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Culture - Intermittents du spectacle : la mèche est toujours allumée

La Cour des comptes revient une nouvelle fois sur le régime des intermittents, n'hésitant pas à parler de "la persistance d'une dérive massive", avec un déficit de plus d'un milliard d'euros par an. Les réponses divergent selon les ministères.

Conformément à l'article L.143-10-1 du Code des juridictions financières, la Cour des comptes s'est penchée, dans son dernier rapport public annuel, sur la mise en oeuvre de certaines recommandations issues de ses précédents rapports. Parmi la vingtaine de sujets abordés, elle est revenue - une nouvelle fois - sur la situation du régime des intermittents. Un sujet soigneusement éludé par les pouvoirs publics depuis la crise majeure du milieu des années 2000 qui avait alors secoué le monde culturel, mais qui continue de donner des sueurs froides aux collectivités et aux organisateurs de festivals, surtout à l'orée de la saison des festivals. Des sueurs froides qui pourraient se multiplier dans les prochains trimestres, puisque le compromis qui a permis la survie du régime des intermittents (annexes VIII et X de la convention relative à l'assurance chômage) n'est officiellement en vigueur que jusqu'au 31 décembre 2013.
La Cour des comptes n'a pas ces pudeurs, ni ces contraintes. Elle n'hésite donc pas à intituler le chapitre qu'elle consacre au sujet : "Le régime des intermittents du spectacle : la persistance d'une dérive massive". Rappelant qu'"au cours des dix dernières années, la Cour a consacré plusieurs interventions au régime d'indemnisation des intermittents du spectacle", elle met à nouveau en cause "le déséquilibre financier récurrent de ce dispositif, ainsi qu'une grande fragilité face aux comportements de fraude". Les chiffres sont connus, mais méritent d'être rappelés. Sous l'effet de règles d'indemnisation "très favorables au regard du droit commun de l'assurance chômage" et de conditions d'activité difficilement contrôlables, le nombre de personnes indemnisées au moins une fois dans l'année continue de croître (106.619 en 2010 contre 102.223 en 2007), avec un taux de chômage "structurellement élevé" que la Cour estime à 31%. Si le déficit du régime des intermittents semble désormais à peu près stabilisé - sous l'effet du recul du nombre d'heures travaillées -, c'est à une hauteur très élevée : un peu plus d'un milliard d'euros chaque année depuis 2007, les dépenses du régime représentant près de 5,5 fois le montant des cotisations...

Un tiers du déficit de l'assurance chômage pour 3% des chômeurs

La conséquence en est que, malgré "la persistance d'un régime subsidiaire financé par l'Etat" pour alléger le régime principal, "en 2010, le déficit du régime a représenté un tiers de celui de l'assurance chômage dans son ensemble, alors même que les intermittents ne représentaient que 3% des demandeurs d'emploi en fin d'année". Ce constat est déjà bien connu, de même que l'appel de la Cour des comptes aux partenaires sociaux gestionnaires de l'assurance chômage pour "prendre d'urgence des mesures correctrices".
Les réponses au rapport apportées par les trois ministres concernés (Travail, Budget et Culture), de même que celles de l'Unedic, de Pôle emploi et du Fonds de professionnalisation et de solidarité (FPS) montrent bien que, si la mèche est toujours allumée, il est peu probable que le dossier s'embrase à court terme. Si le ministère du Budget "partage le constat" de la Cour et "prend acte" des propositions adressées aux partenaires sociaux, le ministère de la Culture s'emploie au contraire à défendre le compromis passé pour la survie du régime. Tout en soulignant "la spécificité des conditions d'emploi des artistes et techniciens du spectacle, et notamment le caractère discontinu de leur emploi", le ministre de la Culture n'hésite pas affirmer que "le terme de 'dérive' [lui] semble inapproprié dans un contexte où l'ensemble des partenaires et l'Etat ont assuré la maîtrise de l'évolution de ce régime".
Seule certitude face à cette divergence de taille entre départements ministériels : les mois qui viennent - avec leurs échéances électorales - ne verront aucune réforme du régime. Les festivals du printemps et de l'été devraient donc pouvoir se tenir sans encombre. Mais, passé ce répit, le dossier sera à nouveau sur la table, approche de l'échéance du 31 décembre 2013 et redressement des comptes sociaux obligent. Tout sera alors possible et le retour des perturbations semble quasiment inévitable...