Social / Emploi - Emploi à domicile : tous les indicateurs sont au rouge
L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) publie - comme chaque trimestre - ses statistiques sur les particuliers employeurs. Ces données portent sur le premier trimestre 2013 et c'est peu dire qu'elles ne sont pas bonnes. Certes, l'aide à domicile est confrontée, depuis près de quatre ans, à un ralentissement tendanciel de son activité (voir nos articles ci-contre du 5 avril 2013 et du 23 octobre). Ce ralentissement a provoqué une véritable crise dans le secteur, même s'il n'en est pas le seul motif (la stratégie d'expansion tous azimuts et mal maîtrisée de certains réseaux durant les années 2005-2008 y étant aussi pour beaucoup). Il s'explique notamment par le ralentissement de la demande de la part de ménages confrontés à la crise économique et à la stagnation, voire aujourd'hui au recul, de leur pouvoir d'achat.
Une masse salariale en recul de 4,4% sur un trimestre
Mais les chiffres du premier trimestre 2013 traduisent une très nette dégradation de la situation, puisque les six indicateurs suivis par l'Acoss sont tous à la baisse. Tout d'abord, la masse salariale versée par les particuliers employeurs diminue de 4,4% (-6,6% en glissement annuel). Cette chute survient alors que la masse salariale s'était stabilisée au second semestre 2012, après avoir connu un premier décrochage de 2,7% au deuxième trimestre. Pour la première fois, le taux de salaire horaire moyen (9,4 euros) recule de 0,5%, ce qui aboutit à combiner à la baisse un effet prix et un effet volume. En glissement annuel, la progression du salaire horaire moyen reste toutefois de 1,4%, compte tenu des hausses des trois trimestres précédents.
Tous les autres indicateurs sont également en recul et ce dernier tend à s'accélérer nettement. Le nombre de particuliers employeurs (2,012 millions) baisse de 2,3% au premier trimestre 2013 et de 3,2% en glissement annuel. Le volume horaire déclaré (133,1 millions d'heures au premier trimestre) chute de 3,8% (cinq fois plus qu'au quatrième trimestre 2012) et de 7,9% en glissement annuel. L'horaire moyen déclaré par employeur (66,1 heures) recule plus modérément, du fait de la contraction du nombre d'employeurs : -1,6% au premier trimestre 2013 et -4,8% en glissement annuel. Enfin, le salaire moyen déclaré par employeur (622,7 euros) baisse respectivement de 2,1% et 3,4%.
Les assistantes maternelles montrent des signes de faiblesse
A cette convergence de mauvais résultats s'ajoute un autre motif d'inquiétude. Alors que jusqu'à présent, les assistantes maternelles - qui ne sont pas à proprement parler des emplois à domicile, puisqu'elles exercent à leur propre domicile - continuaient à faire preuve de dynamisme, elles commencent aujourd'hui à donner des signes de faiblesse. Ainsi, pour la première fois, le salaire moyen par employeur (1.045,30 euros) recule de 0,4% au premier trimestre, mais reste positif en glissement annuel (+1,4%). Cet accès de faiblesse est toutefois, par partie, compensé par la progression du nombre d'employeurs (909.000) - respectivement +0,6% et +1% - et par celle de la masse salariale nette (958,7 millions d'euros), qui augmente de 0,3% au premier trimestre et de 2,5% en glissement annuel. Mais le secteur reste fragile, puisque ces deux données étaient respectivement en recul de 0,8% et 0,3% au dernier trimestre 2012. En outre, la tendance au ralentissement s'observe quasiment depuis 2008.
Au total, en additionnant emploi à domicile et assistantes maternelles, le recul du nombre de particuliers employeurs (2,911 millions) est de 1,4% au premier trimestre et de 2,0% en glissement annuel. Il est respectivement de -2,7% et -2,9% pour la masse salariale nette (2,204 milliards d'euros au premier trimestre 2013).
Des réformes qui aggravent la crise ?
Devant cette accélération de la baisse - et cela sur tous les indicateurs de l'emploi à domicile -, il est difficile de ne pas s'interroger sur un possible impact négatif de la réforme des aides fiscales (voir nos articles ci-contre du 4 janvier 2013 et du 29 novembre et 18 septembre 2012). Celle-ci s'est traduite en effet - depuis le 1er janvier 2013 - par la suppression de l'assiette forfaitaire pour le calcul des cotisations des emplois à domicile et son remplacement par une baisse forfaitaire des charges sociales, moins favorable pour l'employeur, surtout lorsque la rémunération est supérieure au Smic).
Plus encore que cette mesure, le plafonnement des niches fiscales - toutes déductions confondues - à 10.000 euros par an (au lieu de 18.000 euros plus 4% du revenu imposable) a pu jouer défavorablement, surtout dans des secteurs où la rémunération moyenne de l'emploi à domicile est élevée. C'est notamment le cas pour les assistantes maternelles, où - sur la base d'un salaire mensuel moyen de 1.054 euros - le plafond de déduction annuel de 10.000 euros est atteint en neuf mois et demi.
Toute la question est maintenant de savoir si le brutal recul observé au premier trimestre 2013 correspond à un temps d'adaptation des ménages aux nouvelles règles, ou si la baisse des avantages fiscaux joue un rôle pro-cyclique en aggravant la tendance à la baisse d'un marché déjà déprimé. Réponse dans trois mois…
En attendant, une seule chose est sûre : le temps ou l'emploi à domicile était présenté comme le remède anti-chômage par excellence et l'eldorado de l'emploi - avec des centaines de milliers de créations annoncées notamment à l'époque du plan Borloo de 2005 - semble bel et bien révolu.