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Culture - Le Sénat livre ses propositions pour réformer le régime des intermittents

Le régime des intermittents du spectacle fait décidemment l'objet d'une attention soutenue : après le rapport sur l'emploi dans les métiers artistiques présenté par l'Assemblée nationale en avril dernier (voir nos articles ci-contre du 30 avril 2013 et du 16 juillet 2012), c'est au tour du groupe de travail mis en place par la commission de la culture et de l'éducation du Sénat de faire connaître ses "recommandations pour assurer la pérennité et l'équité du système". Sans oublier bien entendu la Cour des comptes qui, en termes nettement moins aimables, ne cesse de réclamer, depuis des années, une réforme en profondeur de ce régime hors normes (voir notre article ci-contre du 29 novembre 2013).

Améliorer plutôt que remettre en cause

Faute de publication, avant une quinzaine de jours, du compte-rendu de présentation des conclusions devant la commission de la culture, la contribution du Sénat se limite pour l'instant à un communiqué du 18 décembre donnant la liste des douze propositions formulées par le groupe du travail. Mais celles-ci permettent déjà de se faire une bonne idée des orientations du Sénat sur le sujet.
En l'occurrence, il s'agit de parvenir à une amélioration du régime plutôt que de le remettre en cause dans l'esprit de la Cour des comptes. Parmi les différentes préconisations, le groupe de travail du Sénat propose ainsi d'appliquer un "choc de simplification" aux annexes 8 et 10 - qui fondent le régime des intermittents -, afin d'unifier et d'améliorer le traitement des dossiers par Pôle emploi. Il suggère également de permettre aux intermittents - artistes comme techniciens - de valoriser jusqu'à 90 heures d'enseignement et de médiation au cours de la période de référence.
D'autres propositions sont en revanche moins consensuelles et risquent de provoquer des remous chez les intéressés - comme celle consistant à augmenter le nombre d'heures de travail requises pour une ouverture des droits à l'assurance chômage (580 heures pour douze mois pour les artistes et 650 heures pour les techniciens) -, comme chez les employeurs (déplafonnement de l'assiette des cotisations d'assurance chômage).

Réduire la place de l'intermittence

Au-delà de ces mesures d'ajustement du régime, les propositions du groupe de travail témoignent clairement de la volonté de réduire la place de l'intermittence dans les métiers artistiques. Plusieurs préconisations vont en effet dans ce sens. Le groupe de travail du Sénat suggère ainsi d'obliger l'Etat et ses établissements publics à un devoir d'exemplarité pour lutter contre le recours abusif à des CDD d'usage. De même, il recommande de moduler les cotisations d'assurance chômage des employeurs en fonction de leur taux de recours au CDD d'usage, en veillant à tenir compte des situations particulières où ce recours s'impose. En dépit de cette dernière précision, une telle disposition serait de nature à freiner sensiblement le recours à l'intermittence.
Dans le même esprit, le Sénat invite les partenaires sociaux à ouvrir une négociation interprofessionnelle nationale et des négociations de branche sur les règles d'utilisation du CDD d'usage et - plus original - propose d'expérimenter la conclusion de contrats à durée indéterminée intermittents (CDII) dans le secteur du spectacle.
Enfin, une proposition vise plus spécialement le secteur de l'audiovisuel, qui concentre les abus les plus criants en matière d'intermittence. Elle consisterait soit à fixer un seuil au-delà duquel l'employeur doit proposer un contrat à durée indéterminée (CDI) soit, à défaut d'un accord conventionnel, à insérer, dans le Code du travail, un dispositif de requalification automatique des CDD d'usage en CDI, au-delà d'un certain seuil. Un dispositif qui peut sembler, à première vue, un moyen radical pour lutter contre le recours abusif à l'intermittence, mais qui peut aussi engendrer des détournements et des "arrangements" entre salariés et employeurs, dont le secteur est coutumier depuis de longues années.