Consigne pour le recyclage des bouteilles en plastique : le débat est rouvert
Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’Écologie, a réuni ce 30 janvier au ministère de la Transition écologique quelque 80 structures (industriels, distributeurs, ONG, associations d’élus et de consommateurs…) afin de lancer une nouvelle concertation sur la possible mise en place de la consigne des bouteilles en plastique et des solutions alternatives. Les collectivités territoriales, Intercommunalités de France et France urbaine en tête, ont réitéré leur opposition à un dispositif qui "ajouterait de la complexité au geste de tri" et serait selon elles "préjudiciable" à la réduction des déchets.
Faudra-t-il à l'avenir acheter un peu plus chère sa bouteille d'eau puis la rapporter vide, contre quelques centimes rendus par un automate, ou améliorer le tri des déchets plastique pour augmenter les volumes de recyclage ? Le gouvernement a relancé ce 30 janvier le débat sur la mise en place éventuelle de consignes pour les bouteilles en plastique, une initiative qui avait été retirée in extremis lors de l'examen au Parlement de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) en 2020, après avoir déclenché une levée de bouclier des collectivités territoriales.
Calendrier de réunions
Fédérations des fabricants de boissons, de la distribution, associations d'élus, de consommateurs et ONG : près de 80 parties prenantes ont répondu présent ce lundi à l'invitation de Bérangère Couillard. Six réunions nationales sont prévues d'ici juin, et une par région, avec un point d'étape en avril, a précisé la secrétaire d'État à l'Écologie, qui compte décider en juin si la France lance le système de la consigne ou des mesures alternatives pour muscler le tri sélectif. "La concertation est ouverte aussi à d'autres matériaux, comme les canettes en aluminium, les briques de boissons, ou les bouteilles de verre, notamment dans le domaine du réemploi", a précisé Bérangère Couillard.
Les objectifs européens de taux de collecte des bouteilles plastique sont de 77% en 2025 et 90% en 2029. Or, la France plafonne en dessous de 60%, les emballages plastique n'étant ni collectés ni triés dans la plupart des poubelles de rue ou sur les lieux de travail.
"Pour les canettes d'aluminium, la France est à 50% de recyclage pour un objectif de 90% en 2030, et pour les packs de boisson, on est à 57% de récupération et de tri pour un objectif de 85% en 2030", selon la secrétaire d'État. "Grâce au dialogue qui va s'instaurer sur plusieurs mois, nous pourrons prendre la décision qui répondra au mieux à nos objectifs principaux : atteindre un meilleur taux de collecte, viser 100% de plastique recyclé, développer le réemploi et lutter contre les dépôts sauvages", a-t-elle ajouté, se disant "ouverte" à toutes solutions.
Perte de revenus pour les centres de tri
Au gouvernement, on admet que l'imposition d'une consigne de 10 à 15 centimes sur les bouteilles en plastique dans le cadre de la loi Agec aurait eu pour effet de diminuer les flux de plastique dans les bacs jaunes des déchets ménagers triés pour le recyclage, et de réduire les revenus des centres de tri pilotés par les collectivités. Négocié entre 600 et 700 euros la tonne, le plastique PET à recycler est en effet devenu une manne pour eux. Et les centres de tri ont investi massivement dans de coûteuses machines pour améliorer le tri. Ce qui a enfin permis, après plus d'une décennie de préparatifs, de simplifier depuis le 1er janvier les instructions de tri pour quasiment tous les Français, ouvrant l'espoir d'augmenter enfin les volumes de recyclage. Désormais, les emballages quels qu'ils soient doivent en effet être jetés dans les poubelles jaunes : tous les plastiques (PET, polystyrène, PVC..), les cannettes ou aérosols en aluminium, boîtes de conserve en acier, et les papiers ou cartons.
Mais des automates de collecte se multiplient, souligne le ministère qui estime à un millier le nombre de ces "consignes sauvages" en développement, qu'il "va falloir organiser". Car tout le monde a intérêt à récupérer ce plastique : les industriels de la plasturgie doivent obligatoirement inclure un pourcentage minimum de plastique recyclé dans leurs produits pour remplir leurs obligations climatiques européennes ; les collectivités, elles, en tirent un revenu. Dans certaines villes, ces automates ont "conduit des réseaux parallèles à mener des pillages de poubelles jaunes pour alimenter les automates", relève le ministère.
Dans les pays où elle existe, la consigne augmente significativement le taux de collecte et de recyclage des plastiques. Elle intéresse aussi les distributeurs car les automates attirent des clients qui avaient déserté les supermarchés pendant la période du Covid. "On appliquera la solution trouvée, mais on travaille à un entre-deux plutôt que de développer la consigne à 100% sur tout le territoire" a indiqué à l'AFP Antoine Bousseau, président de la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (Fnade), et responsable au sein du groupe Suez. Certaines régions comme les pays de Loire ou l'Alsace parviennent déjà en effet à des taux de 80% de bouteilles collectées.
Pour l'ONG Zero Waste, "la consigne ne peut pas être la totalité de la réponse à la problématique de la sortie du plastique à usage unique d'ici 2040". L'ONG insiste sur le réemploi, "la solution si on veut se sevrer du plastique".
France urbaine et Intercommunalités de France vent debout
Le retour du principe de la consigne continue en tout cas à faire figure d'épouvantail pour les collectivités. Dans un communiqué diffusé lundi soir, l'association France urbaine, qui représente les grandes villes, l'a qualifié de "non-sens écologique". "La consigne pour recyclage vient justifier un modèle de production du plastique qui ne peut être une solution durable à long terme", estime-t-elle. "Sur la performance de collecte des bouteilles en plastique, l’objectif européen est quasiment atteint du côté du service public de la gestion des déchets, notamment grâce à l’extension des consignes de tri, poursuit l'association. La marge de progrès à effectuer est avant tout en ce qui concerne le hors-foyer (poubelles de rue, dans les lieux publics tels que les gares…). Sortir la bouteille en plastique du bac jaune perturbera et complexifiera en outre le geste de tri des ménages, mais aussi tout le travail engagé par les collectivités pour le simplifier." Selon France urbaine, l'urgence est de "réduire la production de plastique à usage unique". Elle propose que le pays se dote d’"une véritable stratégie de prévention, de réemploi et de développement du vrac, plutôt que la consigne pour recyclage pour les bouteilles en plastique".
"Le message envoyé (...) apparaîtrait comme une incitation indirecte à choisir des produits emballés dans du plastique", a renchéri Intercommunalités de France, qui rappelle son attachement "au geste de tri unique sur les emballages généralisé dans l’ensemble des intercommunalités, toutes compétentes en matière de gestion des déchets, au 1er janvier 2023". "La gestion, le ramassage, et le traitement de tous les emballages par le biais de la 'poubelle jaune' a nécessité de lourds investissements pour les collectivités, et la mise en place d’une consigne sur les bouteilles en plastique ajouterait de la complexité et brouillerait le message pour les citoyens", juge l'association pour qui la "priorité reste la diminution des déchets, a fortiori des déchets plastique, qui ne bénéficient pas de la possibilité d’être réutilisés". "L'introduction d’une nouvelle règle spécifique aux bouteilles en plastique, dans un lieu distinct du bac collectif ou de la déchetterie, à savoir en grande surface, nuirait aux objectifs de réduction des déchets et pourrait être même contre-productif en décourageant les citoyens d’adhérer au tri de leurs déchets, met en garde Intercommunalités de France. En outre, un tel système induirait une diminution du financement du service public de gestion des déchets aux intercommunalités, au profit de la grande distribution, qui n’a pour sa part aucun intérêt à la réduction de la consommation de bouteilles en plastique."