Bruxelles relance la chasse aux déchets d’emballage

La Commission européenne a présenté un projet de règlement renforçant la lutte contre les déchets d’emballage. Il vise à interdire l’emballage inutile, à rendre tous les emballages recyclables et à augmenter la part des plastiques recyclés. Le texte rend notamment obligatoires les systèmes de consigne des bouteilles en plastique et canettes au 1er janvier 2029, sauf si leur taux de collecte séparée dépasse les 90%.

La Commission européenne a présenté ce 30 novembre un projet de règlement révisant la législation européenne relative aux emballages et déchets d’emballage (modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et la directive (UE)2019/904 et abrogeant la directive 94/62/CE). "L’actuelle directive, introduite en 1994, n’a pas permis de réduire les incidences négatives des emballages sur l’environnement", constate la Commission. Plus encore, elle estime qu’en l’absence de nouvelles mesures, le volume des déchets plastiques produits "devrait augmenter de 46% d’ici 2030 et de 61% d’ici 2040 par rapport aux volumes de 2018", alors que 40% des matières plastiques et 50% du papier utilisés dans l’Union sont d’après elle destinés à l’emballage (chaque européen en générerait 180 kg par an en moyenne). 

Avec cette nouvelle réglementation, la Commission ambitionne au contraire de réduire les déchets d’emballage – qui représenteraient 36% des déchets solides des déchetteries municipales – de 15% d’ici 2040 par État membre. L’objectif devra être atteint progressivement : 5% de réduction d’ici 2030 et 10% d’ici 2035. Autre objectif assigné, la réduction de l’usage des sacs en plastique "très légers" (pas plus de l’équivalent de 40 sacs par habitant et par an d’ici fin 2025). "On passe d’une directive à un règlement pour imposer des obligations aux producteurs d’emballage", avait expliqué Mattia Pellegrini, chef de l’unité "Des déchets aux ressources" à la DG Environnement de la Commission, lors du dernier congrès d’Amorce (voir notre article du 20 octobre). Pour y parvenir, le texte poursuit trois principaux objectifs.

Réduire la quantité

D’abord, la Commission entend voir réduite la quantité produite, en limitant les emballages inutiles (et en réduisant l’espace vide au minimum nécessaire) et en promouvant des solutions réutilisables et rechargeables, qui auraient fortement diminué au cours des 20 dernières années. Certaines formes d’emballage seront interdites, comme l’emballage secondaire des canettes de boisson ou les emballages à usage unique pour les aliments et les boissons lorsqu’ils sont consommés dans les restaurants et cafés, pour les fruits et légumes ou un certain nombre d’emballages miniatures, notamment dans les hôtels. Des mesures que les États membres sont appelés à compléter.

Par ailleurs, 20% des boissons chaudes et froides devront être vendues dans un récipient consigné, ou dans le récipient du consommateur, d’ici 2030 (et 80% d’ici 2040). Les taux sont de 10% et 25% pour les boissons non alcoolisées et alcoolisées autres que le vin (5% et 15% pour ce dernier), de 10% et 40% pour les plats à emporter ou encore de 10% et 50% pour les emballages destinés au transport du commerce électronique.

Rendre tous les emballages recyclables (et rendre obligatoire la consigne des canettes et bouteilles plastiques)

Ensuite, la Commission entend faciliter le recyclage, en rendant tous les emballages recyclables "d’une manière économiquement viable" d’ici 2030. L’emballage sera considéré comme recyclable à cette date "s’il est conçu pour le recyclage, s’il peut être effectivement et efficacement collecté séparément, s’il est trié en flux de déchets sans affecter la recyclabilité des autres flux et si les matières premières secondaires sont d’une qualité suffisante pour remplacer les matières premières primaires". À compter de 2035, il devrait en outre pouvoir "être recyclé à grande échelle".

Outre de nouvelles normes de conception, le texte prévoit la mise en place de systèmes de consigne obligatoires pour les bouteilles en plastique et les canettes en aluminium au 1er janvier 2029, sauf si leur taux de collecte séparée est supérieur à 90% en poids en 2026 et 2027 (il était en France, en 2019, de 58% pour les bouteilles selon une étude d’Amorce) ou si l’État membre met en œuvre un plan garantissant l’atteinte de ce taux au 1er janvier 2029, plan qui devra être soumis à la Commission au plus tard le 1er janvier 2027. De quoi apporter de l’eau au moulin de la ministre Bérangère Couillard, qui entend remettre le sujet sur la table dès juin prochain (voir notre article du 11 octobre).

La Commission vise à faire passer le taux de recyclage global des emballages de 66,5% en 2018 à 73% en 2030 ; le taux de mise en décharge passerait, lui, de 18,7% à 9,6%. Concrètement, le texte dispose que les États membres devront atteindre un taux de recyclage de 65% du poids de l’ensemble des déchets d’emballage d’ici le 31 décembre 2025 (et 70% le 31 décembre 2030), avec les taux spécifiques suivants : 50% pour le plastique (55% en 2031), 25% pour le bois (30%), 70% pour les métaux (80%), 50% pour l’aluminium (60%), 70% pour le verre (75%) et 75% pour le carton/papier (85%).

Augmenter la part des plastiques recyclés dans les emballages

Enfin, la Commission propose d’augmenter l’utilisation des plastiques recyclés dans les emballages. Des taux obligatoires de contenu recyclé seront imposés aux producteurs, afin de "transformer le plastique recyclé en une matière première précieuse". En 2030, le taux devra être de 30% pour les bouteilles en plastique à usage unique pour les boissons ou les emballages "sensibles au contact" dont le PET est le composant principal (et de 10% pour les autres plastiques), et de 35% pour le reste. En 2040, il devra atteindre 65% pour les bouteilles en plastique à usage unique pour les boissons, 50% pour les emballages "sensibles au contact" et 65% pour le reste.

Par ailleurs, le texte prévoit de renforcer la lisibilité de l’étiquetage afin de faciliter le tri sélectif : les mêmes symboles seront utilisés partout dans l’UE, et les conteneurs porteront les mêmes que les produits qu’ils doivent recueillir. L’emballage devra également fournir des informations sur sa composition. Des critères relatifs aux allégations prêtées aux plastiques compostables et biodégradables, qui "peuvent être une source d’ambiguïté pour le consommateur", seront également fixés.

Notons également que le texte prévoit, entre autres mesures, que les emballages "doivent minimiser la présence et la concentration de substances préoccupantes" (la Commission pourra ultérieurement abaisser la teneur de certaines substances), que les étiquettes autocollantes fixées sur les fruits et légumes et les sacs très légers en plastique devront être compostables "dans des conditions contrôlées industriellement dans des installations de traitement des biodéchets" à compter d’une date qui reste à fixer ou encore que la Commission fixera dans un second temps des critères obligatoires pour les marchés publics en la matière.

À quand les produits ?

Lors du dernier congrès d’Amorce d'octobre dernier, le délégué général de l’association, Nicolas Garnier, avait déploré "la surfocalisation de la Commission européenne sur les emballages ménagers", lui enjoignant de se concentrer davantage "sur les produits à l’intérieur de ces emballages, très peu réglementés" (la Commission a néanmoins présenté un texte en mars dernier - voir notre article). Et de préconiser notamment "l’interdiction de mise sur le marché de produits sans solution de recyclage".

 

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