Bérangère Couillard annonce 2 milliards d'euros pour le fonds vert… et veut rouvrir le couvercle de la consigne plastique
À l’occasion du congrès français de la nature qui se tenait au zoo de Beauval (Loir-et-Cher), la secrétaire d’État chargée de l’écologie a annoncé que le fonds vert serait finalement porté à 2 milliards d’euros. La ministre – qui a par ailleurs concédé que l’acte I de la nouvelle stratégie pour la biodiversité comportait "beaucoup de manques" – ne s’est toutefois pas contentée de cette "bonne nouvelle", n’hésitant pas à soulever le couvercle de quelques sujets sensibles : place du loup, fermeture de zones de pêche pour protéger les dauphins du golfe de Gascogne ou encore, retour de la consigne plastique.
C’est au zoo de Beauval – "l’un des cinq plus beaux zoos du monde" – que le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a organisé ces 10 et 11 octobre le congrès français de la nature. L’assistance n’était bien évidemment pas celle du congrès mondial de l’UICN qui s’est tenu l’an passé à Marseille (voir nos articles des 6 septembre et 13 septembre 2021). Le président Macron – dont l’épouse est la marraine de Yuan Meng, premier panda né en France dans ce zoo il y a 5 ans – n’a, cette fois, pas fait le déplacement. En revanche, la nouvelle secrétaire d’État chargée de l’écologie, Bérangère Couillard, y a fait un court passage. L’an passé, sa devancière avait profité de ce congrès pour présenter les grands axes de la future stratégie nationale pour la biodiversité (SNB - voir notre article du 10 septembre). Dévoilée en partie seulement depuis (voir notre article du 16 mars), celle-ci reste à parachever. "Je sais qu’elle comporte beaucoup de manques", admet ce 11 octobre la secrétaire d’État en Loir-et-Cher. Ils ne seront pas comblés tout de suite, puisque le renouvellement du comité national de la biodiversité, "qui sera à la base de ce travail", précise-t-elle, n’a pas encore eu lieu. Il ne devrait toutefois pas tarder. Bérangère Couillard indique que l’objectif reste de présenter la stratégie "au printemps prochain".
2 milliards d’euros pour le fonds vert…
Au cours de son allocution, la ministre n’a bien évidemment pas manqué l’occasion de mettre en avant le nouveau "fonds vert", d’autant qu’il est désormais doté non plus de 1,5 milliard d’euros, mais de "2 milliards d’euros", déclare-t-elle. Soit le haut de la fourchette annoncée par la Première ministre lors de la 32e convention d’Intercommunalités de France le week-end dernier – elle évoquait alors "entre 300 et 500 millions d’euros supplémentaires" (voir notre article du 7 octobre). Bérangère Couillard espère que la SNB – dont le déploiement devait initialement bénéficier de 150 millions d’euros issus de ce fonds – pourra profiter d’une part de cette revalorisation. "Au prorata", suggère son cabinet – soit 200 millions d’euros. Le gouvernement n’ayant de cesse d’expliquer que ce fonds vert, "c’est de l’argent frais", il faudrait en conclure qu’aucun moyen n’était initialement prévu pour financer la SNB en 2023.
… de plus en plus "fragmenté"
Une chose est sûre : la volonté de ne pas "segmenter" ce fonds vert (voir notre article du 14 septembre) semble avoir – au moins en partie – vécu. Bérangère Couillard précise en effet que les actuels 150 millions de la SNB seraient ainsi ventilés :
- 50 millions d’euros dédiés à la mise en œuvre de la stratégie nationale pour les aires protégées (voir notre article du 13 janvier 2021) ;
- 25 millions pour la protection des espèces, eux-mêmes répartis en 15 millions d’euros "pour des mesures favorables aux insectes pollinisateurs comme la plantation de haies hors secteur agricole" et 10 millions "pour la conservation et la restauration d’espèces menacées dans le cadre des plans nationaux d’action" ;
- 20 millions fléchés vers la lutte contre les espèces exotiques envahissantes (voir notre article du 16 mars), "une accélération importante par rapport aux 3 millions d’euros déployés l’année passée" ;
- et 35 millions d’euros à la résorption des principaux obstacles aux continuités écologiques et à "la démultiplication des mouillages écologiques de moindre impact sur les fonds marins".
Protection des espaces…
S’agissant des aires protégées, la ministre affirme sa "détermination à accélérer pour atteindre au plus vite, avec les territoires", l’objectif de 10% de notre territoire sous protection forte d’ici 2022 (voir notre article du 13 avril). "Il reste encore du chemin à parcourir", concède-t-elle. La ministre confesse en outre que cet objectif sera difficile à imposer à l’international, avouant que les négociations dans le cadre de la COP15 Biodiversité "ne sont pas simples" et craignant que cette dernière "n’aboutisse pas à des décisions fortes". Et d’indiquer préférer en conséquence concentrer ses efforts à la COP15, en décembre prochain, sur "l’objectif de fixer pour tous la cible de 30% de protection des terres et des mers d’ici 2030" – "celui qui a le plus de chance d’aboutir". Non sans rappeler en incise être "fière d’avoir lancé au cours de l’Assemblée générale des Nations unies à New York une nouvelle phase pour aider les pays du Sud à mettre en œuvre cet objectif du 30 par 30".
… et des espèces
Côté protection des espèces, elle a notamment annoncé le lancement de sept nouveaux plans nationaux d’action de protection d’espèces sensibles, dont la couleuvre de Mayotte, la grande mulette ou encore la flore endémique de la vallée de la Seine Normande et de ses habitats. Évoquant également les difficultés de protection des grands prédateurs, et singulièrement du loup, elle a affirmé sa volonté "d’accompagner l’augmentation des populations vers des populations viables en gérant au mieux les dommages sur les élevages" (lire notre article). "Avec Christophe Béchu et Marc Fesneau, nous voulons réussir son acceptabilité sur les territoires. Et les travaux prochainement engagés pour le futur plan 2024-2027 y contribueront", promet-elle.
Mais c’est sur la protection des cétacés qu’elle se fait la plus ferme : "La situation n’est pas acceptable car les captures accidentelles mettent aujourd’hui en péril les populations de dauphins dans le golfe de Gascogne", lance-t-elle, alors que la France est toujours dans le viseur de la Commission (voir notre article du 18 juillet). La ministre déplore "que les pêcheurs à qui on a donné des crédits pour équiper leurs chalutiers ne l’ont pas fait". Et d’avertir : "Aujourd’hui, les fermetures spatiotemporelles ne sont plus un tabou. Si elles s’avèrent la seule solution efficace, nous les imposerons." Une période de six semaines est évoquée. Mais on n’en est pas encore là. Pour l’heure, "dès cet hiver" sera lancée "une expérimentation à grande échelle de mesures techniques". Mais la ministre l’affirme : "Ma priorité est et restera la protection de la nature. Certains combats sont aussi symboliques que concrets. Celui-ci en est un, et je ne l’abandonnerai pas", se disant également prête "à discuter avec les Espagnols" sur ce dossier.
Suites législatives : faune sauvage captive, engrillagement… et retour de la consigne plastique
Évoquant les suites de la loi du 30 novembre 2021 (voir notre article du 1er décembre 2021), Bérangère Couillard indique que "les nouveaux textes réglementaires sont prêts, notamment celui sur la nouvelle Commission nationale consultative pour la faune sauvage captive ou encore celui sur la liste des espèces animales non domestiques que peuvent détenir des particuliers […]. La consultation publique se fera pour aboutir à une sortie des textes en début d’année prochaine". Le tout en précisant que "le défi réside sur les refuges et l’accueil des animaux, tant sur le plan technique que financier".
Interrogée par ailleurs sur la proposition de loi de lutte contre l’engrillagement, adoptée à son tour par l’Assemblée en première lecture le 6 octobre (voir notre article de ce jour et aussi notre article du 12 janvier pour son adoption au Sénat), Bérangère Couillard confesse qu’elle a échangé avec le sénateur Cardoux, auteur du texte, qui serait "satisfait" de la version votée par les députés et qu’un vote conforme serait prévu rapidement.
Abordant enfin la nouvelle proposition de loi contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé, également adoptée par l’Assemblée le 6 octobre, elle avoue "avoir bon espoir qu’elle aille au Sénat rapidement pour élargir le nombre de REP". La ministre souligne de surcroît que la France s’est proposée pour accueillir en avril prochain les négociations "pour l’élaboration d’un traité international contre la pollution plastique", qui "aboutiront, je l’espère, sur un traité contraignant ambitieux en 2024". Enfin, last but not least, elle indique qu’elle entend "relancer le sujet de la consigne à partir de juin 2023" – délai fixé par la loi Agec (voir notre article du 11 février 2020). "Je crains qu’elle [soit] indispensable", estime-t-elle, sans peur de rouvrir ainsi une boîte de Pandore qui avait eu bien du mal à être refermée (voir notre article du 17 décembre 2019).