Culture - Rapport sur l'emploi dans les métiers artistiques : les collectivités mises à contribution
Dix ans après la paralysie de la saison 2003 des festivals par les intermittents qui s'opposaient à un projet de réforme de leur régime d'assurance-chômage, la saison d'été 2013 s'annonce sous de bons auspices. La commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité un rapport d'information très attendu sur les conditions d'emploi dans les métiers artistiques qui se prononce sans ambiguïté pour le maintien du régime, moyennant quelques aménagements.
Lors de leurs auditions respectives par la commission, Aurélie Filippetti, Marisol Touraine et Michel Sapin s'étaient, eux aussi, prononcés très clairement pour un statu quo. Principal argument avancé par le rapport : appliquer aux intermittents les règles du régime général de l'Unedic n'engendrerait "que" 320 millions d'euros d'économies, le déficit passant alors de 1.028 à 707 millions d'euros. Ce raisonnement est certes discutable - il suppose que le nombre d'intermittents du spectacle, très élevé en France, resterait le même avec un régime d'indemnisation nettement moins favorable -, mais il n'a pas manqué de produire son effet.
Pas de réforme, mais des mesures
Si le régime des annexes VIII et X de la convention Unedic échappe ainsi à la réforme - malgré les critiques récurrentes de la Cour des comptes et celles d'économistes préconisant de subventionner la production culturelle plutôt que le chômage des acteurs culturels -, le rapport adopté par la commission n'en propose pas moins une trentaine de mesures, dont certaines intéressent très directement les collectivités territoriales, notamment à travers leur soutien aux activités artistiques et aux festivals.
Dans le chapitre consacré à la rémunération des artistes, le rapport suggère ainsi d'assurer une rémunération équitable des créateurs, ce qui l'amène à considérer que "l'absence de rémunération de leur droit de présentation publique par les diffuseurs, en particulier les collectivités territoriales, ne peut perdurer". Pour assurer l'effectivité de ce droit, les rapporteurs préconisent "d'assurer l'effectivité de la rémunération de ce droit, ce qui nécessitera, à l'évidence, une entreprise d'ampleur d'information et de sensibilisation des acteurs publics locaux". La commission recommande aussi d'engager une réflexion sur le "1% décoration", qui reste trop souvent ignoré dans la programmation des travaux ou bénéficie davantage aux cabinets d'architectes (en étant intégré à la conception des bâtiments) qu'aux "artistes visuels".
Sans se prononcer ouvertement en sa faveur, le rapport se montre intéressé par une piste évoquée par certaines des personnes auditionnées, mais aussi par la Cour des comptes, qui consisterait à mettre en place un financement du régime à trois composantes : un socle de solidarité interprofessionnelle qui ne prendrait en charge qu'une partie du déficit, des cotisations d'assurance chômage des employeurs modulées en fonction de l'intensité de leur recours aux CDD d'usage et, enfin, "le remboursement par l'Etat et les collectivités territoriales, donneurs d'ordre à grande échelle dans la production de spectacles et la création d'emplois intermittents, au titre de leur politique culturelle, d'une partie des sur-cotisations dues par les employeurs les plus touchés par la modulation du taux de cotisation, en fonction d'objectifs et d'informations précis et opposables". Pour les rapporteurs, les collectivités auraient également un rôle à jouer dans le soutien à des expériences innovantes pour améliorer la qualité de l'emploi artistique et l'accompagnement des jeunes artistes.
Les collectivités auront-elles les moyens ?
Lors de l'examen du rapport en commission des affaires culturelles, des députés ont également insisté sur le rôle des collectivités dans la régulation du marché du travail, en estimant que "les collectivités territoriales et l'Etat doivent assurer et vérifier le paiement intégral des salaires pour les spectacles qu'ils programment". D'autres ont fait part, en revanche, de leurs réserves sur certaines propositions, en insistant sur le fait qu'"augmenter la durée d'emploi des personnels en augmentant le nombre de représentations est une dépense supplémentaire que ces collectivités ne peuvent pas forcément assumer".
Parmi les autres propositions du rapport - de portée plus générale même si certaines concernent aussi les collectivités - on retiendra notamment la lutte contre la précarité et la permittence (intermittents employés de manière permanente) dans l'audiovisuel, l'intensification de la lutte contre le travail dissimulé dans le secteur du spectacle, l'adoption de mesures législatives sécurisant la pratique amateur par la fixation d'un certain nombre de critères, une contribution chômage accrue pour les intermittents "les mieux insérés sur le marché du travail", le rapprochement entre la Maison des artistes et l'Agessa, ou encore la poursuite de la structuration professionnelle du secteur artistique.