Evaluation environnementale : un nouveau décret en consultation pour désamorcer les risques de contentieux européen
Epinglée à plusieurs reprises sur sa transposition du cadre de l’évaluation environnementale des projets, la France procède à une adaptation par à-coups. Un nouveau projet de décret est soumis à consultation du public pour répondre en partie aux observations de la Commission européenne.
Le ministère de la Transition écologique met en consultation, jusqu’au 18 mars prochain, un projet de décret portant diverses réformes en matière d’évaluation environnementale et de participation du public dans le domaine de l’environnement et apportant diverses modifications aux codes de l’environnement et de la sécurité sociale. Sur ce dossier aux multiples rebondissements, la France n’est toujours pas dans les clous. Preuve en est la lettre de mise en demeure complémentaire que la Commission européenne vient de lui adresser pour qu'elle mette sa législation nationale en conformité avec la directive 2011/92/ UE concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (lire notre article du 19 février 2021). C’est toutefois sur un avertissement antérieur que repose ce nouveau projet de texte, dont l’objectif principal est de répondre aux observations déjà formulées par la Commission dans une première lettre de mise en demeure en mars 2019. Force est de constater, que la réponse, prenant appui sur la loi Energie et climat, apportée par le décret du 3 juillet 2020 relatif à l'autorité environnementale et à l'autorité chargée de l'examen au cas par cas n’a pas clos le chapitre. Et le feuilleton juridique débuté il y a une dizaine années devrait encore connaître de nouveaux rebondissements, sachant qu’un recours contentieux de France nature environnement (FNE) au Conseil d’État est en cours.
Réponse partielle aux critiques
Plusieurs points du projet de texte ont pour but "une transposition plus complète de la directive 2011/92", sans qu’il soit question ici des griefs de conflits d’intérêt dans la fonction d’autorité environnementale.
Premier sujet : la nomenclature de l’évaluation environnementale des projets. Le tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, qui permet de déterminer si un projet doit faire l'objet d'une évaluation environnementale de façon systématique ou après examen au "cas par cas", est modifié en conséquence dans plusieurs rubriques (production d’amiante, routes, seuils de déboisement etc.). L’article R. 122-3-1 est également complété par une annexe afin d’y intégrer les critères de l’examen au cas par cas de l’annexe III de la directive 2011/92 et éviter une transposition "par référence", c’est-à-dire par renvoi aux dispositions de la directive sans en reprendre le contenu, à laquelle la Commission est défavorable.
A l’article R. 122-5 relatif à la réalisation de l’étude d’impact et à son contenu, le texte inclut une obligation de prise en compte d’autres évaluations des incidences et de l’avis de cadrage préalable. Concernant l’analyse des "effets cumulés", une nouvelle rédaction plus conforme à la directive est là aussi proposée. Les articles R. 512-46-12 et R. 512-46-18 sont modifiés pour apporter des précisions sur les délais d’examen "au cas par cas" dans le cadre des procédures d’enregistrement d’ICPE.
Modifications "post ratification"
Par ailleurs, le projet de texte introduit des mesures d’adaptation "post ratification" de l’ordonnance 2016-1058 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets et de l’ordonnance n°2016-1060 relative à la participation du public. Ces dispositions figuraient déjà dans le projet de décret "Autorité environnementale" de 2018, qui n’a pas abouti, et n’ont pas été reprises dans le décret du 3 juillet 2020 "afin de limiter son périmètre", explique le ministère. Il s’agit notamment de mettre à jour à l’article R.121-25 le seuil financier de la déclaration d’intention (abaissé à 5 millions d’euros) pour déclencher le droit d’initiative permettant de demander l’organisation d’une concertation préalable au préfet. A l’article L.122-9 est mentionnée l'obligation d’une réponse écrite du maître d’ouvrage à l’avis de l’autorité environnementale. Autre précision (R-123-13), lors de l’enquête publique, la mise à disposition sur internet ne concerne que les observations et propositions du public transmises par voie électronique.
Les articles R.122-25 à R.122-27 sont quant eux modifiés "pour rendre plus lisibles" les procédures communes et coordonnées d’évaluation environnementale, c’est-à-dire valant à la fois évaluation environnementale du plan, ou programme concerné (par exemple, un document d’urbanisme) et évaluation environnementale du projet (de travaux, de construction, d’aménagement ou autre) que le plan ou programme vise à autoriser. Enfin, diverses dispositions font l’objet de mises en cohérence rédactionnelles, correction des coquilles (notion d’"incidences" au lieu de la mention des "effets", notion de "plans et programmes"…).