Archives

Le Sénat met les terrains synthétiques et les ballons de baudruche à l'index

Le Sénat a adopté à l'unanimité ce 11 mars une proposition de loi visant à lutter contre la pollution plastique. Deux mesures concernent particulièrement les collectivités : l'interdiction de nouveaux terrains synthétiques employant des granulés plastiques à compter du 1er mars 2026 et l'assimilation des lâchers de ballons de baudruches et de lanternes volantes à un abandon de déchets.

C'est à l'unanimité des sénateurs présents qu'une proposition de loi "visant à lutter contre la pollution plastique", a été adoptée en première lecture ce 11 mars. Déposé par Angèle Préville (Lot, groupe socialiste, écologiste et républicain), ce texte fait suite au rapport que la sénatrice a consacré à ce sujet, avec le député Philippe Bolo (Maine-et-Loire, Modem), au nom de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Dans ce document publié en décembre dernier, les élus alertaient sur cette "bombe à retardement" que constitue ce qui est désormais "le troisième matériau le plus fabriqué au monde après le ciment et l’acier", soulignant que "chaque minute, c’est l’équivalent d’un camion-poubelle de déchets plastiques qui se déverse dans les océans".

Le titre du texte a été modifié. Il visait initialement à "lutter contre le plastique", matière qui ne présente bien évidemment pas – loin s'en faut – que des défauts. "Le plastique a considérablement allégé le poids des matériaux, contribuant ainsi à réduire significativement les consommations de carburant et les émissions de CO2", relevait ainsi le rapport. Au cours des débats, le sénateur Olivier Cigolotti (Haute-Loire, UC) a également souligné que la crise du covid a rappelé "à quel point la plasturgie est essentielle pour notre pays : visières, surblouses, gants...". "Au lieu de multiplier les interdictions, aidons nos industriels à développer la recherche. Le risque est de les faire disparaître et de devoir encore importer du plastique !", a-t-il plaidé.

Deux dispositions intéressent particulièrement les collectivités locales

Pas de granulés plastiques pour les nouveaux terrains de sport à compter de mars 2026

• La première en tant que gestionnaire des équipements sportifs, puisque le texte interdit l'emploi de granulés plastiques sur les terrains de sport synthétiques mis en service à compter du 1er mars 2026.

Sans surprise, puisque le débat n'est pas nouveau, la mesure a été discutée. Des sénateurs – Jean-Jacques Lozach (Creuse, groupe socialiste, écologiste et républicain) et Gilbert-Luc Devinaz (Rhône, même groupe) soulignent les avantages de ces terrains – temps d’utilisation quasi sans limite et dans toutes conditions atmosphériques, soulagement de la pression sur les terrains gazonnés, dont l'entretien est lui aussi polluant, recyclage des pneus en fin de vie… – et l'absence d'alternatives viables à la même échelle (noyaux d’olive concassés ne participant pas aux valeurs sportives du revêtement, liège [mis en place par exemple à Bouaye] nettement plus cher à l’achat mais aussi à l’utilisation, car moins stable). Ils ont encore argué des travaux en cours au niveau européen devant aboutir prochainement et qui doivent conduire soit à une interdiction, soit à des mesures de confinement des granulés,  ou de ceux menés depuis l'automne par un groupe de travail conduit par les ministères des Sports et de la Transition écologique et déploré l'absence d'étude d'impact. En vain, Martine Filleul (Hauts-de-France groupe socialiste, écologiste et républicain), rapporteur du texte et auteur de cet amendement, mettant de son côté en avant la dispersion dans la nature de quelque 50 kg de granulés par terrain chaque année. Même l'amendement visant, avec l'aval du gouvernement, à reporter l'interdiction en 2028 a finalement été repoussé.

Le lâcher de ballons de baudruches, abandon de déchets

• La seconde au titre des pouvoirs de police du maire, le texte disposant que "le fait de procéder intentionnellement à un lâcher de ballons de baudruche en plastique ou de lanternes volantes [y compris biodégradables, un temps exclues] sans s’assurer qu’ils retomberont dans des lieux appartenant à la personne qui l’accomplit ou à des personnes qui y ont préalablement consenti est assimilé à un abandon de déchets commis sur le lieu du lâcher". L'ajout, en séance publique, de cette dernière mention visant à faciliter l'exercice par le maire de son pouvoir de police.

Martine Filleul avait d'abord amendé le texte afin de renvoyer au régime de sanctions prévu à l’article L. 541-46 du code de l'environnement, conduisant ainsi à une peine de deux ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende ou à une amende forfaitaire de 1.500 euros. Avant de se raviser. In fine, l'infraction sera passible d'une contravention de 4e classe.

Chasse aux fuites de plastiques et aux microbilles

Par ailleurs, le texte :

- ajoute à l'obligation faite par la loi Agec, à compter du 1er janvier 2022, aux sites de production, de manipulation et de transport de granulés de plastiques industriels de se doter d'équipements et de procédures permettant de prévenir les pertes et les fuites de granulés dans l'environnement, de disposer également à cette fin de "systèmes d’information par voie d’affichage". Ces sites devront en outre, à compter de la même date, déclarer chaque année les pertes et fuites de granulés plastiques ;

- interdit à compter du 1er juillet 2022, la mise sur le marché de détergents contenant de manière intentionnelle des microbilles plastiques ;

- requiert du gouvernement la remise d'un rapport au Parlement d'ici la fin de l'année sur les impacts sanitaires, environnementaux et sociétaux de l’utilisation dans l’industrie textile de fibres plastiques pouvant être à l’origine de microfibres dans l’environnement. Ce rapport devra notamment aborder le sujet de la recherche et l’impact mesuré et tangible de la présence diffuse de cette pollution.

L'impact de la restauration livrée dans le viseur

Face à l'explosion des déchets plastiques générée par la restauration livrée (estimés à 600 millions d'emballages uniques chaque année), et jugeant insuffisante la charte signée le 15 février dernier par le gouvernement avec 19 acteurs du secteur, un amendement visant à contraindre, à compter du 1er janvier 2025, les plateformes facilitant par l’utilisation d’une interface électronique la livraison à domicile de repas à proposer au consommateur final la livraison dans un contenant réutilisable et consigné avait également été déposé, avant d'être retiré. Il devrait être redéposé dans le cadre du projet de loi Climat et Résilience, en cours de discussion à l'Assemblée nationale.