Culture - Intermittents : les concessions de Matignon sauveront-elles la saison des festivals ?

Le 19 juin en fin de journée, Manuel Valls a reçu le rapport du médiateur Jean-Patrick Gille, député (PS) d'Indre-et-Loire, bon connaisseur de la question des intermittents et auteur d'un rapport d'information sur l'emploi dans les métiers artistiques. Quelques minutes plus tard, le Premier ministre a annoncé les décisions du gouvernement sur ce dossier très sensible.

L'Etat va rapidement agréer l'accord sur l'Unedic

Premier point : reprenant les affirmations maintes fois réitérées du ministre du Travail, François Rebsamen, Manuel Valls a confirmé que l'Etat va rapidement agréer l'accord majoritaire sur la réforme de l'assurance chômage - et donc de ses annexes 8 et 10 traitant des intermittents -, signé en mars dernier, par une grande partie des partenaires sociaux : CFDT, FO, CFTC et Medef, CGPME et UPA (voir notre article ci-contre du 25 mars 2014). Le Premier ministre a été très clair sur ce point : "Je le confirme, cette convention doit être agréée et elle sera agréée par le gouvernement. Il y va du respect de la signature des partenaires sociaux majoritaires qui l'ont signée."
Cette décision n'offrait au demeurant guère d'échappatoire - sauf à remettre en cause les fondements du dialogue social -, mais elle ne manquera pas de passer pour une provocation aux yeux des intermittents et de la CGT, qui réclamaient un refus ou un report de l'agrément.

Le différé d'indemnisation "neutralisé"

Côté carotte, Manuel Valls a finalement renoncé à la mise en place - un temps envisagée - d'un fonds de soutien à l'intermittence, comme après la crise de 2003. En revanche, il a annoncé le maintien du "fonds transitoire", qui apporte un soutien financier aux intermittents les plus précaires.
Il a surtout affirmé que "les intermittents concernés ne verront pas de changement de leur situation par rapport à la situation actuelle". Concrètement, l'Etat va annuler de fait - en la prenant à sa charge - la mesure la plus contestée de la réforme : l'instauration d'un "différé d'indemnisation", autrement dit un délai de carence, à la fin d'une période d'activité professionnelle. Selon les estimations de l'Unedic, ces différés devaient concerner environ un quart des artistes et moins de la moitié des techniciens. Ce sont donc eux qui "ne verront pas de changement de leur situation", malgré l'entrée en vigueur de la réforme. Manuel Valls a indiqué que "l'Etat s'engagera dès le 1er juillet. Il prendra lui-même en charge ce différé, c'est-à-dire qu'il le financera pour que Pôle emploi n'ait pas à l'appliquer aux intermittents concernés". Cette mesure devrait avoir un coût de l'ordre de 90 millions d'euros pour le budget de l'Etat.

Crédits maintenus et remise à plat

Le Premier ministre a également annoncé un second "geste d'apaisement". Il a ainsi affirmé que le budget consacré au spectacle vivant et à la création artistique sera maintenu dans les trois prochaines années, soit jusqu'en 2017.
Enfin, reprenant la suggestion du rapport du médiateur, Manuel Valls a annoncé l'engagement d'une concertation sur une remise à plat du régime des intermittents, afin de "rompre avec ce cycle infernal de crises et de tensions" et de mettre en place "un cadre enfin sécurisé et stabilisé". La concertation devrait donc reprendre dans les prochains jours, sous la houlette de Jean-Patrick Gille, assisté d'Hortense Archambault, ancienne directrice du festival d'Avignon, et de Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du Travail.

Trop tard pour les festivals ?

Ces concessions suffiront-elles à sauver la saison des festivals ? Rien n'est moins sûr. L'agrément de l'accord passe mal chez les intéressés, la prise en charge du différé d'indemnisation est une mesure par nature temporaire et l'annonce d'une négociation sur une remise à plat du régime ne rassure pas les intermittents, attachés avant tout au maintien du régime actuel.
Si la Coordination des intermittents se réjouit de l'annonce du maintien des crédits du spectacle vivant, elle voit "déception sur déception" dans les autres mesures annoncées par le Premier ministre. Pour sa part, la CGT Spectacle a réagi en évoquant des "mesurettes" et va déposer un nouveau préavis.
Même le Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles) se dit "partagé" sur les annonces de Manuel Valls, y voyant tout juste une "porte entrouverte". Plus que jamais, les maires ont donc du souci à se faire pour les festivals de cet été.

 

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