Culture - L'emploi dans le spectacle vivant a été multiplié par deux en dix ans
En pleine polémique - récurrente - sur le régime des intermittents, l'étude publiée par le département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture pourrait presque passer pour une provocation. Intitulée "Tendances de l'emploi dans le spectacle", elle montre en effet que le nombre de personnes déclarant exercer à titre principal un métier du spectacle vivant a plus que doublé depuis 1990, pour atteindre plus de 190.000 actifs en 2010 : 74.100 artistes et 116.400 professionnels technico-artistiques. Cette "croissance exceptionnelle des effectifs" est cinq fois supérieure à la progression totale de l'emploi au cours de la même période...
Dérive ou dynamisme ?
Ce résultat étonnant ne manquera pas d'être interprété de deux façons diamétralement opposées. Côté Medef - qui voudrait forcer la main du gouvernement pour revoir les annexes 8 et 10 de la convention Unedic régissant le régime des intermittents du spectacle -, c'est bien la preuve des dérives d'un système qui crée une "bulle d'emplois", grâce à un régime qui incite au maintien dans la filière et représente à lui seul le quart du déficit de l'assurance chômage (pour 3,6% des bénéficiaires).
Côté ministère de la Culture - qui conteste vertement les arguments du Medef et entend bien ne pas toucher au régime des intermittents -, c'est au contraire la preuve du dynamisme de la filière, qui fait partie - avec un nombre d'artistes sans commune mesure avec celui des autres pays européens - de l'exception culturelle française.
Un développement continu du salariat, mais précaire
Au-delà de ces polémiques, l'étude du DEPS apporte également d'autres informations intéressantes. Ainsi, l'augmentation des effectifs des professions du spectacle depuis vingt ans est allée de pair avec "un développement important et continu du salariat". Celui-ci est en effet passé de 74% à 85% des emplois. Salariat ne veut toutefois pas dire stabilité, car le salariat à durée déterminée (CDD, intérimaires, vacataires, emplois aidés...) est devenu majoritaire au cours de la période et représente désormais 55% des emplois.
La croissance la plus spectaculaire concerne toutefois les effectifs... des intermittents. Bénéficiant d'une forme particulière de CDD - dit "CDD d'usage constant" - leur nombre a été multiplié par près de trois en vingt ans, pour atteindre 154.000 en 2009. Après une forte croissance entre 1990 et 2000 (+6 à 7% par an), le rythme s'est ralenti entre 2000 et 2005 (+3%), avant de repartir à la hausse depuis cette date, à raison de +5% par an en moyenne. Cette croissance du nombre d'intermittents se fait au même rythme pour les artistes et pour les professionnels technico-artistiques.
Des écarts importants entre artistes et techniciens
En revanche, ce parallélisme n'est pas de mise sur d'autres aspects. Ainsi, les artistes intermittents déclarent en moyenne 44 jours de travail pour une rémunération brute annuelle de 9.200 euros (chiffres 2009), contre 82 jours et 16.600 euros pour les techniciens. De même, les indemnités de chômage représentent 51% du revenu total d'un artiste intermittent, contre 37% pour les techniciens.
Par ailleurs, l'offre d'emploi s'est fortement accrue, mais dans une proportion moindre que celle des effectifs. Aussi, après une légère embellie au début des années 2000, les situations individuelles des intermittents tendent à nouveau à se dégrader. Le nombre d'intermittents indemnisés par l'assurance chômage reste pourtant à peu près stable depuis une dizaine d'années. Cet apparent paradoxe s'explique notamment par une plus grande fragmentation de l'emploi intermittent et par un recul du montant moyen de l'allocation.