". La France comptait toujours 17% de logements sociaux en 2011 et l'Autriche 23%. En revanche, aux Pays-Bas (qui comptaient encore, il est vrai, 32% de logements sociaux en 2011), en Allemagne (5%), en Angleterre (18 %) et en Finlande (16 %), la taille du parc de logements sociaux est en constante diminution, l’Allemagne et l’Angleterre ayant choisi de céder un grand nombre de logements sociaux.