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Interdiction du plastique jetable : les craintes des collectivités s'expriment

Lors d'un débat organisé ce 5 novembre à l'Association des maires de France (AMF), des élus ont partagé leurs inquiétudes suite au raffermissement des mesures visant à interdire les contenants alimentaires et ustensiles en plastique dans les cantines scolaires.

La loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite "EGalim", étend la liste des ustensiles en plastique dont la "mise à disposition" va être progressivement interdite. Son article 28 modifie le code de l'environnement en mettant fin "au plus tard en janvier 2025" à l'utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en plastique notamment dans les services de restauration des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans. Dès 2020, l'utilisation de bouteilles d'eau plate en plastique sera bannie de la restauration collective scolaire.

Des différences d'appréciation

"Cela a été décidé à l'issue d'un débat parlementaire relativement pauvre et elliptique", estime-t-on à l'AMF, co-organisateur le 5 novembre avec le magazine Valeurs vertes d'une conférence sur le sujet. Soixante sénateurs ont eu beau s'y opposer, le Conseil constitutionnel n'a pas retoqué les dispositions de la loi. Dans sa réponse à leur saisine rendue publique fin octobre, les Sages ont confirmé que l'interdiction cible bien les ustensiles à usage unique et donc jetables. Concernant les contenants alimentaires, ils précisent qu'il est permis aux collectivités d'expérimenter durant trois ans l'interdiction avant de réellement se lancer. Dans l'hémicycle, il fut question de prévention de la pollution, de réduction des déchets plastiques, de protection de la santé, etc. mais sur le terrain le ressenti des élus est tout autre. Pour Jean-Charles Lavier, président du Smirtom (syndicat mixte de ramassage et de traitement des ordures ménagères) de Montargis (Loiret), "il est malvenu de viser les cantines scolaires, la mesure est perçue comme anxiogène". D'autres villes, comme Nice, ont en revanche saisi la perche au vol et annoncé bannir dès la rentrée prochaine le plastique "de l'intégralité du process de production jusqu'au réchauffage dans les restaurants scolaires".

Mesures sibyllines

Le maire d'une petite commune des Côtes-d'Armor et président d'un syndicat mixte de traitement des déchets ménagers et assimilés (Smitred) couvrant 200.000 habitants, Jean-Yves Menou, réagit également : "D'accord pour réduire autant que faire se peut les produits en plastique à usage unique. Mais cette tendance à l'interdiction et ce discours sur les risques sanitaires vont trop loin et tendent à brouiller le message sur la recyclabilité des plastiques. Veillons aussi à ne pas plomber les efforts des collectivités engagées dans des démarches vertueuses." Ni à contrarier une dynamique d'équipement : le Smitred s'apprête ainsi à ouvrir avec son voisin rennais une unité de recyclage des plastiques durs.

Pas un plastique mais des plastiques

Parler de plastique est en fait inapproprié tant ils sont divers et variés. Les spécialistes lui préfèrent l'appellation polymères dont les combinaisons sont multiples et l'utilisation en constante croissance : "De quelques millions de tonnes dans l'après-guerre, la production mondiale est passée à plus de 350 millions de tonnes. Principalement pour l'emballage mais aussi tous les secteurs, dont les transports et l'automobile qui en font un usage croissant. De nouvelles résines apparaissent comme le PEF biosourcé. La plupart des polymères se dégradent très lentement, en 400 ans : leur fin de vie pose problème. Il existe bien sûr des bioplastiques mais ce terme est flou", observe Brigitte Rousseau, directrice-adjointe du département chimie à la Sorbonne Université. Et les bioplastiques ? Citeo, issu du rapprochement entre Eco-emballages et Ecofolio, les considère comme des perturbateurs de recyclage. "Il y a un enjeu de terminologie sur lequel planche le club bio-plastiques", intervient un participant. "Une chose est claire, nous militons auprès de nos adhérents pour qu'aucun déchet bioplastique compostable n'atterrisse dans la filière déjà fragilisée du compost à destination agricole", tranche-t-on à l'AMF.