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La Commission européenne entend faire respecter les règles pour sauver l’environnement

La Commission européenne vient de publier la troisième édition de son examen de la mise en œuvre de la politique environnementale dans l’Union, qui pourrait se résumer par un "en léger progrès, mais doit beaucoup mieux faire". Biodiversité, qualité de l’air et de l’eau, pollution sonore restent pour la France autant de défis qualifiés de "majeurs". 

Une bouteille aux trois quarts vide ? C’est, à en croire le commissaire à l'Environnement, aux océans et aux pêches, Virginijus Sinkevičius, ce qui ressort de l’édition 2022 – la troisième après 2017 et 2019 – de l’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale européenne (EIR) dans l’Union, opéré par la Commission européenne et publié ce 8 septembre. "Bien [que ce rapport] montre des progrès dans certains domaines depuis l'examen précédent, je crains que dans d'autres, l'écart de mise en œuvre ne s'élargisse encore, ce qui nous rend tous plus vulnérables à la pollution de l'environnement et aux risques connexes", déplore-t-il. 

Une aide… et un peu plus ?

"L’EIR n'a pas d'incidence sur le pouvoir de la Commission d’ouvrir des procédures d’infraction", est-il rappelé dans le rapport, l’objectif affiché étant "d’aider les États membres à mieux appliquer les politiques et les règles environnementales". À la Représentation en France de la Commission, on attire néanmoins l’attention : "La Commission ne se contente pas de donner de bons ou de mauvais points. L’esprit de ce rapport est plus incisif, plus critique que les précédents et l’objectif est bien de changer le cours des choses". Et de souligner encore "qu’il renforce la position de négociation des services de la Commission dans la gestion des fonds européens. Cela permettra de pousser sur l’environnement auprès des régions concernées".

Des disparités entre les 27, mais quelques lignes de force

Il n’est pas aisé de tirer des conclusions générales des 27 rapports nationaux, les disparités entre États membres étant importantes. La Commission se livre néanmoins à l’exercice, et pointe notamment :

- que la biodiversité continue de décliner, en relevant que la plupart des États membres doivent encore accélérer les efforts pour achever leurs réseaux Natura 2000 ;

- que les progrès vers l'obtention d'un bon statut pour les masses d'eau sont lents, mettant notamment en avant la lente mise en œuvre des règles sur le traitement des nitrates et des eaux usées urbaines "en raison d'une planification et d'une infrastructure inadéquates, malgré la disponibilité des fonds de l'UE" ;

- des différences considérables entre États membres en matière d’économie circulaire, la prévention des déchets restant "un défi important pour tous les États membres" ;

- que la pollution de l'air reste un problème majeur ;

- qu’il y a dans l'ensemble un bon niveau de mise en œuvre de la législation sur le climat, mais que les efforts d'adaptation dans chaque État membre et au niveau de l'UE doivent être intensifiés pour faire face à la dure réalité des impacts climatiques croissants ;

- que la plupart des États membres doivent améliorer l'accès du public aux tribunaux – en particulier dans les domaines de la planification liés à l'eau, à la nature et/ou à la qualité de l'air– et également tenir le public mieux informé de leur accès aux droits à la justice.

Pour la première fois, l’exercice compare pour chaque État membre le financement disponible pour la mise en œuvre de l'environnement avec les besoins d'investissement. Pour l’ensemble de l’UE, les besoins d'investissement sont estimés à 110 milliards d'euros par an. Près des deux tiers de l'écart entre fonds disponibles et fonds investis concerne la lutte contre la pollution en général et la protection et la gestion des plans d'eau.

France : la biodiversité reste un défi majeur…

S’agissant de la France, le rapport souligne les progrès accomplis en matière d’économie circulaire – "en progression constante sur la dernière décennie", avec des résultats "bien au-dessus de la moyenne européenne" – et à l’égard des produits chimiques – "avec une conception et une mise en œuvre complète des stratégies d’application de Reach et du règlement dit CLP" (relatif à la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances et des mélanges). L’adoption d’une stratégie nationale pour les aires protégées (voir notre article du 13 janvier 2021) est également saluée.

Pour autant, "la protection des espèces reste un enjeu majeur, avec trois procédures d’infraction en cours", souligne la Commission. Cette dernière invite ainsi la France à étendre la couverture des zones Natura 2000 – "des zones de protection spéciale doivent encore être classées" – et à prendre des mesures supplémentaires pour la protection des cétacés et oiseaux marins (procédure d’infraction en cours), des oiseaux chassables (sont visées, la chasse à la tourterelle des bois, avec une procédure d’infraction en cours, les méthodes de capture non sélectives et la chasse aux oies cendrées lors de leur migration vers leurs lieux de reproduction) et des grands carnivores. "Pour protéger les écosystèmes, les régions doivent coopérer davantage afin que leurs différentes stratégies marines soient cohérentes entre elles", est-il encore souligné.

… comme la qualité de l’air et le bruit

Les deux autres principaux défis seraient la qualité de l’air et la lutte contre la pollution sonore.

La première "continue d’être une source de préoccupation importante malgré une diminution des émissions de nombreux polluants atmosphériques et de particules fines", indique le rapport – la France fait l’objet de deux procédures d’infraction concernant le dioxyde d’azote et les PM10. "Bien que les actes législatifs visant à améliorer la qualité de l’air soient désormais en vigueur, il faudra du temps pour que les mesures prévues produisent des résultats tangibles, en particulier pour l’ammoniac (NH3)", est-il précisé.

Pour la seconde, qui serait à l’origine d’au moins 1.500 décès prématurés par an, "il est urgent de mettre au point des plans d’action pour la gestion du bruit dans les zones urbaines et autour des grands axes routiers". 

Qualité de l’eau

Relevons que deux de ces trois défis – la protection de la biodiversité et l’amélioration de la qualité de l’air – étaient déjà mis en exergue par le précédent rapport, l’amélioration de la qualité de l’eau complétant à l’époque le podium. Cette question reste elle aussi source de préoccupation. "Bien que des progrès aient été réalisés dans la lutte contre la pollution de l’eau et les rejets industriels de métaux lourds, le nombre de masses d’eau qui n’ont pas encore atteint un bon état écologique et chimique est encore important", pointe la Commission, qui souligne encore que la "pollution par les nitrates reste un problème grave". Elle vaut d’ailleurs à la France une procédure d’infraction, de même que le traitement des eaux urbaines résiduaires, pour lequel la France "rencontre des difficultés pour remplir ses obligations".

Déchets

Côté gestion des déchets, la Commission relève "quelques progrès au cours de la dernière décennie en améliorant son taux de recyclage et en détournant les déchets municipaux de la mise en décharge". Le taux de recyclage est toutefois en baisse depuis 2017 et reste inférieur à la moyenne de l’UE. La Commission attend en conséquence "des efforts supplémentaires", et notamment la mise en place "de plans de gestion des déchets pleinement conformes à la directive-cadre sur les déchets". "Quatre régions n’ont pas soumis leurs plans de gestion" et "des lacunes subsistent" dans ceux qui l’ont été, déplore en effet Bruxelles, qui "suit de près l’adoption des plans régionaux manquants". L’amélioration et l’élargissement de la collecte séparée des déchets est également attendue, la Commission recommandant ici "des normes de service minimum" dans les municipalités "afin de garantir des taux élevés de capture des déchets recyclables" et le recours à une redevance proportionnelle au volume produit.

Information du public, climat, financement…

L’accès à l’information environnementale est également reconnu "comme un problème, notamment l’information sur la prévention des accidents industriels majeurs" (une procédure d’infraction est en cours) et la Commission demande d’intensifier les vérifications et le contrôle de l’application de la directive Seveso III. Parmi plusieurs préconisations en la matière, la Commission demande notamment de vérifier que les initiatives visant à renforcer la participation du public "atteignent leurs objectifs".

Côté climat, la Commission fixe comme actions prioritaires de "rendre les transports plus durables", de simplifier les règles pour le déploiement des infrastructures d’énergies renouvelables qui "progresse trop lentement" et de "veiller à ce que le secteur agricole soit sur une trajectoire bas-carbone".

La Commission observe par ailleurs "une nette réorientation des priorités d’investissement afin de soutenir les politiques climatiques", mais estime "qu’un déficit évident subsiste pour atteindre les objectifs fixés dans la SNBC [Stratégie nationale bas carbone, ndlr]  et la PPE [Programmation pluriannuelle de l'énergie, ndlr]". La France est notamment mise en avant dans le rapport global pour le nombre élevé d’obligations vertes émises en 2020. Sur la période 2014-2020, elle estime que le total des investissements dans le domaine de l’environnement a été en moyenne annuelle de 0,78% du PIB, au-dessus de la moyenne de l’UE, "en s’appuyant presque exclusivement sur des sources de financement nationales". Les besoins pour la période 2021-2027 représenteraient plus de 0,82% du PIB. En matière budgétaire, la Commission recommande comme action prioritaire pour 2022 la suppression des subventions, directes ou indirectes, à l’énergie et les autres formes de soutien lorsqu’elles ont une incidence négative sur la neutralité climatique et les objectifs plus généraux du pacte vert.

 

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