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Habitat social - La Commission européenne tempère ses ardeurs concurrentielles sur le logement social

Depuis une dizaine d'années, les conflits se sont multipliés sur l'application des règles de la concurrence en matière de logement social entre Bruxelles et les organismes HLM. A l'heure où son mandat s'achève, le commissaire à la Concurrence semble revenir à une conception moins libérale du sujet.

Connu pour ses passes d'armes avec Arnaud Montebourg sur les aides d'Etat, le commissaire européen à la Concurrence délivre, à quelques mois de la fin de son mandat, un message susceptible d'apaiser les esprits. "Il existe une confusion que je voudrais éclaircir, écrit Joaquin Almunia dans une lettre que nous avons consultée, adressée fin avril à la maire de Paris, Anne Hidalgo. La Commission ne prétend pas du tout imposer une définition du logement social."
L'affirmation vient ponctuer une bataille qui oppose depuis une dizaine d'années les instances européennes au secteur du logement social. Ce dernier doit-il se cantonner à la frange la plus pauvre de la population ? Ou doit-il rester accessible à une palette plus large de personnes pour favoriser la mixité sociale dans les immeubles ?

Les Pays-Bas, puis la Suède, la France…

Tout est parti des Pays-Bas, lorsque la Commission, appuyée dans sa démarche par le secteur privé de l'immobilier, a commencé, dès 2005, à exprimer des doutes sur le régime néerlandais très large de logement social.
Un enjeu qui s'est depuis répandu comme une traînée de poudre, remettant en cause le service public du logement en Suède et aiguisant la méfiance des organismes de HLM d'autres pays, dont la France, sur l'ampleur du droit de regard de l'UE sur ces services publics.
Dans sa réponse de fin avril, le commissaire Almunia dit partager "la conviction" visant à garantir une "qualité de vie décente" aux citoyens. Si le secteur du logement social y voit une inflexion positive, la vigilance reste de mise.
Récemment, l'Union sociale pour l'habitat, en France, a alerté par écrit trois ministres (Sylvia Pinel au Logement, Harlem Désir aux Affaires européennes et Najat Vallaud-Belkacem à la Ville), les invitant à se mobiliser sur le dossier.

Désaccord persistant

Historiquement, les Pays-Bas ont opté pour une conception jugée trop large du logement social, dont l'accès n'était réglementé par aucun plafond de ressources, alimentant ainsi les critiques du secteur privé qui s'estime victime de concurrence déloyale. Le gouvernement néerlandais se résout finalement à adopter une limite : depuis janvier 2011, seuls les foyers disposant de revenus inférieurs à 33.000 euros annuels pourront y prétendre.
Problème, les négociations, tenues dans un climat conflictuel avec la commissaire à la concurrence de l'époque, la libérale Neelie Kroes, ont laissé des traces. La révision opérée reste contestée par les organismes de logements sociaux néerlandais, car le seuil de ressources retenu serait inadéquat : il ne fait pas cas du nombre de personnes composant le ménage et seuls 10% du parc de logements aidés peuvent être attribués à des foyers dérogeant au plafond de 33.000 euros.

L'arrêt final est attendu cet automne

L'affaire est toujours pendante. Ce mois-ci, des auditions auront lieu à la Cour de justice de l'UE de Luxembourg, à la suite d'un recours formé par les organismes néerlandais, appuyés par l'Union sociale pour l'habitat et la fédération européenne Cecodhas. L'arrêt final, attendu cet automne, scellera le sort du régime négocié en 2009 avec la Commission, pour qui le périmètre du service public (dit service d'intérêt économique général) doit se restreindre aux plus défavorisés. Il conviendrait donc au privé d'assurer l'offre de logements pour le reste des locataires.
Preuve supplémentaire du désaccord persistant avec Bruxelles, le Parlement néerlandais a "relevé le plafond à 36.000 euros sans prévenir la Commission", indique un proche du dossier.

L'enjeu de la mixité sociale

Ce climat a aussi accru la mobilisation des élus locaux. En mai 2013, les maires de 18 villes, dont Paris, Nantes, Berlin, Milan, Vienne ou encore Amsterdam, avaient adopté une résolution dans des termes fermes : "Nous désapprouvons l'approche visant à se concentrer uniquement sur les groupes à faibles revenus, car cela aboutirait à de la ségrégation sociale."
Fin 2013, l'ex-maire de Paris Bertrand Delanoë avait renchéri en adressant une lettre au commissaire au Marché intérieur et aux Services Michel Barnier, suivie, un mois plus tard, d'une missive adressée par l'édile de Vienne, Michael Häupl. Dans cette bataille pour le respect de la "subsidiarité", les "choix exprimés par les élus locaux ont eu plus de poids que la voix des Etats", estime-t-on à l'Union sociale pour l'habitat.

Marie Herbet / Contexte

 

Le 21 mai, une journée-débat spéciale "Elections européennes et logement social"

Une journée-débat intitulée "Elections européennes : quel logement social dans l'UE en 2020 ?", organisée à Paris par l'Union sociale pour l'habitat, se tiendra le 21 mai en présence de députés européens sortants et de candidats. Jean-Louis Dumont, président de l'USH, y présentera un manifeste et cinq propositions "concrètes" pour la prochaine mandature 2014-2019 du Parlement européen.
"Les ruptures de programmation observées chez nos voisins européens sont très inquiétantes", relève l'USH. Dès lors "Comment le Parlement européen peut-il soutenir le développement du logement social dans la prochaine mandature 2014-2019 ?" ; "Quels leviers pourra-t-il actionner pour faire du logement social un atout au service de la transition énergétique, de la croissance, de l'inclusion sociale et de l'innovation ?" ; "Comment sera-t-il associé au contrôle des aides d'Etat au logement social ou encore à la gouvernance macroéconomique des marchés du logement de la zone euro ?" Ces questions seront soumises au débat au cours de la journée, dont le programme et le bulletin d'inscription sont en ligne sur le site de l'USH.

V.L.
 

 

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