Air, eau, sols : la Commission européenne affiche un objectif "zéro pollution"
La Commission européenne a présenté un plan d'action pour une "pollution zéro" de l'air, de l'eau et des sols. Le document fixe un certain nombre d'objectifs, parfois encore mouvants, à atteindre d'ici 2030 et présente un calendrier d'actions qui devraient être menées d'ici 2024, dont un certain nombre ont déjà été annoncées, voire sont en cours d'adoption.
Dans le cadre de son "pacte vert", la Commission européenne vient d'adopter ce 12 mai son plan d'action "Vers une pollution zéro pour l'air, l'eau et les sols" et ses annexes. Précisément, l'objectif affiché vise à réduire la pollution de ces trois éléments "à des niveaux qui ne sont plus considérés comme nocifs pour la santé et les écosystèmes naturels et qui respectent les limites auxquelles notre planète peut faire face, créant ainsi un environnement sans toxicité". On relèvera la référence aux "limites planétaires", notion chère à la Convention citoyenne pour le climat (mais non reprise dans le projet de nouveau délit d'écocide prévu par le projet de loi Climat et Résilience en cours de discussion).
Six cibles, parfois encore mouvantes, à atteindre d'ici 2030
Cet objectif de "pollution zéro" devra irriguer l'ensemble des politiques de l'Union, pour lesquelles il fera office de "boussole". Il se décline par ailleurs sous la forme de six cibles à atteindre en 2030 (avec des années – ou périodes – de référence différentes, quand elles sont définies) :
- réduire d'au moins 55%, par rapport à 2005, le nombre de décès prématurés dus à la pollution de l'air ;
- réduire de 30%, par rapport à 2017, la part des personnes perturbées de manière chronique par le bruit des transports ;
- réduire de 25%, par rapport à 2005, le nombre d'écosystèmes de l'Union où la pollution de l'air menace la biodiversité ;
- réduire de 50% la perte de nutriments des sols (par rapport à la période 2012-2015), les pesticides chimiques (selon trois volets : leur utilisation globale, l'utilisation des plus dangereux d'entre eux et les risques que leur utilisation génère, le tout par rapport à la période 2011-2017) et la vente d'antimicrobiens pour les animaux d'élevage et l'aquaculture (par rapport à 2018) ;
- réduire de 50% les déchets plastiques en mer et de 30% les microplastiques rejetés dans l'environnement, dans les deux cas par rapport à 2016 ;
- réduire de façon significative la production de déchets et de 50% les "déchets municipaux résiduels"… par rapport à une année de référence qui reste à définir !
Renverser la pyramide de l'action contre la pollution
Le plan vise également à "renverser la pyramide" de l'action contre la pollution, pour promouvoir une "séquence ERC" – Éviter, réduire, compenser – bien connue des environnementalistes français (la notion a été introduite par la loi de protection de la nature de 1976). "Il est grand temps […] de repenser la manière dont les biens et services sont conçus, produits, livrés, exécutés et/ou utilisés et éliminés", affirme la communication, qui précise que la pollution doit d'abord être évitée à la source, minimisée lorsque cela n'est pas (encore) possible et, enfin, lorsqu'elle survient, doit être corrigée et les dommages qui y sont liés compensés.
Des actions… pas toujours nouvelles
La Commission dresse enfin une liste d'actions-clés, devant être conduites d'ici 2021-2024, articulées autour de sept rubriques :
- améliorer la santé et le bien-être, la Commission prévoyant notamment ici deux "actions phares" : d'une part, la réduction des inégalités en matière de santé, avec la création d'ici 2024 d'un "registre des inégalités" recensant les disparités entre les régions de l'Union (cancers, autres maladies liées à la pollution, etc.) ; d'autre part, un soutien à l'action urbaine, avec un programme de récompenses des villes ayant réalisé les plus grands progrès sur la période 2021-2023 dans la réduction de la pollution ;
- vivre sans dépasser les limites planétaires, avec comme action "vaisseau amiral" la production d'ici 2024, en coopération avec le Comité des régions, d'un tableau de bord des performances vertes des régions de l'Union, accessible au public afin de "créer une course à la pollution zéro", et qui sera également utilisé pour l'attribution de certains prix ("région verte de l'année", voire Regiostars) ;
- vers une pollution zéro de la production à la consommation, avec notamment l'édiction, d'ici 2024, de recommandations visant à renforcer la mise en œuvre du principe pollueur-payeur et à supprimer progressivement la "pollution gratuite" ;
- assurer une mise en œuvre et une application plus stricte, au sein de laquelle figure notamment la révision en cours de la directive "criminalité environnementale" ;
- stimuler le changement vers une pollution zéro dans l'ensemble de la société, et notamment à travers "les villes et les régions", dont la Commission souligne qu'elles sont nombreuses à être "à l'avant-garde" du combat contre la pollution, mais aussi "nombreuses à lutter de manière insuffisante" contre cette dernière, alors que, par exemple, "les normes de qualité de l'air de l'Union sont encore enfreintes dans plus de cent villes de l'UE" (en France notamment). La Commission entend notamment lancer des "laboratoires vivants" (Living Labs) visant à aider les autorités régionales et locales à développer des solutions numériques "vertes" et "une pollution zéro intelligente" (sic) ;
- promouvoir un changement mondial en faveur de la pollution zéro, incluant ici la restriction de l'exportation de produits dont la mise sur le marché n'est plus autorisée dans l'Union et des déchets ;
- suivre les progrès, anticiper les mouvements et maîtriser la pollution zéro.
Outre un certain nombre de concepts à l'intitulé parfois ésotérique, dont on peine à cerner les traductions concrètes, figurent dans ce plan d'action nombre de mesures – dont la refonte d'un certain nombre de directives ou de règlements – déjà prévues, voire en cours d'adoption. Relevons également que d'autres documents de planification sont encore attendus, comme la "stratégie sur les sols" que la Commission doit présenter d'ici la fin de l'année, ou encore, parmi d'autres, des "orientations" relatives à la création d'un passeport pour les terres excavées.